Bourguiba est ressuscité, 16 ans après sa mort, par les politiques qui affirment clairement leur affiliation à ce héros de l'indépendance de la Tunisie et par de nombreux auteurs qui essaient de témoigner sur le personnage, sa vie et sa carrière. Parmi les livres récemment parus, celui assez prolifique de Moncef Charfeddine : Bourguiba, ses frères, le théâtre... Edité par la Stag grâce au concours de la Société des produits sidérurgiques, l'ouvrage, de 432 pages en langues arabe et française, rend hommage au fondateur de la République tunisienne, amateur de théâtre. Le président Habib Bourguiba a connu dès son jeune âge le théâtre grâce à son frère aîné Mohamed qui a fondé et dirigé plusieurs troupes de théâtre, dont les plus connues sont Ennajma et Echahama. Infirmier, il a eu à se déplacer dans plusieurs régions en Tunisie, notamment au Kef où il a fondé une troupe. Mohamed a passé le virus de l'art dramatique à son jeune frère. Ce dernier s'est vite passionné pour le 4e art et ne manquait aucune occasion pour assister à une pièce de théâtre. Et c'est peut-être son assiduité au théâtre qui l'a initié à devenir un grand orateur. Il a joué avec Habiba Msika Il a touché à la scène en interprétant un rôle dans une pièce intitulée La Patrie devenue Martyrs de la liberté. Mise en scène par Mohamed Bourguiba d'après d'un texte de Victorien Sardou, la pièce est interdite par le protectorat français. C'est sans doute le théâtre qui a développé la fibre politique de l'enfant Habib. A l'école Sadiki, il lui arrivait de sécher les cours pour assister à un spectacle au Théâtre municipal de Tunis, surtout lorsque l'héroïne s'appelait Habiba Msika à qui il vouait une grande admiration. Pendant les vacances scolaires qu'il passait dans son fief natal, la ville de Monastir, il poursuivait sa quête théâtrale en osant adapter la pièce Lucrèce Borgia de Victor Hugo et réaliser enfin son rêve en donnant la réplique à Habiba Msika, son idole. C'est en côtoyant la scène qu'il a gagné en assurance et en pugnacité. Cette expérience le servira plus tard en politique. Il saura en user à bon escient pour convaincre son auditoire et surtout le peuple tunisien qu'il saura conquérir grâce à la parole, mais aussi au geste et à une présence magnétique. Une date historique Au lendemain de l'Indépendance, le leader du mouvement national n'a pas manqué de réserver à la culture tout son appui, notamment le théâtre et ceux qui le font, à l'instar de Mohamed Lahbib et Hassen Zmerli à qui il a ouvert grandes les portes du Théâtre municipal de Tunis, réservé alors aux troupes françaises. Il les a également aidés en leur accordant des pensions pour qu'ils aient une vie décente et confortable. Mieux encore, le 7 novembre 1962 restera une date inscrite dans les annales. Alors président de la République, il a prononcé un discours dans le hall de la Radio nationale tunisienne, un discours historique annonçant en l'occurrence l'organisation d'une Semaine du théâtre tunisien. Le livre, assez didactique et instructif, de Moncef Charfeddine, contient de nombreuses photos de Bourguiba à différentes époques de son existence, des témoignages et des manuscrits dans les deux langues arabe et française. Un ouvrage nécessaire et utile qui vient s'ajouter au fonds éditorial du pays.