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Mission accomplie, place à l'autocritique
Entretien du Lundi avec Lassaâd jamoussi
Publié dans La Presse de Tunisie le 04 - 09 - 2017

Universitaire, militant des droits de l'homme, artiste, comédien et auteur, Lassaâd Jamoussi a plus d'un tour dans son sac. Il était directeur des Journées théâtrales de Carthage les deux dernières sessions, et cet été il a été à la tête du Festival international de Sfax... Entretien... Bilan et perspectives.
Au bout de cette 39e édition du Festival international de Sfax, quel bilan en tirez-vous ?
Ce fut une aventure, un défi, une sorte d'opération de sauvetage risquée et périlleuse. Le Festival international de Sfax a failli être tout simplement annulé car l'équipe pressentie a décidé de se retirer, la première semaine de juin, en signe de protestation contre l'insuffisance du budget alloué par le ministère de la Culture. Venant à la suite d'un climat de controverse et d'amertume sur fond de polémiques provoquées par l'organisation de Sfax capitale culturelle arabe, une telle annulation aurait véritablement été catastrophique pour la région.
En un temps record, nous avons réussi à tout mettre en place, une équipe, un organigramme, des partenariats média, une programmation, des contrats de sponsorisation, sans oublier la ligne téléphonique, l'abonnement internet et toute l'infrastructure administrative qui n'existait pas.
En acceptant de diriger ce festival, je ne pensais absolument pas que j'avais à tout mettre en place. La cerise sur le gâteau fut qu'on devait quitter le local que nous avions aménagé et qui nous avait été gracieusement offert par la délégation culturelle, dix jours avant l'ouverture du festival. Le chantier de la médiathèque devait commencer. On a pu négocier pour y rester jusqu'à l'ouverture... Un véritable cauchemar de déménager dans un nouveau local que nous avons loué.
Pire encore, aucune subvention n'a été versée jusqu'à la fin du festival en dehors d'une avance de 50.000 dinars que le ministère de la Culture a versée en date du 14 août, c'est-à-dire trois semaines après l'ouverture du festival. Nous avons dû faire face aux dépenses quotidiennes en puisant dans nos fonds propres. Nous nous sommes livrés à un véritable jeu de funambules, de jongleurs, pour éviter la catastrophe.
39 ans d'âge pour l'un des festivals d'été les plus importants du pays auraient dû le préserver de tant de négligence, de tant d'amateurisme et d'irresponsabilité. La session 2016 a pourtant bénéficié de la manne de Sfax capitale culturelle arabe avec un budget dix fois plus important que le nôtre. On aurait dû régler une fois pour toutes la situation juridique de ce festival qui fonctionne grâce à un comité ad hoc nommé par monsieur le gouverneur de Sfax. En acceptant de diriger le festival, j'étais loin d'imaginer le cauchemar d'une impossibilité juridique de verser les subventions locales (municipalité, gouvernorat et délégation culturelle) et tout le chemin de croix qu'on doit traverser pour honorer nos engagements financiers. Je ne pouvais pas imaginer un instant que la subvention du ministère de la Culture ne soit soldée que le 28 août, trois jours après la clôture du festival.
En somme, si je devais citer tous les instants, toutes les occasions où nous avons dû faire fonctionner le système D, j'en aurais pour des heures.
Malgré toutes ces difficultés, le festival a bien eu lieu...
Oui, tout à fait, la magie a opéré, et personne ne s'est rendu compte de rien de ce qui se passait en coulisses. Toute la ville de Sfax a été habillée des couleurs du festival. La ville et tout le gouvernorat car nous avons fait de la décentralisation un principe majeur de fonctionnement. Dans un partenariat étroit et efficace avec l'Association tunisienne du théâtre de l'enfance et de la jeunesse, nous avons concocté un programme de communication et d'animation partout dans le gouvernorat de Sfax. Tous les citoyens ont pu bénéficier d'animations théâtrales, musicales et de projections de cinéma. Avec la même association, nous avons également organisé les soirées du Balcon, dans la médina, à Bab Bhar et sur la plage Taparura avec plusieurs milliers de jeunes pour la soirée de clôture du festival, le 27 août.
L'intra-muros, le grand théâtre de Sidi Mansour (9.000 spectateurs), a vu se succéder toutes sortes de spectacles et de concerts. Le public était au rendez-vous en nombre inégal d'un spectacle à l'autre, avec plusieurs pics significatifs. La liesse des gradins a souvent été communiquée aux artistes tant et si bien que Zied Gharsa, grisé par la joie publique, s'est mis à danser sur scène, et m'a entraîné avec lui.
En termes de communication, nous souhaitons mettre l'accent sur un partenariat particulièrement intéressant avec l'Ecole supérieure de l'audiovisuel et du cinéma dont deux étudiants en master, Ghassen Kacem et Slim Ben Ayed, ont accompli un stage validant leurs projets de fin d'études. Leur contribution a été salutaire pour la mise en valeur des activités du festival, dans la confection des spots radio, télé, dans l'enregistrement vidéo de toutes les manifestations du festival intra-muros et extra-muros à deux caméras, les vidéos de récapitulation quotidienne des grands galas et enfin du portrait de 40 ans de carrière en hommage à Lotfi Bouchnak. La page facebook du festival en a été particulièrement animée.
Voilà bien des signes de défi relevé, de mission accomplie, mais nous ne sommes pas de ceux qui ne font pas leur autocritique, en attendant de procéder à une évaluation en profondeur de tout ce qui a fonctionné et de tout ce qui a dysfonctionné.
Cette 39e édition a été animée par plus d'une polémique, quelle réponse apportez-vous?
Nous avons annoncé dès le départ que nous n'allions pas nous cacher derrière le manque de temps ou de moyens pour justifier nos erreurs et imperfections. Nous persistons et signons. J'avoue que j'ai fait une erreur de communication qui s'est transformée en un véritable fardeau en dépit de toutes les notes explicatives que j'ai publiées çà et là. Alors que les négociations n'avaient pas été terminées avec certains artistes comme Ragheb Aalama et Latifa Arfaoui, nous avions annoncé que nous étions en négociations avancées avec ces deux artistes et nous avions même annoncé les dates prévues pour les accueillir. C'était une maladresse énorme que je n'aurais jamais dû faire, car en dépit de cette précision de programmation non confirmée, certains journaux l'ont publiée comme effective et définitive, d'où un malentendu sur ce que certaines voix chagrines à la recherche du buzz ont appelé des annulations. Nous avons également fait un choix de programmation d'un groupe musical en avant-programme de la soirée de la Hadhra, qui s'est avéré d'un niveau désastreux, et qui plus est, a dépassé largement le temps qui lui était imparti.
L'annonce de notre désistement par rapport au concert de Babylona a été faite lors de notre conférence de presse à cause de la clause d'exclusivité avec le Festival de Hammamet qui n'a été levée que le 23 août. Enfin, nous avions clairement expliqué à la conférence de presse que la proposition de programmer George Ouassouf était indépendante du festival, puisque négociée et organisée par l'Association des femmes de Tunisie.
Comment donc se permettre de parler d'annulations à l'emporte-pièce ?
Celui ou ceux qui alimentent cette version négative des choses cherchent à nuire au festival et à l'équipe qui le pilote. C'est dommage.
Certains d'entre eux sont allés jusqu'à chercher à allumer un feu de discorde entre le festival et les agents des deux célébrités de la chanson. C'est regrettable et infantile.
Je sais que je dérange certaines personnes et que je trouble les ambitions, somme toute légitimes, de quelques rivaux intrépides souvent bien placés et disposant de machines médiatiques puissantes. Je leur dis dans les yeux : le Festival international de Sfax est une matrice de la culture de la vie et du vivre-ensemble. Le grand théâtre de Sidi Mansour, lorsque 9.000 personnes rassemblées chantent à l'unisson, devient un lieu magique de civisme et de bonheur collectif.
Le projet culturel progressiste qui prône les libertés et la culture culturante doit être placé au-dessus des petits calculs narcissiques. Est-ce vraiment sage, est-ce seulement logique de jeter le bébé avec l'eau du bain?
Vous avez un engagement sur les deux ans à venir à la tête du festival de Sfax, quelles perspectives lancez-vous ?
Nous sommes convenus d'établir un contrat de moyens et d'objectifs sur les deux ans à venir. Le festival se doit d'abord de se structurer juridiquement en association. Nous devons ensemble trouver les modalités pratiques d'un autofinancement viable. Nous avons un grand projet avec la municipalité de Sfax qui a réservé cette année plus de 400 mille dinars pour l'entretien et la remise à neuf du théâtre de plein air de Sidi Mansour.
Ce théâtre doit être directement géré par le festival, les locaux administratifs du festival doivent y être abrités, nous avons annoncé un plan de partenariat gagnant-gagnant entre le festival et la municipalité de manière à ce que nous soyons un partenaire associatif d'utilité publique. Ce théâtre jouxte la zone de Taparura et peut se transformer en un grand centre culturel international avec une vocation méditerranéenne.
Nous avons également demandé à la municipalité de nous accorder des espaces publicitaires que nous gérons au bénéfice du festival toute l'année durant afin de développer nos ressources et intéresser un peu plus des sponsors potentiels. Nous nous y employons.
Par ailleurs, des contacts sont d'ores et déjà pris pour fixer des dates de concerts majeurs, de prime importance publique, pour lesquels nous chercherons des sponsors exclusifs.
La 40e session sera haute en couleur et diversifiée au niveau des aspirations du public de ce grand gouvernorat.
Vous vous apprêtez à faire la passation avec votre successeur Hatem Derbel à la direction des JTC. Quel acquis lui laissez-vous?
Une dynamique régionale très bien huilée au niveau logistique qui nous a permis de toucher plus de 121 mille jeunes spectateurs, grâce à une série de partenariats avec les ministères de l'Education, de l'Enseignement supérieur, de la Jeunesse, de la Justice et de la Défense nationale, un portefeuille relationnel de plusieurs dizaines de programmateurs et de décideurs internationaux pour faire des JTC le plus grand marché du théâtre arabe et africain, des percées significatives dans l'accord de certains pays amis du libre choix des pièces de théâtre que nous désirons programmer et non plus une simple acceptation de ce qui est proposé par ces pays amis dans le cadre des accords bilatéraux, un réseau arabo-africain dynamisé lors des dernières rencontres professionnelles. Des archives bien tenues et mises à jour pour les sessions que nous avons dirigées, un lot significatif de matériel électrique, électronique et autre matériel de décor, répertorié, inventorié et mis à la disposition.
Nous avons entendu dire que votre dernière session des JTC a laissé une ardoise bien salée et un dépassement budgétaire qui handicaperaient le prochain directeur, qu'en pensez-vous ?
Je le nie formellement. Sur le budget alloué par le ministère de la Culture, nous avons eu, sauf erreur ou omission, un dépassement d'environ 22 mille dinars sur un budget global de deux milliards. Ce qui ne représente pas un véritable handicap pour la direction qui prend la relève. Il faut dire cependant que nous avons demandé et obtenu l'accord d'une rallonge budgétaire de 200 mille dinars sur le fonds de lutte contre le terrorisme pour réaliser le programme de décentralisation. Cette somme, pourtant très clairement accordée par la commission compétente, n'a pas été versée sur le compte des JTC. Par ailleurs, entre les dépenses directement prises en charge par la DAF du ministère de la Culture et celles que nous gérons directement par le truchement de l'établissement de la promotion des festivals et des grandes manifestations culturelles, nous nous sommes alignés presque exactement sur le budget global alloué de l'ordre de un million huit cent mille dinars. C'est équivalent au même budget de 2015.
De votre expérience de la chose culturelle au niveau national mais aussi régional, comment voyez-vous le Projet culturel et les perspectives de son épanouissement?
C'est une question qui nécessite un ouvrage entier que je suis en train de rédiger sur les enjeux de la médiation culturelle. Il est urgent de procéder, non à une réforme en profondeur du ministère de la Culture mais de faire une véritable refondation de ses structures centrales et régionales, de manière à libérer l'initiative, «dégraisser le mammouth», réviser le mode d'aide à la création et à la distribution du produit culturel, protéger la culture nationale culturante contre la mondialisation déferlante et contre le libéralisme sauvage prôné par beaucoup, reconsidérer totalement les modalités de gestion financière dans le sens de l'assouplissement et la flexibilité du contrôle a posteriori et enfin augmenter substantiellement les ressources budgétaires et procéder à une politique équitable en termes de financement des régions.


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