Sousse : Un navire de croisière américain avec 441 touristes à bord accoste au port commercial    Refus de libération de Fathi Dammak    Dalila Ben Mbarek Msaddek décrit l'état préoccupant des détenus en grève de la faim    Tunisie – METEO : Pluies orageuses parfois abondantes    Tunisie – La ministre en charge des transports en visite d'inspection au port de Rades    Tunisie – L'ISIE va se réunir pour arrêter et annoncer le calendrier des élections présidentielles    L'Université de San Francesco rejoint le mouvement de soutien à G-a-z-a    La BFPME annonce une augmentation de capital    Enseignants suppléants: Rassemblement national ce jeudi pour défendre les revendications du secteur [Déclaration]    Aid Al Idha : Le prix du mouton atteindra les 1700 dinars au Kef    1er mai: Ce mercredi, accès gratuit aux musées    Bayern Munich - Real Madrid : Sur quelle chaîne voir le match de la Ligue des champions ?    Les Totally Spies sont de retour après 11 ans d'absence : Date et chaîne de diffusion    Vers une réforme du marché face à la hausse des prix de la viande de mouton    Coupure de l'eau potable dans certaines zones de Sfax    CITY CARS: Des revenus en progression de plus de 29% au premier trimestre    MSF: "Le système de santé à G-a-z-a est dévasté"    OMS-Tunisie : Vers un renforcement de la production locale de vaccins    Chawki Tabib entame une grève de la faim    Béja: Prix au marché Beb Zenaiez [Photos+Vidéo]    Malmö Arab Film Festival 2024 : Des artistes et réalisateurs tunisiens se distinguent (palmarès)    Attaque armée dans un restaurant célèbre à Istanbul    Tunisie Telecom remporte le prix Brands pour la publicité ramadanesque la plus engagée    Ministère du Tourisme et de l'Artisanat : Des recettes en hausse et de bonnes perspectives    Les Indiscretions d'Elyssa    Mounir Majdoub, consultant en politiques de développement durable, à La Presse : "L'économie bleue représente un enjeu crucial"    Mostafa Abdelkebir : plus de cent mille migrants subsahariens irréguliers présents en Tunisie    «Moving figures» à la galerie Gorgi : Des personnages porteurs de rêves...    Au gré des cimaises : Climax !    MEMOIRE : Ameur HECHEMI    C'est le 23ème anniversaire des hypermarchés Carrefour en Tunisie !    Daily brief national du 30 avril 2024: TRE: Hassen Laabidi annonce les bonnes nouvelles en cascade    CONDOLEANCES    Une délégation tunisienne au Forum économique arabe de Doha    Attendu : Les USA Washington s'opposent à l'action de la CPI contre Israël et Netanyahu    Tunisie – Jumelage entre l'amphithéâtre d'El Jem et le Colosseo de Rome    Hand – Coupe de Tunisie : programme des quarts de finale    Palestine occupée : plus de 200 colons profanent la mosquée d'Al-Aqsa    Non, le Sénégal n'a pas adopté la langue arabe à la place du français    HAYA : Journée sportive pour le jeunesse    Ons Jabeur se qualifie en quart de finale du Tournoi de Madrid 2024    Journées Romaines de Thysdrus : retour en vidéos sur la manifestation qui a animé la ville d'El Jem    Les étudiants tunisiens manifestent pour une Palestine libre et indépendante    Conférence de la ligue des parlementaires : Le soutien de la Tunisie au peuple palestinien est indéfectible    Joueurs agressifs sur les terrains : Pourquoi pas un contrôle antidopage ?    Au fait du jour | Un mal nécessaire    Le SRS lance son académie de basket Ball : Une tradition restaurée !    Elections de la FTF : rejet de l'appel de Wassef Jlaiel, réexamen des listes de Ben Tekaya et Tlemçani    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Entre le marteau et l'enclume
LA JUSTICCE TRANSITIONNELLE
Publié dans La Presse de Tunisie le 11 - 12 - 2016


Par Noura BORSALI*
Il serait erroné de penser que les Tunisiens n'avaient aucune connaissance de l'état des droits humains dans leur pays depuis 1956 et bien avant encore et donc de toutes les violations dont furent victimes bien des Tunisiens non seulement du champ politique mais aussi toutes sortes de citoyens confrontés à la violence du système politique en place.
Une justice «transitionnelle» avant l'heure
Depuis des décennies, et pour attirer l'attention sur ces abus, des ONG de défense des droits humains se sont évertuées à l'échelle nationale et internationale à publier communiqués et rapports les condamnant avec force. Des partis de l'opposition ainsi que la centrale syndicale, l'Ugtt, n'ont eu de cesse de dénoncer, par les moyens qui leur sont propres, les dérives d'un pouvoir autoritaire contesté et considéré comme illégitime puisque résultant de scrutins falsifiés. La Fondation Temimi pour la recherche scientifique et l'information s'était attelée à un important travail de mémoire et de relecture de l'Histoire en donnant la parole à des historiens, à des responsables politiques ainsi qu'à des victimes des ères bourguibienne et bénaliste et en consignant leurs témoignages dans des articles et ouvrages. De même pour l'Institut supérieur de l'histoire de la Tunisie contemporaine (ex-Institut du Mouvement national). Des livres-témoignages écrits par des victimes de la répression ont vu le jour et fleuri surtout après le 14 janvier 2011 à tel point qu'on parle aujourd'hui de «littérature des prisons». Des films ont évoqué ces abus ainsi que des chansons fredonnées par les uns et les autres. Des émissions télévisées ont contribué, de leur côté, à libérer cette parole d'ex-prisonniers politiques. Des journaux se sont également intéressés à ce sujet en publiant témoignages et interviews avec des victimes de la violence politique qui a marqué de longues décennies de notre Histoire contemporaine. Sans oublier, de toute évidence, les plaidoiries courageuses d'avocats d'avant-garde, ni les témoignages audacieux d'inculpés dans des procès politiques... Bien des dépassements ont été mis au jour et pointés du doigt, aux risques et périls de ceux qui les avaient dénoncés: torture et tortionnaires, disparitions, exécutions, harcèlements policiers, arrestations, procès iniques et sans droit de défense, verdicts abusifs face à des dossiers sans preuves, voire vides, garde à vue prolongée et illégale, filatures, etc. Tout cela était, le plus souvent, répercuté de bouche à oreille et dans des tracts distribués clandestinement en l'absence de médias libres et indépendants, et provoquait, quand l'air du temps le permettait, meetings et protestations de rue. Rappelons également les deux commissions nommées respectivement durant les derniers jours de Ben Ali, à savoir la Commission nationale d'investigation sur les affaires de corruption et de malversation (Cicm) et la Commission nationale d'investigation sur les dépassements et les violations (Cidv) qui avaient publié d'énormes rapports sur les abus enregistrés sur ces faits, etc. La lutte contre l'impunité est devenue une question d'actualité et une revendication démocratique. Un rappel de tout cela nous paraît essentiel pour démontrer qu'une amorce de «justice transitionnelle» avait eu lieu, en Tunisie, depuis plusieurs années et que des abus ont été dévoilés et dénoncés par différentes franges de la population et diverses structures et institutions. La question se pose alors: qu'apporte aujourd'hui, de nouveau, la justice transitionnelle mise en place depuis 2013 ?
La naissance difficile de l'IVD
Cette dernière a été, de toute évidence, instituée par la loi organique 2013-53 du 24 décembre 2013, relative à l'instauration de la justice transitionnelle et à son organisation, créant ainsi une structure nommée Instance vérité et dignité (IVD), venue tardivement, trois ans après le 14 janvier 2011 et à la suite de la mobilisation de la société civile sous l'égide du ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitoire appuyé par des organisations internationales telles que le Pnud, etc. Son rôle est multiple et pourrait être réduit à trois mots essentiels : vérité, réhabilitation, réconciliation.
Une consultation nationale épaulée par un comité technique créé à cet effet n'a pas abouti au résultat escompté : le projet de loi proposé a été revu et corrigé par l'ANC au grand dam de la société civile, partenaire essentiel de ce processus. D'où le boycott par ses représentants de la suite donnée à ce processus, à savoir la présentation de candidatures pour l'élection des membres de l'IVD. Les représentants de la société civile ayant œuvré pour la mise en place de cette justice transitionnelle avaient également suggéré des propositions relatives à la procédure d'élection de l'IVD afin de garantir une réelle transparence quant au choix des membres. Rien de cela n'a été retenu par l'ANC qui s'est imposée comme le seul maître à bord dans la suite des évènements. La contestation de la société civile touchera, d'une part, la constitution de la commission de sélection des candidatures créée à cet effet par l'Assemblée selon des critères obéissant à une logique des partis politiques la composant ainsi que le choix des membres de l'IVD relevant, selon eux, d'un quota partisan. La formation de l'IVD ne se fera pas sans remous. La Coordination nationale pour la justice transitionnelle exprimera ses réserves et ses critiques sur la poursuite du processus. Démocratie oblige : des citoyens présentent à l'ANC des recours contre tel ou tel membre et quelques militants, des recours auprès du tribunal administratif contestant quelques membres pour leur appartenance politique proche du parti islamiste, ou carrément au parti Ennahdha. La présidente, considérée comme non consensuelle et partiale, sera, quant à elle, au centre de toutes les polémiques où des craintes se sont exprimées quant à une éventuelle instrumentalisation de la justice transitionnelle à des fins qui lui sont étrangères. Toutes ces réactions prévues par la loi sont demeurées lettre morte. Cet état de fait a divisé, depuis, la société civile entre défenseurs et adversaires de l'IVD. Selon de nombreux observateurs, le processus, dès sa naissance, est biaisé.
C'est en pratiquant de l'intérieur de l'IVD qu'on se rend compte des tares de la loi régissant l'Instance : des pouvoirs très élargis qui lui sont conférés ainsi qu'à son président, une immunité requise pour ses membres durant leurs fonctions, des prérogatives énormes allant des violations des droits humains aux affaires de corruption, empiétant ainsi sur l'Instance nationale de lutte contre la corruption, la longue durée sur laquelle s'étale son travail (1955-2013), le flou qui frappe certains concepts employés dans ladite loi, etc.
Négligences et manœuvres
Par ailleurs, et toujours selon des critiques avancées par des militants de la société civile et quelques avertis, la composition de l'IVD dont sa présidente, ne répond pas toujours aux critères énoncés dans la loi, à savoir l'indépendance politique, la compétence, l'intérêt pour la justice transitionnelle, l'impartialité, etc. Certains Tunisiens ont souhaité voir à la tête de l'IVD une personnalité telle que Desmond Tutu (Prix Nobel de la paix en 1984). Autant d'écueils auxquels aucune attention ne fut prêtée. Je ne reviendrai pas sur les dysfonctionnements et les problèmes internes qui se sont posés à l'IVD provoquant démissions et renvois par un conseil de discipline constitué des membres mêmes du Conseil de l'IVD, entravant ainsi une impartialité exigée et amputant l'IVD de six de ses membres. Selon la loi de justice transitionnelle, le quorum permettant à l'IVD de fonctionner est fixé aux deux tiers qui ne sont plus requis depuis le renvoi des deux derniers membres. La question tout à fait légitime qui se pose à ce propos et qui exige une réponse des parties concernées telles que l'ANC dominée par la Troïka et, par la suite, l'ARP par les islamistes et Nida Tounès, se résume ainsi : pourquoi le pouvoir législatif représenté par ces deux assemblées s'est-il obstiné à ne pas vouloir appliquer la loi qu'il a votée lui-même afin de remplacer les membres manquants ? La réponse est, me semble-t-il, claire. Dans ce partage de pouvoir entre les deux partis dominants réunis dans ce qu'ils appellent « un consensus », l'IVD apparaît, sans conteste, comme le fer de lance du parti Ennahdha. Pour rien au monde, on ne voudrait perturber la majorité - ô combien précaire – requise au conseil de l'IVD au profit de la présidente. Alors, pour pallier la question du quorum, la présidente et son conseil n'ont pas trouvé mieux que de changer le règlement intérieur, au mépris de la loi, pour y inscrire que le quorum des deux tiers sera atteint en fonction non pas du nombre réglementaire des membres (15) mais des membres présents. Autrement dit, si trois membres seulement s'affichent présents, le quorum est atteint avec deux membres seulement. Est-ce concevable ? Nos institutions, par faute de nos politiques, doivent-elles fonctionner de la sorte dans l'irrespect des lois en vigueur alors que l'un des objectifs primordiaux de la justice transitionnelle est la réforme de nos institutions pour y instaurer une bonne gouvernance ?
Quant aux erreurs commises de l'intérieur de l'IVD, je me limiterai à rappeler celle de la présidente et qui fut communément appelée «l'affaire des archives de la présidence et des camions»... Autant de malaises internes qui mettent, de leur côté, en péril le processus de justice transitionnelle en le décrédibilisant et en prêtant le flanc à ses adversaires pour le mettre en cause. Le débat à l'ARP relatif au budget de l'IVD 2017, transformé en procès de la présidente, l'a bien démontré.
Il va sans rappeler que tout cela est aggravé par un contexte hostile à la justice transitionnelle surtout après l'accession de Nida Tounès au pouvoir et de Béji Caïd Essebsi à la magistrature suprême. Un projet de loi de réconciliation économique émanant de la présidence de la République enfoncera le clou et sera vu comme une manœuvre pour contourner et affaiblir l'IVD. Son retrait, grâce à une mobilisation de la société civile et à, sans doute, des négociations partisanes, a fini par détendre l'atmosphère.
Toutes ces manœuvres démontrent à quel point le processus de justice transitionnelle en Tunisie est un enjeu politique devenu l'objet de manipulations, de tiraillements politiques et de négociations loin d'être saines parfois.
Il n'empêche que le constat est là : les campagnes contre la présidente de l'IVD menées par ses adversaires virulents se sont tues. Par quel miracle ? Des négociations ont-elles eu lieu pour calmer les esprits moyennant des assurances quant à l'avenir ? Il est trop tôt pour le savoir.
Des défis à relever
L'IVD, grâce à un appui international indéfectible mettant à sa disposition des moyens faramineux, contrairement aux autres instances dont l'Instance nationale pour la prévention de la torture, et un soutien sans conteste du parti islamiste, d'une partie de la gauche et de la société civile, a réussi à avancer : des milliers de dossiers déposés dont ceux de représentants de l'ancien régime. Une première série d'auditions publiques a vu le jour. Quand bien même ces dernières auraient touché bon nombre de téléspectateurs, il n'en resterait pas moins que cet événement appelle de sérieuses réserves. Des critiques ont relevé, à juste titre, le caractère artificiel de l'organisation s'apparentant à « un show », et aussi le choix du lieu vu comme l'expression d'une vengeance vis-à-vis de l'ancien régime. Par ailleurs, il manquait, à notre avis, une préparation judicieuse des témoignages présentés. Le temps imparti à chacun d'eux était inégal, ce qui altère le principe fondamental de l'égalité des victimes, provoquant une sorte de hiatus entre intellectuels et ceux qui ne le sont pas. Certains témoignages étaient dirigés et provoqués par les questions de la présidente de l'Instance, qui devrait rester impartiale. Dans cette thérapie individuelle ou de groupe, dans laquelle faire le récit d'une tranche de sa vie, c'est donner beaucoup de soi, le rôle fondamental revient aux spécialistes tels que les psychologues. Les membres de l'IVD ne devraient, en aucun cas, intervenir au moment de la prise de parole des victimes qui racontent une tranche douloureuse de leur existence. Il suffisait d'une bonne préparation préalable et d'une prise en charge psychologique. Car faire le récit de sa vie n'est pas chose aisée. C'est un investissement personnel qui comporte une grande charge émotionnelle que les psychologues se doivent de gérer. D'autant que la mémoire demeure fondamentalement subjective et sélective. Les psychologues ont bien démontré que lorsqu'une personne évoque sa propre expérience, « il peut y avoir, écrit-on, une différence entre ce qu'elle a réellement vécu et ce qu'elle en dit, mais aussi une différence entre sa perception de ce qu'elle a vécu et la perception qu'en a une autre personne. D'où une écoute critique s'impose ». Cela dénote de la complexité du regard rétrospectif et surtout de la notion de «vérité», somme toute relative. Le contenu de certains témoignages s'apparentait à des règlements de compte avec certaines parties politiques au profit d'autres. Des noms ont été cités en leur absence, risquant des appels au lynchage. On pourrait reprocher à l'IVD l'orientation politique et idéologique qui a affecté le choix des victimes de ces premières auditions : des « taqfiriyins » aux islamistes, à la gauche, aux youssefistes... Une façon de satisfaire les tendances politiques en place sans toutefois évoquer, reproche-t-on à l'IVD, les affaires liées aux gouvernants de l'après-14 janvier 2011, responsables de la répression du 9 avril 2012, des événements de Siliana des 27 et 28 novembre 2012 où des policiers ont fait usage de chevrotine amputant plusieurs personnes de leur vue et, plus loin, en remontant dans le temps, les actes terroristes du 2 août 1987 à Sousse, l'affaire de Bab Souika du 17 février 1991 etc... Tous ces tristes événements exigent que la vérité soit dévoilée sur les commanditaires et les exécutants de telles violences meurtrières. Par ailleurs, que ne rappelle-t-on pas à l'IVD que les victimes politiques directes ou indirectes ne sont pas les seules victimes de la violence du système autoritaire ! Les détenus de droit commun, les jeunes emprisonnés pour un joint, pour avoir exercé leurs libertés individuelles... ne subissent-ils pas la torture, l'humiliation, les arrestations abusives, de terribles conditions carcérales et toutes sortes de harcèlements, etc. dues à l'autoritarisme de l'Etat ? En somme, cette politisation à outrance de cette première apparition publique est exacerbée par la présence de personnalités politiques dont certains devraient rendre des comptes.
Certes, cette expérience, pour être unique dans l'histoire de la Tunisie contemporaine, appelle des améliorations et des garde-fous rigoureux pour que le processus ne dévie pas et aboutisse à la connaissance de la vérité, à l'identification des responsabilités, à la réhabilitation des victimes, à la valorisation de la mémoire collective et nationale et, au bout du compte, à la réconciliation nationale. Peut-être serait-ce un moyen d'éviter qu'une telle Histoire ne se répète.
Un chemin ardu
Il faut reconnaître que le chemin de la justice transitionnelle est épineux et plein d'embûches. Les expériences qu'ont connues plus d'une trentaine de pays dans le monde n'ont pas, toutes, abouti aux résultats escomptés. Elles n'ont pas non plus satisfait les victimes qui, souvent, sont restées marginalisées avec leurs douleurs enfouies au fond d'elles-mêmes. Ceci est dû, sans doute, à la complexité et aux limites de la justice transitionnelle qui interpelle de nombreux acteurs dont les intérêts s'accordent rarement et sollicite des juridictions autres, etc.
Dans la plupart de ces pays qui ont mis en place, après une répression dictatoriale, une guerre civile, ou un génocide, des commissions « dispositifs-phares » de la «justice transitionnelle» depuis les années 1980 et qui ont connu un grand essor, « parallèle à celui des juridictions pénales internationales », se sont vu « confier par des gouvernements un mandat d'établir en quelques mois la « vérité » sur les actes de violence, et de proposer une politique de réparations aux victimes » (Sandrine Lefranc). Ces commissions ont rarement dépassé trois années et ont été, pour la plupart, des processus négociés tels que l'IER (Instance Equité et Vérité) au Maroc ou encore la TRC (Truth and Reconciliation Commission) d'Afrique du sud. Après la fin de leurs missions, ces instances sont conscientes de ce constat, à savoir que les blessures ne se sont pas totalement éteintes, que la vérité n'a pas été révélée dans tous les cas, que les tortionnaires et les commanditaires des crimes courent toujours les rues, etc. Les limites d'un tel processus sont là, indéniablement.
La nécessité d'informer et d'expliquer
Aussi regrette-t-on profondément que le processus de justice transitionnelle, dans notre pays, ait rarement fait l'objet de débats sereins, d'échanges d'idées approfondies, d'explications bien argumentées et convaincantes... Il faut reconnaître qu'un tel processus est nouveau dans nos traditions politiques et sociales. C'est pourquoi la première étape du travail de l'IVD aurait dû consister à expliquer, informer et renseigner sur les principes fondateurs de la justice transitionnelle et leur importance dans la vie d'un pays. Ce travail pédagogique est indispensable. Je ne pense pas que les spots publicitaires de l'IVD, pour être elliptiques, soient pertinents ou informatifs ou encore suffisants pour expliciter davantage cette expérience inédite. Est-il normal qu'un soir, les Tunisiens, sans explication aucune, découvrent tout d'un coup, sur leurs petits écrans, des « cadrages émouvants » où l'on voit défiler hommes et femmes racontant avec beaucoup d'émotion leurs souffrances, la perte d'un parent, des actes criminels du fait de bourreaux inhumains, etc. ? Une préparation non seulement informative et persuasive mais également psychologique aurait aidé les Tunisiens à comprendre ce qui se passe autour d'eux pour que « les liens sociaux ne soient pas cassés » (S.L.) et pour éviter toute incitation éventuelle à la haine ou à la vengeance. Car le but fondamental du processus de justice transitionnelle n'est-il pas la réconciliation du Tunisien avec lui-même, avec les autres, avec les institutions de l'Etat, en somme avec son pays ?
N.B.
*(Enseignante et écrivain)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.