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«Une mémoire musicale préservée depuis le premier enregistrement en 1900»
Entretien avec Anis Meddeb
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 10 - 2017

Au sein du magnifique palais d'Ennejma Ezzahra, nous avons rencontré le directeur du Centre des musiques arabes et méditerranéennes, le musicologue et professeur, Anis Meddeb. Il nous raconte le palais comme une histoire. Il décrit avec passion ses différentes missions. Il nous parle de son fondateur, le Baron d'Erlanger. Il nous fait visiter l'atelier du «Oud», tenu par Hedi Belasfer, le dernier à fabriquer les luths tunisiens. Il nous fait découvrir le temple du centre, la phonothèque. Le saint des saints où sont gardées des sonorités de plus d'un siècle déclinées en 31 mille supports, des bobines, des disques vinyles, des disques platines archivées selon une température, un classement et les standards internationaux. Entretien.
Si vous nous racontiez quelques aspects de l'histoire du palais Ennejma Ezzahra et de son Centre des musiques arabes et méditerranéennes ?
La principale fonction du Centre des musiques arabes et méditerranéennes, selon la définition publiée par le Journal officiel, est d'enrichir le patrimoine national sonore de la musique tunisienne, méditerranéenne, arabe et autre. Il ne faut pas se limiter à la partie musée d'Ennejma Ezzahra, bien que ce soit un aspect important de son histoire et de sa mission. Le palais compte plusieurs expositions ; le musée des instruments de musique, qui est en soi très important, compte tenu de l'ensemble des instruments exposés et qui a été fait par Ali Louati en 1992, le premier directeur du centre. Existe l'exposition des tableaux de peinture du baron d'Erlanger. Le monument en lui-même est un musée par sa beauté, ses arabesques, l'architecture qui est un mélange de l'architecture tunisienne, locale et l'architecture maghrébine, africaine, andalouse, orientale. Le palais est un must de la civilisation arabo-islamique, teintée de quelques influences européennes. Il ne faut pas oublier la belle terrasse qui surplombe le port de plaisance de Sidi Bou Saïd et les jardins. Mais la mission du centre transcende cet aspect muséologique.
En quelle année le Baron d'Erlanger est-il venu en Tunisie ?
Le baron d'Erlanger est venu pour la première fois en Tunisie en 1904. Avant d'ériger son palais, il y avait une partie qui était déjà construite appartenant, d'après les informations qui nous sont parvenues, à une favorite du bey, Zoubeida. C'est elle qui l'avait vendu au baron ou plutôt à son épouse italienne, et ce, selon les contrats. Les travaux ont commencé en 1912 et ont duré jusqu'en 1922. De nos jours, nous déployons de grands moyens pour conserver le monument dans son état initial. Nous avons dépensé beaucoup d'argent pour garder le jardin tel quel et le bougainvillier de la même couleur qu'appréciait le baron. Le nom d'Ennejma Ezzahra vient du baron d'Erlanger lui-même, qui était influencé par la culture andalouse. C'est un orientaliste. C'est lui qui a donné ce nom à son palais. Il faut savoir que le baron est né dans une famille juive, lui est anglais né en France, il y a été baptisé et est devenu chrétien. Lorsqu'il est venu en Tunisie, il s'est converti à l'islam. Il réunit en sa personne les trois religions monothéistes.
Comment est né son intérêt pour les musiques arabes et tunisiennes ?
Il a écrit un article en 1917 qui explique son point de vue sur la musique tunisienne et arabe d'une manière générale, en disant ceci : «Les Européens qui découvrent la musique arabe la jugent très différente de notre culture donc elle les ennuie. Or, cette musique comprend des richesses insondables que nous devons comprendre et que je me dois de vous faire découvrir ». C'était un mécène qui a passé sa vie à dépenser de l'argent sur les grands musiciens de l'époque comme Ahmed Elouafi ou Khemais Ternane. Comme il a réuni les chercheurs libanais et égyptiens, les traducteurs anglais et français pour faire la plus grande œuvre pour nous, les musicologues, le premier livre écrit en six tomes sur la musique arabe, entre autres.
Comment a été collecté le patrimoine d'Ennejma Ezzahra ?
L'enregistrement était à ses débuts, par contre ce sont les partitions qui se trouvent encore dans nos archives qui représentent un véritable trésor. En Tunisie, nous connaissons les musiques du début du siècle grâce aux partitions laissées par le baron. Il était aidé par son secrétaire, Manoubi Essnoussi, qui a poursuivi l'écriture du livre jusqu'en 1962 après la mort du baron en 1932. Par la suite, ce personnage important a été réhabilité par le centre Ennejma Ezzahra et nous avons publié son livre « Initiation à la musique tunsienne».
Quelle est votre mission en tant que Centre ?
L'Etat tunisien nous a confié la mission d'être la phonothèque nationale. Quiconque a besoin d'un enregistrement le trouvera ici au centre. Les amateurs, les chercheurs, les cinéastes. Celui qui veut faire un film des années 30, c'est ici qu'il trouvera le background musical. Ici nous avons la mémoire musicale depuis le premier enregistrement de la musique tunisienne en 1900. C'est le docteur Azoulay qui a enregistré des Tunisiens lors de la foire internationale de Paris à laquelle ils avaient participé. Depuis 1900 jusqu'à nos jours, les enregistrements sont déposés sous forme de bobines, de disques vinyles, disques platines, de cassettes audio et de CD. Nous avons plus de 31 mille supports.
Quels sont les moyens utilisés pour collecter les enregistrements ?
D'abord, nous faisons des acquisitions, ensuite des mélomanes, qui ont hérité de leurs familles, des disques, des bobines, les offrent au centre. En retour, on peut leur offrir la copie des enregistrements sur CD. Leurs noms seront inscrits comme donateurs du centre à jamais, à l'instar de ce qui se passe dans les musées. Nous avons la bibliothèque musicale de Salah Mehdi par exemple. Un grand nombre de musiciens ont participé à l'enrichissement de la phonothèque du centre. C'est grâce à ces dons que nous pouvons percevoir les grandes mutations opérées par la musique tunisienne et connaître les instruments qui étaient utilisés ainsi que le goût général des années 70, à titre d'exemple.
S'il n'y a pas de donateurs, comment faites-vous pour réunir les productions contemporaines ?
Il y avait auparavant ce qu'on appelle le dépôt légal. Chaque œuvre produite est déposée dans sa copie originale ici au centre. Ceci se faisait au temps de la cassette et du CD. Mais depuis les années 2008-2009, les enregistrements ne sont plus sur supports, mais diffusés par les réseaux sociaux et sur des sites privés. Avec la propagation du monde virtuel et la domination des réseaux sociaux, nous avons rencontré d'énormes problèmes. Depuis l'année de la révolution jusqu'à aujourd'hui nous souffrons d'un passage à vide. Puisque l'essentiel de la production musicale est diffusé sur le Web. Toute la musique produite, comme le rap, le reggae tunisien, et celle inspirée par la révolution n'est pas classée dans nos archives. Nous n'avons pas de copies de ce qui a été produit depuis 2011 à nos jours. Et nous ne pouvons copier sur internet, ce serait du piratage. Or, nous sommes une institution officielle qui a une éthique et qui lutte contre le piratage. Il faut que le concerné dépose une copie originale pour préserver la qualité sonore du patrimoine du centre. Je dois dire qu'il y a un rejet de la part des jeunes artistes de toutes les institutions officielles et non pas uniquement à l'encontre du centre Ennejma Ezzahra.
Dans ce cas que comptez-vous faire ?
Nous allons réunir des figures de la société civile. Deux cents associations œuvrent dans le domaine musical, dont une cinquantaine qui s'intéresse à la musique dite alternative, et inspirée de l'esprit de la révolution. Ce sont ces acteurs associatifs qui auront pour tâche de s'adresser aux jeunes artistes et les convaincre de laisser une trace de leurs créations. Ils font partie du patrimoine tunisien, et ce, quelle que soit la musique ; traditionnelle, soufie, contemporaine, populaire, et même commerciale. Ainsi que les musiques chantées et instrumentales ou encore les différentes lectures du Coran. Nous ne sommes pas habilités à arbitrer ni émettre des jugements de valeur sur les créations. La mission du centre des musiques arabes est de collecter tout ce qui est produit comme sonorités. Nous sommes les archives nationales de la musique, et à ce titre nous devons collecter l'atmosphère sonore de notre époque. Demain, toutes ces musiques auront de la valeur pour les chercheurs, les créateurs qui s'intéressent à une époque donnée. Par ailleurs, nous sommes présents dans les grandes manifestations des musiques traditionnelles. Le plus grand festival de littérature populaire chantée à Jedira, nous l'avons enregistré. Nous serons également présents pour enregistrer le festival des «tbouls» à Ghomrassen. Parfois encore, ce sont des chercheurs qui déposent des enregistrements des événements ayant eu lieu un peu partout sur le territoire.
Votre mission consiste à collecter les productions ou bien à mettre en ligne ce que vous avez déjà en dépôt ?
Nous faisons les deux. La collecte mais également la numérisation. Les tentatives de numérisation ont commencé à peu près en 2009. Chaque année, la numérisation requiert de nouvelles technologies et de nouveaux moyens. Nous avons des supports, des disques vinyles qui datent de 1912, ces disque sont mécaniques, il nous faut donc trouver le support qui puisse les lire ainsi que les aiguilles adéquates. Le son produit nous l'enregistrons et le numérisons. Il pourra donc être lu sans aucun support. Il est converti du support analogique à un support numérique. Et nous le déposons dans nos archives sonores. Sur notre site officiel une partie est accessible à tout le monde. Elle est commentée avec les dates et des précisions sur l'œuvre elle-même, ainsi que sur le contexte de sa création, les circonstances sociales, économiques et politiques. D'autres corpus sont accessibles uniquement sur demande pour les chercheurs qui ont la possibilité de travailler à distance. Ceci étant dit, il y a une salle d'écoute ouverte au public. Chaque citoyen peut venir sur place et accéder au fonds qui se décline à plus de 30 mille heures numérisées. Et ce, dans le cadre de la démocratisation du domaine musical. Notre mission est d'être au service de la musique du point de vue scientifique, documentation, collecte, conservation et classement des archives, mais elle consiste aussi à faire connaître le patrimoine sonore et les musiques tunisiennes. Nous disposons de plus d'un siècle de sonorités.


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