«Au-delà des couleurs», une exposition regroupant les œuvres de treize photographes amateurs et professionnels, organisée dans le cadre du mois de la photo —lancé par l'Association Club Photo de Tunis (Acpt) —, est actuellement visible à la galerie Yahia de Tunis. Au-delà des couleurs, il y a d'autres couleurs, celles de l'ombre et de la lumière, il y a le noir et le blanc, il y a un espace qui est fait de temps et d'entre-temps, miroités par les reflets du visible. Une dualité qui révèle les méandres de l'inconscient. L'ombre et la lumière ciselant les masses, les silhouettes et les traits captés, figés et éternisés s'offrent aux spectateurs comme un désir d'interprétation, associant des impressions vagues et des moments d'interrogation. Perte et réappropriation du réel, au fil de ses images. Autant de photographies — oscillant entre rêve et réalité— qui ont en commun d'explorer la fuite du temps, la nostalgie du souvenir, mais aussi la poésie du quotidien. Des images où l'on croise également les figures du temps, et le réel dans toutes ses formes. Il s'agit d'une magnifique sélection de 46 œuvres photographiques allant de la street photo à la photo documentaire en passant par la photo d'architecture réalisées par treize photographes de divers horizons, amateurs et professionnels, tous membres de l'Acpt, citons : Amine Landolsi, Aymen Fantar, Hamideddine Bouali, Houssem Dafdouf, Imed Sidomou, Khaled Abdallah, Khalil Atallah, Khaoula Heni, Mehdi Ben Gharbia, Mohamed Amine Abbassi, Mohamed Ben Mahjoub, Nizar Dhib et Soumaya Boulati. Des photographies, en noir et blanc, figent des bribes d'images et des instants qui peuvent toucher, impressionner et stimuler l'esprit du spectateur tant par la technique que par le sujet abordé. Dans cette profusion d'images, se lisent la sensibilité esthétique et la charge émotionnelle contenues dans le filtre du regard des artistes photographes. Quelques photographes ont pris plaisir à jouer avec les cadrages et avec la juxtaposition des plans pour créer un passage entre la réalité de ce qu'ils ont perçu, l'espace d'une fraction de seconde, et le rêve, l'échappée onirique, voire impalpable, de l'image, pour rendre des atmosphères chaleureuses entre le silence des intérieurs et l'espace extérieur grouillant de monde, avec une alternance entre le jour et la nuit, le blanc et le noir... Parmi les œuvres qu'on a pu admirer, on retrouve celles du photographe Hamideddine Bouali. «Après avoir couru derrière la Lune, pris rendez-vous avec les journées de pluie, presque habité au Théâtre municipal de Tunis, je suis en train de réfléchir sur une nouvelle manière de faire un portrait. Ce projet qui s'appuie sur ce que la technologie met de nos jours à notre disposition est plus axé sur la manière de faire que sur la manière de voir», confirme Hamideddine, qui a déjà commencé à travailler sur un nouveau projet tournant autour de l'état du ciel et particulièrement la morphologie des nuages. Alors que Khalil Atallah nous donne à voir des vues globales et vertigineuses en plongée sur l'architecture des différentes villes qu'il visite. Son attention se focalise sur des rues pittoresques ou des quartiers dont l'architecture lui offre tout un panel de formes et d'angles à exploiter. D'après lui, «voyager permet d'élargir les possibilités, en allant à la rencontre d'une multitude de sources d'inspiration qu'au départ on ne soupçonnait même pas. Le fait est que l'être humain, en s'habituant à son espace de vie quotidien, ne prête plus attention aux détails. Alors qu'en condition de voyage, tous les sens sont en alerte ; ainsi tout détail qui se présente à notre œil devient intéressant à photographier». Quant à Soumaya Boulati, les photographies servent à raconter des histoires. La photographie «est une projection de soi dans le monde et l'assimilation du monde en soi, ce regard qu'on porte, qui nous porte et nous emporte». A travers cette exposition, on découvre également les photographies de Houssem Dafdouf , axées sur le «Street photography» qui est pour lui une façon de raconter la réalité, un moyen de s'exprimer et de créer une connexion avec l'autre. «Personne ne conteste que l'olivier soit l'un des symboles de la Tunisie. Ma relation avec cet arbre sacré est bien évidemment aussi profonde et enracinée», s'exprime Mohamed Ben Mahjoub, qui, à travers sa collection "Zeytouniettes", ouvre une fenêtre sur ses souvenirs baignant dans l'amour de la terre et de l'olivier. «C'est une histoire personnelle et familiale solidement attachée à la terre. Je voudrais partager, dans un premier temps, puis transmettre l'amour de l'olivier et de la terre. La série se focalise essentiellement sur quatre éléments: la terre, le ciel, l'olivier et bien évidemment la femme. Le but était de réaliser des photos documentaires sans tomber dans le sentimentalisme. C'est un témoignage, une saisie immédiate de la réalité sans transformation et certainement sans mise en scène ni dramatisation», confirme-t-il. Chaque prise est, donc, en relation avec la réel ou l'imaginaire de l'artiste dans son aspect fugace et sensible et la réalité environnante en ce qu'elle a de particulier. Mais toutes ces images, qui passent à travers le prisme de la sensibilité des photographes, sont l'expression des impressions ajoutées, rajoutées ou simplement posées sur la beauté intérieure de l'objet ou de la personne que l'œil, très observateur, a su capter. Une exposition qui vaut assurément le détour!