Le festival de photojournalisme de Perpignan, Visa pour l'image, a fermé ses portes au public dimanche dernier. Mais les 25 expositions restent ouvertes encore une semaine. L'une d'elles, signée par la photoreporter américaine Renée C. Byer, prix Pulitzer 2007, dénonce les injustices dont sont victimes aux Etats-Unis de très nombreux réfugiés afghans. En Afghanistan, ils étaient médecins, ingénieurs ou interprètes. Pendant la guerre dans leur pays, ils ont servi aux côtés de l'armée américaine et des forces de la coalition, risquant leur vie à chaque instant. Pour les mettre à l'abri des persécutions des talibans, le Congrès américain a décidé en 2010 de leur accorder des visas d'immigration spéciaux. Depuis, près de 2 000 d'entre eux se sont installés dans le comté de Sacramento en Californie. Mais leur vie aux Etats-Unis est très loin de ce qu'ils espéraient et surtout de ce qu'ils étaient en droit d'attendre. «Ils sont arrivés aux Etats-Unis avec des valises de diplômes, témoigne au micro de RFI l'auteur de l'exposition, Renée C. Byer, photoreporter du quotidien californien Sacramento Bee. Mais en Amérique, leurs compétences ne servent à rien. S'ils ont de la chance et qu'ils trouvent un emploi, celui-ci est très mal payé et le petit soutien financier qu'ils reçoivent des autorités américaines est insuffisant pour faire vivre la famille ». Renée C. Byer a suivi avec son appareil photo plusieurs de ces familles. A Visa pour l'image, elle présente notamment celle de Malalai Rafi. Cette femme afghane s'est retrouvée toute seule avec ses quatre enfants après la mort de son mari, tué dans un accident de la route vingt jours après l'arrivée des Rafi aux Etats-Unis. La photographe était à ses côtés à l'hôpital où elle veillait au chevet de son fils de 8 ans, grièvement blessé dans le même accident. Elle l'a aussi photographiée dans l'appartement vétuste et sale où elle était obligée d'habiter. «Il faut savoir que les agences de réinstallation américaines ont logé ces réfugiés afghans dans des quartiers où la criminalité est élevée et où les immeubles insalubres sont infestés de rats et d'insectes. Résultat : les enfants sont couverts de piqûres. Une femme me racontait qu'elle ne pouvait pas dormir à cause de la vermine qui grouillait autour d'elle. Moi-même, quand je prenais les photos de ces logements, je mettais des vêtements qui me couvraient entièrement pour me protéger des insectes», explique Renée C. Byer. Une autre série de clichés raconte la vie aux Etats-Unis de Faisal Razmal. Interprète de l'armée américaine en Afghanistan, il travaille aujourd'hui à Sacramento comme agent de sécurité. En août 2015, alors qu'il essayait d'empêcher un vol, il a été touché au visage par un assaillant armé d'un pistolet lance-fusées. «J'ai accompagné Faisal chez le médecin le jour où il a appris qu'il perdra définitivement son œil gauche, se souvient Renée C. Byer, et je l'ai pris en photo au moment où il soulevait son téléphone portable pour se regarder et essuyer l'œil. Sur la coque de ce téléphone, j'ai aperçu un petit drapeau américain... Cela résume bien la situation paradoxale de cet homme. Après avoir survécu aux talibans, c'est aux Etats-Unis, où il est venu chercher la sécurité, qu'il a été mutilé. Aujourd'hui, il souffre aussi d'un grave traumatisme psychique pendant que son agresseur, lui, n'a toujours pas été jugé». Emue par le reportage sur les réfugiés afghans publié par Renée C. Byer dans le Sacramento Bee en juin 2016, sous le titre «No Safe Place» («Aucun endroit sûr»), Doris Matsui, membre du Congrès américain, a saisi le Government Accountability Office, l'organisme d'audit des comptes publics, pour qu'une enquête soit diligentée afin d'améliorer les conditions de vie des réfugiés. Renée C. Byer attend les résultats de cette enquête.