Quelles sont ces nouvelles maladies qui menacent l'humanité ? Ce sont des maladies qui ne se transmettent pas d'une personne à une autre ; ce sont des maladies qui évoluent lentement ; elles touchent toutes les tranches d'âge ; elles sont liées à un mode de vie défavorable à la santé. Les principales maladies non transmissibles sont les maladies cardiovasculaires (accidents vasculaires cardiaques ou cérébraux), les cancers, les maladies respiratoires chroniques (comme la broncho-pneumopathie chronique obstructive ou l'asthme) et le diabète. Quels sont ces comportements à risque ? Le tabac, l'alimentation déséquilibrée, la sédentarité et l'usage nocif de l'alcool sont des comportements à risque modifiables. D'autres facteurs de risque métaboliques existent : en 1er lieu l'hypertension artérielle suivie du surpoids/l'obésité, puis l'hyperglycémie et l'hyperlipidémie. Des chiffres alarmants dans le monde Ces maladies tuent environ 40 millions de personnes par an, soit 70 % du total des décès (17 millions pour une cause cardiovasculaire ; 8,8 millions pour un cancer ; 3,9 millions pour une maladie respiratoire et 1,6 million de décès en rapport avec le diabète) Ces décès surviennent dans 90% des cas dans les pays en voie de développement. Quel est le comportement à risque le plus gravissime ? Le tabac est le plus tueur. Il est responsable de 7,2 millions de décès par an ; l'excès de consommation du sel entraîne 4,1 millions de décès par an ; la consommation d'alcool entraîne 3,3 millions de décès par an et l'inactivité physique est responsable de 1,6 million de décès par an. Qu'en est-il pour la Tunisie ? La Tunisie n'est pas épargnée par ces maladies du fait de l'allongement de l'espérance de vie, l'efficacité de la lutte contre les maladies transmissibles et la modification du mode de vie du Tunisien. En termes de morbidité : 1 personne sur 3 souffre d'une HTA, 1 personne sur 5 souffre d'un diabète et environ 15.000 nouveaux cancers sont découverts par an. En termes de mortalité : 82% des décès, avec en 1er lieu les causes cardiovasculaires (26,9% masculin versus 31,5% féminin), suivies des tumeurs malignes (19,0% masculin versus 14,8% féminin) puis les maladies de l'appareil respiratoire se placent en troisième position chez le sexe masculin (10.7%) et en quatrième position chez le sexe féminin. Qu'en est-il des facteurs de risque du Tunisien ? L'indice du tabagisme reste stable à 23,3% pour l'homme contre 2,7% pour la femme et un âge moyen de début à 11 ans. Par contre, il est à noter un comportement alimentaire inadéquat puisque selon la dernière enquête nationale, 64% des Tunisiens sont en surcharge pondérale et 30% d'entre eux sont obèses et le quart s'adonnent à une activité physique régulière. Quel est l'impact socioéconomique de ces maladies ? Ces maladies compromettent le développement durable et occasionnent 80% des dépenses de la santé dans le monde. En situation de limitation des moyens financiers, les coûts des soins pour les MNT épuisent rapidement les ressources des ménages et les appauvrissent davantage. En Tunisie, ces maladies absorbent environ 65 % des dépenses selon la cour des comptes de la santé de 2014 (I Ayadi). En réalité, le coût social est énorme en termes de perte de revenus individuels, de productivité. Qu'est-ce qui a été réalisé jusqu'à présent ? Plusieurs programmes de santé ciblant les principales maladies non transmissibles existent déjà tels que celui de la lutte contre l'hypertension et le diabète depuis 1993, la lutte antitabac depuis 2000, le plan stratégique de lutte contre le cancer depuis 2001 et le plan stratégique de prévention de l'obésité au stade expérimental depuis 2013. Que prépare le ministère de la Santé en Tunisie et quel est le principal défi ? Réduire les facteurs de risque est possible et il y a lieu de choisir des interventions avec un rapport coût/efficacité avantageux (busts buys). La composante Prévention est le principal défi, choisir une qualité de vie reste du domaine du choix du Tunisien. Réduire les facteurs de risque est possible en agissant dans tout ce qui peut intervenir sur un mode de vie sain, c'est-à-dire une alimentation saine depuis l'enfance, bénéficier de l'allaitement maternel ; apprendre à bien s'alimenter au sein de la famille, à l'école, au collège, au lycée et à la cantine ; avoir accès à des aliments sains dans le commerce ; dire non au tabac dès le jeune âge ; renforcer les compétences de vie ; pouvoir bouger en famille, à l'école, en milieu de travail, dans le quartier. Tout cela implique un partage des responsabilités et un engagement des différents ministères ainsi que de la société civile dans un véritable plan stratégique multisectoriel et multi-départemental. Nous sommes en plein processus de définition de ce plan stratégique qui a d'autant plus de chances de réussir que le consensus est large et robuste. Parallèlement, il faut un véritable réajustement de la composante prévention dans le système de santé de base et une action pour la couverture universelle des soins. Quelle stratégie dans le domaine de la communication ? La collaboration avec les professionnels de l'information est essentielle. Ils sont impliqués dans la communication interne, en tant que partenaire pour le plaidoyer intersectoriel, et externe auprès de la population générale. Dr Rafla Tej Dellagi