La Tunisie, qui peut s'enorgueillir d'avoir un passé civilisationnel d'une exceptionnelle fécondité, nourri à la fois par un extraordinaire brassage humain et par une grande diversité de paysages naturels, et qui figure parmi les pays les plus riches du monde en vestiges archéologiques et historiques avec plus de 500 monuments et plus de 100 sites classés, offre un choix immense pour concevoir plusieurs circuits culturels et thématiques. Il n'est plus un secret que les plus grandes destinations touristiques de la planète sont, d'abord, des foyers de civilisations anciennes brillantes ou des foyers culturels importants. La France, l'Italie, la Grèce ou l'Egypte sont les parfaites illustrations de cet état. Car, si le voyage doit avant tout répondre à un légitime désir de détente et de repos, il risque de devenir anodin s'il ne comporte pas la possibilité concrète de découvrir une destination en profondeur. De là, la visite des sites archéologiques et naturels, des musées et des villes, de tout élément permettant une meilleure appréhension de l'histoire et de l'actualité du pays visité, devient une priorité dans la construction d'un circuit culturel. Quel rapport avec le cinéma, dites-vous? La Tunisie est, de l'avis de tous, un plateau de tournage à ciel ouvert qui se prête allègrement aux exigences les plus hétérogènes des réalisateurs de films. Et plus que tout autre médium, le cinéma produit depuis plus de 100 ans un impact considérable sur le comportement des voyageurs, par les idées qu'il véhicule mais aussi par la diversité des images à laquelle les spectateurs sont exposés. En effet, le 7e art repose sur la création d'émotions par l'image et le son. Ce faisant, il associe dans l'esprit des spectateurs des espaces géographiques (les destinations) à des moments de plaisir qu'il fera bon de s'approprier dans le cadre d'un séjour. C'est une forme de tourisme spécifique lié à l'imaginaire développé sur nos écrans et qui transforme les spectateurs passifs en visiteurs actifs de sites géographiques associés, de près ou de loin, à des productions cinématographiques. Au fait, c'est ce qu'on désigne par ciné-tourisme. Un phénomène qui n'est pas tout à fait nouveau puisqu'il a été observé pour la première fois à la fin des années 1930. En effet, c'est suite au succès du film Mutiny on the Bounty (1935), tourné à Tahiti, que le tourisme a pris forme dans ces îles du Pacifique. Le phénomène s'est accentué dans les décennies suivantes, par l'émergence d'un intérêt touristique pour d'autres espaces géographiques, jusque-là ignorés du monde du voyage d'agrément, grâce à des films comme Niagara (1953), Bridge on the River Kwai (1958) et Lawrence of Arabia (1962), ou encore le film The Sound of Music (1965) qui continue de produire, bon an mal an, plus de 300.000 visiteurs attirés par la ville de Salzbourg dans l'espoir d'y reconnaître un élément de ce long-métrage. En effet, certains films font la promotion d'une destination sans qu'aucune planification stratégique ne vienne soutenir cet objectif. Dans d'autres cas, ce n'est pas le fruit du hasard et l'organisme de promotion touristique s'y implique. Certains films sont ainsi sciemment destinés à la promotion d'une destination, tels que le film Crocodile Dundee en 1989, qui a été tourné grâce à l'implication active de l'office du tourisme néo-zélandais en vue d'une nouvelle gestion de l'image de la destination. Le renouvellement de l'expérience avec la trilogie du Seigneur des anneaux n'est certainement pas une coïncidence. Un impact considérable C'est donc une occasion pour rappeler que le cinéma existe en Tunisie depuis son apparition à l'échelle mondiale et qu'il a été parmi les premiers médiums à véhiculer une image proprement dite de notre pays. En effet, dès 1896, les frères Lumière tournent des vues animées dans les rues de Tunis. En 1919, le premier long-métrage réalisé sur le continent africain, Les Cinq gentlemen maudits de Luitz-Morat, est tourné en Tunisie. En 1939, Le Fou de Kairouan, premier film tunisien en langue arabe, est tourné à Kairouan. En 1966, le premier long métrage tunisien (95 minutes) en noir et blanc est réalisé et produit par Omar Khlifi : Al-Fajr (L'Aube) tourné en 35 millimètres. En 1967, le premier film tunisien d'animation en couleurs voit le jour‑: le court métrage Notre Monde, réalisé par Habib Masrouki. Depuis, en moyenne, une douzaine de films étrangers par an sont tournés en Tunisie et une dizaine de longs métrages tunisiens y sont également produits. Les plus grands réalisateurs ont actionné leurs caméras dans des sites de tournage tunisiens devenus depuis célèbres. En l'occurrence Roman Polanski a filmé Les Pirates et Franco Zeffirelli son Jésus de Nazareth. George Lucas a, quant à lui, été séduit par les décors naturels et les maisons troglodytiques du Sud tunisien où ont été tournées quelques scènes de La Guerre des étoiles. Anthony Minghella a également tourné Le Patient anglais dans les oasis du sud-ouest du pays. Selon George Lucas, la Tunisie est «le meilleur pays où l'on puisse tourner des films car on y trouve de beaux paysages ruraux, une architecture unique et un haut niveau de développement technique». Steven Spielberg, Rossellini et d'autres éminents réalisateurs ont apposé leurs marques dans notre univers cinématographique tunisien. A cet effet, il y a lieu de signaler l'existence de trois types d'activités marketing pour le développement du ciné-tourisme dans une destination. D'abord, on constate des efforts proactifs pour encourager les producteurs et les studios à tourner dans un lieu. Ensuite, une volonté pour générer de la publicité média à propos du film et de son lieu de tournage et enfin l'existence d'activités périphériques qui soutiennent le potentiel touristique lié au film. Les acteurs de l'industrie touristique en Tunisie doivent saisir aussi l'importance du potentiel économique d'un tournage et essayer de s'adapter aux besoins des producteurs, qui peuvent être exigeants. Les cinéastes tunisiens aussi sont appelés à veiller à ce que leurs films, par le biais de l'image, deviennent un outil crédible pour modifier la perception d'une destination et lui donner une personnalité. Car, il est temps pour les destinations d'adopter des concepts de communication innovants. Vu sous cet angle, il y a lieu de signaler que le parcours touristique de Ong Jemel, dans la région de Tozeur, qui vient de reprendre ses activités de plus belle, après plusieurs mois de travaux d'aménagement visant à entretenir les lieux et à en préserver les spécificités, est un exemple édifiant de l'impact du cinéma sur le tourisme. Ong Jemel ou la «nuque du chameau», dont les travaux de réaménagement ont démarré début 2009, sur une distance longue de14 km partant de la ville de Nefta et 27 km de la ville de Tozeur, avec un coût global d'un million de dinars, a concerné la restauration du décor du film La guerre des étoiles, dans le cadre d'un projet présidentiel au profit de la région.