Un organisme national dépendant de la présidence du gouvernement, dont la création a été annoncée, hier, par le chef du gouvernement, s'emploiera à suivre l'application de la série de mesures prises pour améliorer l'encadrement, l'emploi et les conditions de travail des personnes à besoins spécifiques A l'issue d'une conférence nationale au Palais des congrès, hier, sur le thème «Emploi et handicap: vers un partenariat tripartite entre les secteurs public et privé et la société civile», organisée par le ministère de l'Emploi et de la Formation professionnelle, pour présenter les résultats du projet pilote "Emploi et handicap". Youssef Chahed, chef du gouvernement, a annoncé la création d'un organisme national pour l'appui aux personnes handicapées et a indiqué que le gouvernement veillera à améliorer le cadre juridique pour l'encadrement des personnes handicapées en concordance avec la Constitution tunisienne et la convention internationale pour les droits des personnes handicapées et accélérer la publication des textes réglementaires dans le domaine de l'emploi et de la formation professionnelle. Il s'agit aussi de mettre en place un système statistique pour les personnes handicapées suivant les normes internationales, inscrire l'intégration professionnelle des personnes handicapées dans le cadre de la responsabilité sociétale des entreprises et renforcer le cadre juridique des associations actives dans le domaine en garantissant l'amélioration du système de formation et de l'encadrement. Le gouvernement veillera également à élargir les interventions du Fonds national de l'emploi et du Fonds national pour la formation professionnelle pour financer l'aménagement des lieux de travail des personnes handicapées dans les entreprises et les centres de formation professionnelle privés et publics et institutionnaliser le système de coordination et de contrôle au niveau local, régional et national pour l'intégration professionnelle des personnes handicapées. Toutes ces mesures seront suivies par l'organisme national susindiqué qui dépendra de la présidence du gouvernement. Le ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, Imed Hammemi, a déclaré, de son côté, que les bénéficiaires du programme pilote «Emploi et handicap», dont le nombre s'élève à 500 personnes, ont fait preuve de sérieux dans leur travail. 13% des personnes handicapées de 15 à 65 ans ont une activité professionnelle Hammemi a indiqué que ce programme a pour objectif de permettre à cette catégorie de bénéficier des attributs du travail décent, soulignant que des consignes ont été adressées aux différentes structures d'emploi afin d'accorder à cette catégorie la prise en charge nécessaire qui leur permettra d'intégrer la vie économique. Ces mesures constituent, en fait, un pas en avant dans la lutte contre la discrimination contre les personnes handicapées dans les lieux du travail et pour le renforcement de l'égalité des chances. Un cadre juridique existe déjà mais il n'est pas assez appliqué. Imed Abdeljaoued, président de la Fédération des associations actives dans le domaine du handicap, indique que les centres de formation professionnelle devraient consacrer 3% de leur capacité aux personnes handicapées, mais en réalité ce pourcentage ne dépasse pas les 0,5%. De même, dans les centres d'éducation spécialisée, on recense 700 éducateurs et accompagnateurs professionnels en besoins de développement de leur capacité. M. Abdeljaoued indique également que 240 ateliers de formation sont encore au stade primaire, la formation se limite actuellement à des spécialités traditionnelles et très concurrentielles. Ajoutons à cela la disparition des ateliers protégés. Ainsi, une étude comparative à petite échelle menée en novembre 2014 par l'Organisation tunisienne de défense des personnes handicapées et Handicap International à Tunis et Béja a montré que 13% seulement des personnes handicapées de 15 à 65 ans ont une activité professionnelle. Elle a révélé que 8% seulement des personnes handicapées inactives cherchent un emploi et 26% y ont renoncé du fait des conditions non adaptées des services de l'emploi. A la lumière de ces résultats, un projet pilote "Emploi et handicap" a été lancé en 2014 avec l'objectif de faciliter l'accès aux personnes en situation de handicap, en particulier les jeunes et les femmes, à des opportunités d'un emploi décent. Ce projet implique plusieurs intervenants. Mis en œuvre par l'organisation Handicap International, l'Agence nationale de l'emploi et du travail indépendant (Aneti) et la Fédération des associations œuvrant dans le domaine du handicap, il est cofiancné par l'Union Européenne, l'Agence française de développement et la fondation suisse Drosos. Renforcer les capacités Le projet touche dans sa première phase — qui s'achève en mars 2018 — les gouvernorats de Ben Arous, Gabès et Gafsa, et prochainement Bizerte. Selon Imed Hammami, ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, il a permis d'appuyer 500 demandeurs d'emploi en situation de handicap. "Nous avons mis en place un contrat par objectifs avec toutes les parties concernées afin d'améliorer les services d'accompagnement, renforcer le partenariat avec les établissements et les organisations professionnelles, renforcer l'échange d'information et l'évaluation des efforts d'accompagnement à l'emploi pour cette catégorie", affirme-t-il. De son côté, le président de la délégation tunisienne de Handicap International, Sami Ben Jomâa, a souligné que ce programme qui a démarré en 2014 pour se poursuivre jusqu'à 2018 a réussi à faire augmenter de 17% (2014) à 34% (2017) le nombre de jeunes inscrits aux bureaux de l'emploi de Gafsa, Gabès et de Ben Arous. Jusqu'à décembre 2016, le projet a appuyé plus de 400 demandeurs d'emploi en situation de handicap qui ont pu bénéficier des programmes d'emploi, dont 169 ont été recrutés. Il a permis également de renforcer les capacités de 60 prestataires ainsi que 100 professionnels de services d'insertion professionnelle à l'instar des conseillers de l'emploi à l'Aneti, les professionnels des associations spécialisées, les cadres de l'Agence tunisienne de la formation professionnelle. On indique également que l'amélioration des services d'emploi dans les trois régions indiquées a permis d'augmenter la fréquentation des personnes handicapées des bureaux de l'emploi, soit 34% en avril 2017 contre 17% en octobre 2014. Responsabilité sociétale Au niveau des entreprises, Abdelmonem Amira, secrétaire général adjoint de l'Union générale tunisienne du travail, a affirmé que les difficultés d'insertion professionnelle subsistent encore pour les personnes handicapées, indiquant qu'il est important de sensibiliser la société et les entreprises à cette question. Un avis que partage M. Abdeljaoued, appelant à améliorer les conditions de travail, estimant qu'il est important de développer le concept de l'entreprise aménagée, dans laquelle le personnel handicapé représente 80%. Ce concept qui existe dans d'autres pays consiste en l'appui de l'Etat par une aide au poste et une subvention sur les surcoûts de l'efficience au poste. De même, Wided Bouchamaoui, présidente de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica), a affirmé que le droit au travail et à l'insertion professionnelle est un droit universel qu'il faut consacrer davantage dans les entreprises tunisiennes, dans le cadre de la responsabilité sociétale. Elle affirme que les artisans et artisanes en situation d'handicap ont des difficultés d'accès au marché. Un espace d'exposition permanent sera mis en place au siège de l'Utica, et la première exposition sera consacrée à ces artisans afin de promouvoir leurs produits.