Jamais le devenir des régions n'a suscité un débat aussi sérieux que crucial. Constitution oblige. Son 7e chapitre sur le pouvoir local l'a bien dit et précisé, dans les moindres détails. A l'approche des élections municipales, prévues en décembre prochain, la question du développement local, avec la philosophie de sa mise en œuvre, demeure un enjeu majeur qui devrait être gagné à tout prix. Sinon, on renoue avec un modèle socio-économique qui a atteint toutes ses limites. Ses résultats étant sans appel : infrastructures mal en point, chômage endémique, classe moyenne gravement détériorée et pouvoir d'achat de plus en plus érodé. Soixante ans après l'Indépendance, tout semble revenir à la case départ. Et le pays se voit, de nouveau, confronté aux mêmes défis d'autrefois. Au point qu'il fait appel à ses partenaires d'hier, avec qui il maintient encore de bons rapports. Le Bureau international du travail (BIT), un des mécanismes exécutifs opérant sous la bannière de l'OIT dont la Tunisie est membre, n'a pas manqué de lui venir en aide. Ses interventions dans les zones défavorisées se sont visiblement illustrées par un programme visant la création d'emplois, l'infrastructures, le développement économique et la réinsertion professionnelle. Et comme les médias se présentent, plus que jamais, en tant que relais de communication de masse et véritable acteur influent, il demeure aussi indispensable de les former sur le tas. Le débat est bien lancé, à Hammamet, avec pour thème « Initiation au développement local intégré », où l'expérience du BIT a été fort appréciée. Expérience qui vient compléter celle de l'Etat dans plusieurs régions du nord-centre-ouest, à savoir Kasserine, Siliana, Le Kef, Gafsa et Sidi Bouzid. Le tout avec quelque 6,5 millions d'euros financés par l'UE. Le BIT agit, ici, en maître d'œuvre, un rôle de premier plan dans l'accompagnement et l'encadrement de la population bénéficiaire. En témoigne ainsi M. Jad Ben Haj Boubaker, coordinateur national des projets auprès du BIT. Développement à vocation multiple Développement local, pourquoi en a-t-on trop parlé?, s'interroge Dr Belgacem Zitouni, formateur confirmé et expert international dans le domaine. Centralisation à outrance, système de communication verticale, décision unilatérale, hégémonie de l'Etat dominant, en sont, bien évidemment, la cause principale. Car ni l'approche normative ni celle coopérative, adoptées depuis bien des années, n'avaient pu faire leurs preuves. Et le modèle qui s'en est suivi nous a conduits à des résultats assez modestes, sinon décevants. Soit « 25%, pour ainsi dire, qui en avaient profité », estime-t-il. A l'époque, l'Etat planificateur n'avait pas les moyens de sa politique de développement. Et encore moins les aspirations des citoyens dans les régions. D'où l'impératif d'autres alternatives au développement local, lequel devrait être nécessairement basé sur une nouvelle approche participative. Dans ce sens, rétorque-t-il, changer les mentalités, c'est un processus de longue haleine. « D'un état d'esprit initial à celui plus adapté à des pratiques actuelles, cela mérite un déclic», poursuit-il. Décentralisation, c'est aussi de l'argent Pour lui, le développement local se comprend ainsi : valoriser les ressources locales, apporter de l'innovation et apprendre à commercialiser. Cela veut dire aussi s'organiser en structures formelles. D'après lui, l'œuvre de développement ne peut se faire dans l'informel. Certes, l'objectif à atteindre consiste à réaliser un développement local intégré, à même d'améliorer la qualité de la vie et accroître le rythme de la croissance. Une ambition qui s'avère tout à fait légitime. « Nous sommes un pays riche en potentialités économiques sous-estimées. », positive-t-il. Mais, il y a aussi d'autres objectifs sociaux à vocation promotionnelle. Le citoyen demeure maître de soi, mieux intégré dans sa propre commune. Sortir du désordre pour rétablir l'ordre, c'est bien le mot. Et maintenant que le projet du plan quinquennal 2016-2020 est adopté par le parlement, il y a raison de plus pour aller loin sur la question. Le ministère des Affaires locales et de l'Environnement semble être sur le fil du rasoir. La mission est aussi délicate que complexe. M. Salah Chouchène vient présenter les nouveaux rôles de la Caisse des prêts et de soutien aux collectivités locales (Cpscl). Ce dernier veillera à l'exécution d'un « programme de développement urbain et de gouvernance locale » dont le montant global s'élève à 1.220 millions de dinars. Il vise à renforcer le pouvoir régional et consacrer la décentralisation, de nature à faire des municipalités un vrai catalyseur du développement, suivant une approche participative. Pour M. Mokhtar Hammami, directeur général des collectivités locales, « cette décentralisation ne s'applique pas en bloc, c'est plutôt un processus à plusieurs étapes. ». Elle demande du temps et de l'argent, cela va sans dire. « Une fois réalisée, l'Etat central ne s'impose plus, il propose », résume-t-il. Cette théorie d'approche est majoritairement défendue en tant que clé de voûte, mais le terrain a toujours sa réalité.