Dans le cadre de ce projet sur les écritures contemporaines des femmes en Méditerranée, deux tables rondes ont eu lieu. Voici un compte rendu sur la première. C'était vendredi dernier. Malgré les fortes pluies, le public était au rendez-vous à 14h00, à Dar Bach Hamba, le siège de l'association l'ART Rue, pour découvrir «Les nouvelles Antigone». Rappelons qu'il s'agit d'un programme conçu par Nil Deniz, une actrice culturelle syriano-turque, dans le cadre d'un projet appelé «Sublimes portes» qui s'est donné pour mission de mettre en relation les artistes émergents des villes de la Méditerranée. A l'entrée de cet ancien palais qui se trouve à la Médina de Tunis, des libraires ont mis à disposition des livres écrits par des femmes, notamment des titres signés par des intervenantes dans les tables rondes auxquelles nous avons été invités. Dans la première où il s'agissait de «Féminismes en Méditerranée», l'écrivaine et militante féministe algérienne Wassila Tamzali et les Tunisiennes Sana Ben Achour, maître de conférence agrégée en droit public, cofondatrice de l'association des femmes démocrates et présidente de l'association Beity, et Bochra Triki de l'Association Chouf pour les droits corporels et individuels des femmes ont pris la parole pour nous faire redécouvrir le féminisme et redonner du sens à ce mot qui a toute une histoire. «Le féminisme est plus que jamais d'actualité. Il crée des outils communs dans des combats communs pour transformer les choses», déclare Sana Ben Achour. Car, c'est clair, on n'en a pas fini avec ces inégalités qui se recomposent à chaque fois et qui réapparaissent sous d'autres formes. D'ailleurs, la juriste et activiste s'est donnée pour mission de combattre le Code du statut personnel qui, contrairement à ce que pense la majorité des Tunisiens, donne des droits, mais jamais l'égalité. «Le Code du statut personnel est en train d'amorcer du retard par rapport à ce que les femmes tunisiennes ont déjà démontré», dit-elle. En effet, le «code» assigne encore les femmes à n'être que des subalternes. Elles ont un devoir d'obéissance à l'époux. Il ne résout pas non plus cette question de l'héritage et n'accorde nullement à la femme le droit de disposer de son corps. «En bref, statut ou pas, symboliquement, les femmes ne représentent toujours rien», conclut S. Ben Achour. Le chemin est encore long. «La discrimination revient comme une ritournelle. Et si les femmes n'ont pas leur place dans la filiation, elles n'ont pas de place dans le pouvoir», réplique Wassila Tamzali. Mais d'après l'écrivaine, il y a un seul féminisme, une pensée féministe qui essaye de trouver plusieurs formes d'expression. «Toujours est-il que le féminisme passe par la libération de soi et notamment du corps rattrapé par la violence», ajoute-t-elle. Il faut, donc, résoudre toutes ces questions qui visent le corps et la sexualité. «Notre génération, qui a l'impression d'être au début de quelque chose, essaye de se recentrer sur ces questions», souligne Bochra Triki. L'association, dont la jeune activiste fait partie, travaille sur la sexualité non normative. Pour elle, le féminisme doit contenir ces questions de l'intimité. «Chouftouhona», le festival international d'art féministe créé par l'association «Chouf», montre justement ce que pensent les femmes, leur offre un espace libre pour s'exprimer et intègre entre autres ces questions de l'orientation sexuelle. On comprend, que dans nos pays, le combat pour les droits est très complexe. Ne faut-il pas changer les lois ? Et Sana Ben Achour de préciser : «La loi est un méta langage ; et la norme juridique porte en elle les normes politiques, religieuses, sociales et culturelles. Changer une loi ne changera peut-être pas la vie d'une femme, mais celle-ci aura au moins un recours».