L'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi a du pain sur la planche. Elle ne devra pas examiner seulement les recours de l'opposition (une trentaine) mais également les réponses aux recours qui ont été fournies par une quarantaine de députés qui défendent et soutiennent la loi de réconciliation administrative. Le dossier de la réconciliation administrative n'a pas été clos avec l'adoption, le 13 septembre, par l'Assemblée des représentants du peuple, en séance plénière extraordinaire, du projet de loi organique n°°49-2015 , avec 117 voix pour, 9 contre et une abstention. Des recours contre la toute nouvelle loi de réconciliation administrative ont été déposés par plus d'une trentaine de députés du Front populaire et du bloc démocratique — le véritable nombre a été décrédibilisé par l'indignation des députés (Union Patriotique Libre) dont les noms ont été ajoutés à la pétition sans les consulter — auprès de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi. Contrairement au sort qui a été réservé par l'ARP à la consultation du Conseil supérieur de la magistrature, celle de l'instance sus-citée est très attendue par l'opposition. Le président de l'ARP et des présidents de blocs parlementaires ont décidé, en effet, de passer outre l'avis consultatif du CSM sur la constitutionnalité du projet de loi sur la réconciliation administrative, après que le Conseil n'eut pas donné suite à la demande du parlement pendant plus de 56 jours, malgré plusieurs correspondances de l'ARP. Pour l'opposition, qui a veillé à ce que la séance plénière du 13 septembre ne se passe pas dans le calme, cette loi est anticonstitutionnelle car elle ne respecte pas les règles de la justice transitionnelle (obligation de rendre des comptes, réparation des préjudices et pardon puis réconciliation). Même des députés d'Ennadha partagent cet avis et l'ont bien exprimé en votant contre le projet de loi. Ennahdha et Nida sont les seuls partis qui soutiennent le projet de réconciliation nationale depuis sa première formule. Ennahdha a fini par nuancer sa position face aux résistances et l'initiateur du projet, le président de la République, a accepté la révision de la première copie. Exit donc les hommes d'affaires et les crimes de change, et ne restent dans le texte juridique que les fonctionnaires de l'Etat par qui sont passés nombre de dossiers douteux sous l'ancien régime mais qui n'ont bénéficié d'aucun avantage. L'opposition, quant à elle, a diabolisé le projet dès le premier jour « par crainte de fragiliser le processus de transition démocratique et de consacrer l'impunité suite à la violation des dispositions de la Constitution », a souligné le député Nadhir Ben Ammou qui a démissionné du bloc d'Ennahdha au lendemain de l'adoption de la loi. Une guerre juridique L'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi a du pain sur la planche. Elle ne devra pas examiner seulement les recours de l'opposition mais également les réponses aux recours qui ont été fournies par une quarantaine de députés qui défendent et soutiennent la loi de réconciliation administrative. Le député du bloc patriotique Mondher Belhadj Ali a justifié cette action en citant l'article 2 du projet de loi en question qui stipule que les articles 82 et 96 du code pénal ne sont pas applicables aux fonctionnaires publics ou assimilés tant que l'avantage n'est pas procuré à eux-mêmes mais à des tiers. Une guerre juridique se profile à l'horizon entre les défenseurs et les détracteurs de la réconciliation dans sa formule actuelle. « Il ne peut y avoir de réconciliation sans que la vérité soit connue et sans que les coupables soient connus et entendus », soutient Samia Abbou promettant toute forme de contestation contre cette loi et une résistance sans faille, y compris de la rue avec la campagne « Manich Msameh », jusqu'à son retrait. Abbou est, fort heureusement, revenue sur la menace de désobéissance civile, justifiant cela par le retrait des hommes d'affaires et des crimes de change du texte juridique. En face, les deux plus grands partis au parlement et dans la coalition gouvernementale ont scellé le sort de cette loi qu'ils ont fait passer en force, par les urnes bien sûr, avant l'élection des deux membres manquants de l'Isie, pourtant programmé comme le premier point à l'ordre du jour de la séance plénière du 13 septembre. Nida et Ennahdha sont unis pour le meilleur et pour le pire dans leur croisade pour « instaurer » la réconciliation même partielle qu'il juge essentielle pour dépasser les conflits politiques et libérer les rouages de l'économie. Les partis de l'opposition, quant à eux, ne jurent que par la justice transitionnelle dont l'instance chargée d'en assurer l'aboutissement souffre de nombreux maux, accusée d'impartialité, de mauvaise gestion, d'unilatéralité des décisions de sa présidente, l'IVD traîne plus de casseroles derrière elle qu'une réputation d'instance solide et crédible. Le deal entre Nida et Ennahdha a ses raisons que l'opposition et le commun des citoyens ne connaissent pas. Pourtant, ni les partis au pouvoir ni ceux de l'opposition ne sont contre la réconciliation nationale. Sauf que chacune des deux parties s'en tient rigoureusement à sa propre approche.