Dans une interview accordée, dimanche dernier, à la chaîne de télévision privée Nessma TV, le président de la République a réitéré son engagement à alléger les poursuites judiciaires contre les jeunes consommateurs de cannabis La déclaration est ambiguë, c'est ce que l'on peut dire sur les propos du président de la République, Béji Caïd Essebsi, lors de sa dernière sortie, au sujet de la loi 52 sur la consommation de cannabis. Lors d'une interview accordée à la chaîne Nessma TV, le chef de l'Etat, comme s'il réfléchissait à voix haute, a déclaré qu'il se réunira avec le Conseil national de sécurité (CNS) pour étudier l'éventualité de supprimer les poursuites judiciaires contre les jeunes qui se font attraper la première fois. «Il n'est pas concevable de continuer à emprisonner un nombre impressionnant de jeunes pour consommation de cannabis», s'est-il indigné. L'allégement des poursuites contre les consommateurs de cannabis avait été l'une des promesses du candidat BCE en 2014, et voilà que le président de la République revient à la charge en laissant planer la possibilité d'un moratoire sur la loi 52, jusqu'à l'adoption d'un nouveau texte plus clément. Mais certains estiment que «Béji» est allé plus vite que les violons et que ni lui, ni le Conseil national de sécurité ne sont habilités à prendre une telle décision. La loi 92-52 du 18 mai 1992 relative aux stupéfiants est réputée être rigide et ne laisse aucune marge de manœuvre aux juges. Dans son article 4, la loi est on ne peut plus claire : «Sera puni de l'emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de mille à trois mille dinars tout consommateur ou détenteur à usage de consommation personnelle de plantes ou matières stupéfiantes». Mais pour l'avocat Ghazi M'rabet, qui milite depuis des années contre l'incarcération des consommateurs de cannabis, le président de la République pourrait bien ouvrir une brèche favorable à la fin progressive de l'emprisonnement des consommateurs. Il qualifie même la proposition de BCE de «première grande victoire». Le projet de loi en souffrance à l'ARP Selon toute vraisemblance, le président réunira le CNS « dans les prochains jours ». Le conseil, composé des trois présidents, du ministre chargé de la Justice, de la Défense, de la Sécurité, des Affaires étrangères et des Finances et du chef du Centre national des renseignements, examinera la proposition de BCE. «En fait, d'après ce que j'ai pu comprendre, il leur demandera à ce que les procureurs ne délivrent plus de mandat d'arrêt contre les consommateurs, explique Ghazi M'rabet. Dans sa déclaration à la télévision, il ne parle pas d'arrêt des poursuites». En clair, dans les affaires liées à la consommation de cannabis, la justice suivra son cour sans qu'il y ait arrestation des accusés. Mais que se passera-t-il une fois le verdict prononcé ? C'est là que ni le président, ni ses conseillers n'ont été suffisamment clairs. Toutefois, Ghazi M'rabet espère la mise en application d'un moratoire sur la question. En d'autres termes : la non application des peines prononcées. «Cela est possible, et ça ne serait pas la première fois. Depuis les années 1990, la peine de mort est prononcée mais jamais appliquée», note Ghazi M'rabet. Depuis plusieurs mois, le nouveau projet de loi relatif à la consommation des stupéfiants traîne du côté de la commission parlementaire de législation générale, mais les déclarations de plusieurs leaders politiques convergent vers un abandon des peines privatives de la liberté. Dernière en date, celle de l'un des dirigeants du mouvement Ennahdha, Lotfi Zitoun, qui s'est dit favorable à une dépénalisation pure et simple de la consommation du cannabis.