Le coût minimal de la rentrée scolaire d'un élève s'élève à 150 dinars. Dans certaines écoles privées, l'on exige même des marques de fournitures haut de gamme. Les vacances touchent à leur fin, annonçant ainsi le retour cyclique à la saison du labeur. L'été tire, en effet, sa révérence après avoir eu raison des économies de la famille tunisienne qui n'a, à vrai dire, d'autres choix que de verser de l'argent encore et encore pour assurer la rentrée scolaire en bonne et due forme. Une rentrée qui, à chaque fois, remet les pendules à l'heure, tout en achevant, tel un coup de grâce, les ultimes dépenses colossales d'une année. Cette année, tout comme les années précédentes, les familles tunisiennes ne savent plus sur quel pied danser, devant assumer les dépenses relatives à l'Aïd El Idha, d'une part, et ceux de la rentrée scolaire, de l'autre. Une sensible décompression promet, tout de même, aux familles un imperceptible soulagement, et ce, grâce à la baisse des prix des moutons, ainsi qu'à la réintroduction sur le marché du cahier subventionné dont le coût s'avère être nettement moins salé que celui de qualité supérieure. Le cahier subventionné est de retour ! Houda détient une librairie dans un quartier populaire au Bardo. Ce point de vente de fournitures scolaires offre une panoplie de produits de qualité respectable. A deux semaines de la rentrée scolaire, la libraire commence déjà à recevoir des clients venus se renseigner sur les cahiers subventionnés. «Les cahiers subventionnés existent en trois formats, à savoir des cahiers de 24, 48 et 72 pages. Ceux de 12 pages ont été écartés de cette catégorie. Cela dit, les cahiers les plus utilisés sont proposés à des prix nettement moins salés que ceux de qualité supérieure. En effet, poursuit Houda, un cahier de 48 pages coûte seulement 730 millimes, alors que le prix de ce même cahier, mais de qualité supérieure varie entre 1d400 et 1d800. Pour le cahier de 72 pages, il est proposé à 1d060. De qualité supérieure, il peut coûter entre 2d200 et 2d600». La remise sur le marché du cahier subventionné promet d'alléger quelque peu le budget alloué à l'acquisition des fournitures scolaires, lesquelles nécessitent, à elles seules, — outre les manuels, le cartable et le tablier — une somme moyenne de 50 dinars. Toutefois, s'approvisionner auprès des grossistes en cahiers subventionnés obéit à des critères contraignants. Notre libraire indique, en effet, que les grossistes recommandent, indiscutablement, l'approvisionnement en fourniture contre une somme assez importante, soit 2.000 dinars, pour daigner accorder au libraire-client trois cartouches de cahiers subventionnés ; soit cent cahiers de chaque calibre. «Or, dans les quartiers populaires, comme le nôtre, ce sont ces cahiers-là qui sont les plus demandés. Cette vente conditionnée ne convient pas, à mon sens, à tous les libraires et à tous les clients», explique-t-elle. Une hausse de 5% D'autant plus que les prix des fournitures scolaires pèsent lourd sur le budget des familles tunisiennes. Selon Samar, vendeuse dans une autre librairie au Bardo, les prix des fournitures scolaires ont grimpé de près de 5% par rapport à l'année précédente. «Les fournitures scolaires destinées aux élèves des écoles primaires coûtent assez cher. Rien qu'à l'école préparatoire, elles nécessitent un budget moyen de 40, voire 50 dinars», précise-t-elle. Aussi, garantir les manuels et les fournitures scolaires d'un enfant nécessite un budget minimal de 100 dinars. Si l'on comptabilise le prix d'un cartable bon marché et d'un tablier, la rentrée scolaire d'un élève coûtera pas moins de 150 dinars. Donia Kilani est animatrice dans une garderie pour enfants. Pour elle, les fournitures scolaires sont devenues inaccessibles aux parents à revenus moyens. D'autant plus que certaines institutions recommandent des listes exhaustives. «Il y a beaucoup de gaspillage dans les listes que recommandent certaines écoles et qui pourrait être évité», fait-elle remarquer. Un gaspillage qui contraint certains ménages à recourir au paiement par facilités auprès du libraire du coin. «Quel que soit le niveau matériel des parents, qu'ils aient un, deux ou plusieurs enfants, tous nous sollicitent pour un paiement par facilités. C'est dire à quel point il est difficile de subvenir aux dépenses liées à la rentrée scolaire», note Samar. Elle saisit l'occasion pour soulever un autre point qu'elle trouve, d'ailleurs, irritant. En effet, le coût de la rentrée diffère d'un système à un autre. Dans le privé, elle s'avère être beaucoup plus dispendieuse en raison des exigences impensables qu'impose le cadre enseignant aux parents. Stop aux caprices des écoles privées ! Jihène est maman de deux enfants, âgés respectivement de sept et huit ans. Elle a tenu à ce que ses fils puissent intégrer l'école privée, convaincue qu'elle est de pouvoir leur offrir des études de meilleure qualité. Toutefois, au-delà des frais d'inscription, elle a du mal à tolérer les listes gonflées de fournitures et de la mention déplacée de certaines marques, en particulier. «L'année dernière, je me suis conformée aux exigences de l'école, et figurez-vous, j'ai dû acheter une série de crayons de couleur à 35 dinars ! Cette année, je dis stop à ce genre de pratique. Je me suis adressée, d'ailleurs, au directeur pour savoir si l'achat d'autres marques moins chères influerait ou pas sur la scolarité de mes enfants. Ebranlé par ma question ironique, le directeur a répondu par la négative», indique-t-elle, déterminée. Cette maman a décidé, en outre, de garder pour ses enfants les cartables de l'année dernière, qu'elle avait payés 160 dinars /pièce. «Autant acheter un cartable de qualité à un prix gonflé que d'acheter un cartables bon marché qui deviendrait désuet au bout d'un mois d'utilisation», ajoute-t-elle. Les libraires savent pertinemment que l'achat d'un cartable dépend forcément des moyens des parents. Houda propose une panoplie de cartables dont le prix varie entre 20 et 160 dinars. Cela dit, d'autres unités de vente de fourniture de haut de gamme proposent des cartables dont le prix peut atteindre 300 dinars... Hajer examine les sacs à dos exposés en devanture d'une librairie. Cette bachelière fraîchement diplômée rejoindra les amphis de la Faculté de médecine dans quelques semaines. Heureuse de pouvoir accéder aux études souhaitées, elle sait qu'elle doit payer pas moins de 500 dinars pour la rentrée. «Les manuels universitaires de médecine coûtent très cher, sans compter la fourniture qui, à elle seule, nécessitera une enveloppe de l'ordre de 200 dinars», indique-t-elle. Manifestement, accéder au ‘‘savoir'' implique des sacrifices auxquels s'adonnent les familles tunisiennes, contraintes, mais optimistes, dans l'espoir de voir leurs progénitures exceller et se forger un avenir meilleur.