Tiraillés entre les différentes priorités de leurs membres, le G20 et l'OMC ont échoué à trouver des solutions communes aux grands enjeux économiques. En 2017, l'arrivée au pouvoir de Trump et les élections en Europe rendront la gouvernance mondiale encore plus compliquée. Poussée de fièvre protectionniste aux Etats-Unis sous l'impulsion de Donald Trump, vague populiste antimondialisation dans les pays développés englués dans un chômage de masse, sortie programmée du Royaume-Uni de l'Union européenne, poursuite du creusement des inégalités, crises migratoires... L'année 2016 a réservé bien des surprises sans que ces chocs successifs ne provoquent des mesures d'ampleur et décisives pour endiguer la dérive de l'économie mondiale. Dirigeants politiques et économiques de la planète ont pourtant bien conscience de ces maux. Mais ils ne parviennent toujours pas à trouver la ou les médications adéquates. Et cet état de fait va continuer tout au long de 2017. Les « Diafoirus » continueront d'ausculter le malade et se demanderont toujours s'il faut lui administrer qui une purge, qui une amputation, qui une saignée... Invoquée de longue date, la tenue d'un nouveau « Bretton Woods » pour redéfinir les contours d'une gouvernance mondiale qui va cahin-caha depuis 1944 a peu de chances de voir le jour. Il faudrait un conflit aussi dévastateur que la Seconde Guerre mondiale ou alors une crise financière encore plus déstabilisante que celle de 2008. Pour l'heure, les grands rendez-vous internationaux sont déjà calés : un G7 en Italie en mai, un G20 mi-juillet en Allemagne. Le tout saupoudré de réunions du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale à Washington, de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) au printemps et de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en Argentine en décembre. Un rituel immuable. Tous ces forums internationaux, qui rassemblent la crème des élites, sont englués dans des débats inopérants pour assurer croissance, richesse, sécurité, sinon bonheur et prospérité à l'ensemble de la communauté internationale. L'histoire récente le prouve. Tous les observateurs font le même constat : la gouvernance mondiale est en recul. La tendance à rechercher en commun des solutions internationales aux grands problèmes — migration, changement climatique, lutte contre la pauvreté, régulation financière, évasion fiscale — fondées sur des valeurs et des intérêts bien précis est en voie de se briser. Erigé en vigie de l'économie mondiale en 2008, lors de la crise des « subprimes », le G20 ne peut à lui seul jouer ce rôle pleinement. D'abord parce qu'il rassemble en son sein des puissances qui ne partagent pas les mêmes objectifs. Le capitalisme « financier » actionnarial du monde anglo-saxon et le capitalisme de « responsabilité sociétale de l'entreprise » (RSE) européen s'accommodent mal avec le capitalisme « étatique » chinois, russe et moyen-oriental. Comme l'a souligné, en octobre dernier, Christophe Destais, expert du Cepii, «les travaux du G20 s'effectuent selon le principe d'une présidence tournante. Une présidence tournante implique des priorités tournantes. Chaque pays tend à privilégier un agenda en adéquation avec ses propres préoccupations». En 2014, l'Australie avait notamment mis l'accent sur les dépenses dans les infrastructures pour relancer l'économie mondiale. En 2016, la Chine avait mis en tête de ses priorités la réforme du système monétaire et financier international. L'Allemagne, quant à elle, a mis sur la table la RSE et les partenariats avec l'Afrique. De présidence en présidence, l'agenda du G20 devient surchargé de thèmes abordés au cours d'à peine deux journées de travaux des chefs d'Etat et de gouvernement. De plus, la présence massive des médias incite «plus à la posture » politique qu' « à la recherche d'un consensus», ajoute Christophe Destais. Certes, pour ses travaux, le G20 s'appuie en amont sur d'autres organisations comme le FMI, la Banque mondiale, l'Ocde ou encore le Comité de Bâle et l'OMC. Autant d'enceintes qui rassemblent des intérêts divergents et parfois se concurrencent ou se jalousent entre elles. En outre, le FMI et la Banque mondiale, toujours sous la coupe de leur premier actionnaire, les Etats-Unis, font face à la concurrence d'institutions semblables créées par les grands pays émergents sous la houlette de la Chine. L'OMC, de son côté, éprouve les pires difficultés à moderniser sa réglementation, qui date du milieu des années 1990. Les chances de parvenir à une réelle percée en décembre en Argentine sont bien minces. Face à ces blocages se dresse l'énigme Donald Trump, qui va participer pour la première fois à ces grands rendez-vous. Le futur président américain n'a pas manqué de fustiger l'OMC et de menacer de la quitter. Les observateurs se perdent en conjectures sur ses décisions à venir, tant sur le plan du commerce que sur la régulation financière. Ses thèses vont à contre-courant des travaux du G20 et de l'OMC. De surcroît, échéances électorales obligent — les élections générales allemandes se déroulent en septembre —, l'actuelle chancelière allemande, Angela Merkel, a avancé la tenue du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du G20 au début de l'été. Entre la prise de fonction de Trump, le 20 janvier, les élections présidentielle et législatives françaises du printemps prochain, le temps de préparation de ce G20 est plus que restreint. «C'est vrai que 2017 sera une année particulièrement compliquée», admet un haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères français.