La zone euro peut-elle construire en 2017 une nouvelle politique économique et engager une relance commune ? C'est peu probable. Les 19 devront donc se contenter du soutien de la BCE et du recours aux «vieilles recettes» Quelle est la politique économique de la zone euro ? La question ouvre sur une des principales insuffisances de la monnaie unique, devise d'une zone monétaire dépourvue d'autorité centrale en matière économique. Mais il faut y regarder de plus près. La zone euro s'appuie naturellement sur la seule puissance centrale dont elle dispose en matière économique : sa banque centrale, la BCE. Depuis juin 2014, avec deux accélérations en avril 2015 et avril 2016, cette dernière soutient activement l'activité de la région par une politique visant à abaisser les taux de refinancement des entreprises. Cette politique n'a pas été inopérante, comme on peut souvent l'entendre. Les taux ont baissé partout pour les entreprises comme pour les ménages. Dans certains pays, cette baisse des taux a eu un impact sur la demande, principalement dans l'immobilier ou dans les crédits à la consommation dans certains pays comme l'Allemagne ou la France. La production de crédits en novembre 2016 s'est accélérée pour atteindre un risque jamais vu depuis 2009. Concrètement, le soutien massif de la BCE lui a permis de contenir la spirale déflationniste qui menaçait la zone euro. La BCE soutient une croissance faible Mais la politique monétaire ultra-accommodante a également ses limites. Ses effets sont mal maîtrisés et s'appuient principalement sur des systèmes bancaires encore convalescents et prudents. Le risque d'emballement sur certains actifs ou sur certaines régions est réel. Surtout, la baisse des taux ne crée que partiellement de la demande. Si les perspectives restent incertaines, si la croissance potentielle est faible, la baisse des taux ne viendra pas combler ces faiblesses. Autrement dit, la politique monétaire ne saurait, à elle seule, régler les deux principaux problèmes de l'économie européenne : son sous-investissement et sa démographie faible. D'où ce paradoxe : les 1.300 milliards d'euros d'actifs achetés par la BCE à ce jour n'ont pas permis de stimuler suffisamment la croissance de la zone euro qui, depuis sa sortie de récession au deuxième trimestre 2013, ne sort que très exceptionnellement de son faible rythme de 0,3 ou 0,4 % par trimestre. Début 2016, les clairons ont commencé à sonner l'accélération de la croissance lorsque cette dernière a atteint 0,6 % au premier trimestre. Mais ce rebond ne s'expliquait que par l'effet de la baisse du prix de l'essence sur les revenus réels des ménages qui ont dopé la consommation. Une fois cet effet effacé, la croissance est revenue aux deux trimestres suivants à 0,3 %. Elle pourrait être plus rapide au dernier trimestre, mais en réalité, la zone euro doit bien faire face à un problème de croissance. Le problème de la croissance européenne Trop faible, la croissance de la zone euro est aussi imparfaitement répartie. Une étude récente de l'Ocde a montré clairement que la croissance récente, et notamment la baisse du chômage, qui est une réalité en zone euro, s'était accompagnée d'un creusement des inégalités. C'est le fruit d'un modèle de croissance présent partout dans le monde, mais nulle part avec autant d'intensité qu'en zone euro, et qui est fondé sur des « réformes structurelles» visant à abaisser le coût du travail et sur une austérité budgétaire ayant frappé les plus fragiles, alors que la politique monétaire accommodante, en passant par les marchés et les banques, soutient les plus aisés. Or, la recherche économique sait désormais que ce problème d'inégalité — qui dans les Etats de l'Ocde est au plus haut — pose une menace sur la croissance à moyen et long termes. A court terme, elle pose le problème de populations promptes à «protester» dans les urnes ou à se détourner de l'exercice démocratique. Un double phénomène de mauvais augure avant une année 2017 riche en élections en zone euro (Pays-Bas, France, Allemagne, peut-être Italie) et qui a déjà produit deux événements majeurs : le Brexit et l'élection de Donald Trump. Pas de relance en zone euro L'idée d'un soutien public aux politiques monétaires a donc pris de l'importance en 2016. Sauf en zone euro. L'appel de Mario Draghi le 22 août 2014 à Jackson Hole de compléter la politique monétaire par l'utilisation des «marges de manœuvre budgétaires» n'a guère été entendue. Le plan Juncker d'investissement a un bilan pour le moins mitigé et il est difficile de savoir s'il soutient ou s'il se substitue à l'investissement privé. Pour autant, la Commission européenne n'est pas restée insensible au mouvement mondial en faveur de la relance. En novembre, elle a effectué un mouvement remarquable et unique en proposant de consacrer 0,5 % du PIB de la zone euro à une relance de l'économie. Cette proposition modeste a été sèchement éconduite par l'Eurogroupe en tant que représentant du Conseil. Il n'y aura donc pas de relance au niveau européen. L'occasion était pourtant belle de construire un «policy mix», une coordination de la politique économique de l'union monétaire.