A quoi donc pouvait ressembler notre ancêtre carthaginois ? Qui ne s'est jamais posé la question ? Et qui, à travers les repères existants, statuaires ou médailles, bas reliefs ou mosaïques, n'a essayé de retrouver l'héritage qu'aurait laissé dans nos physionomies cette haute époque de notre histoire ? Par le miracle toujours renouvelé de la science, voilà qu'il nous sera bientôt permis d'approcher au plus près la physionomie d'un de nos ancêtres carthaginois. Cela aurait pu sembler de la science-fiction, ou relever des fantasmes d'un professeur Nimbus. C'est en fait une très belle histoire. En 1994, des fouilles menées par le professeur Morel permirent de découvrir une belle tombe datant de la haute époque punique au sommet de la colline de Byrsa. Elle renfermait la dépouille d'un Carthaginois que l'étude anthropologique permit d'attribuer à un jeune homme. Cette étude se fait fort précise : le jeune homme serait âgé de 19 à 24 ans, aurait été assez robuste et de belle stature, aurait eu le crâne long, le front large et le visage étroit, le nez fin et le menton carré. De là à en avoir un portrait précis, il ne restait que quelques pas que la science, dans son état actuel, allait permettre de franchir. Qu'on se souvienne de l'étonnement du public lorsqu'on avait restitué le portrait de Lucy, notre aïeule à tous, ou encore celui de Toutankhamon. Derrière ces prodiges, une science—la dermoplastie — et une spécialiste, Elizabeth Daynes. Se trouvant au confluent de la science et de l'art, la dermoplastie est un veritable défi qui repousse très loin les limites du possible. Elle utilise les techniques scientifiques de la médecine légale et de la criminologie dans son approche. Car il s'agit, en un premier temps, de dresser une véritable carte d'identité du sujet à partir de la forme de son crâne, ou de celle de sa mâchoire. Puis vient la mise en place des masses musculaires, tout ceci réalisé de façon objective, à partir des éléments dont on dispose, et qui commandent la cohérence de l'ensemble. Là où intervient la liberté de l'artiste, ce sera quand il s'agira de choisir la couleur des yeux, ou de la peau du sujet. Elizabeth Daynes, spécialiste mondialement reconnue de cette science de reconstitution à partir des fossiles, la dermoplastie, à qui l'on doit de savoir à quoi ressemblait l'homme du Neanderthal, Lucy, ou Toutankhamon, et dont les œuvres sont dans les plus grands musées, a reconstitué "Le jeune homme de Byrsa" . Il nous sera présenté au cours d'une exposition originale, à la fois scientifique et artistique, au début du mois d'octobre prochain, au musée de Carthage. Et cette rencontre avec ce très vieux jeune homme, sur la colline où il est probablement né, et où il renaît aujourd'hui, sera un grand moment d'émotion.