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«La Tunisie est en situation de pénurie d'eau absolue» Mme Raoudha Gafrej, Professeur Assistante dans le domaine de l'environnement, de l'eau et du climat
L'Agence française de développement, en partenariat avec l'Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives, a organisé, à l'Ecole nationale d'administration (ENA), une conférence sur «Les conséquences économiques et sociales des changements climatiques en Tunisie : quand seuls les palmiers dattiers pousseront au nord de Tunis». Mme Raoudha Gafrej, professeur assistante dans le domaine de l'environnement, de l'eau et du climat, nous donne plus de détails sur l'impact de ces changements sur l'économie et les ressources hydriques. Quel est l'objectif de cette conférence? Cela fait plus de 25 ans que la Tunisie dispose de moins de 500 m3/hab/an et elle est actuellement sous le stress hydrique. Ceci est dû principalement à une augmentation importante de la température. Selon les données de l'Institut national météorologique, les événements de sécheresse sont plus longs, plus fréquents et plus intenses, notamment dans le Sud tunisien. Les régions côtières sont aussi vulnérables à l'érosion marine et à la salinisation des sols. Cela contribue à la pénurie d'eau et à la destruction de la faune et de la flore. Cette conférence a pour but de braquer les projecteurs sur ce problème. Quelles sont les conséquences de ces dérèglements climatiques ? Ces dérèglements vont impacter fortement l'économie. Selon le ministère de l'Agriculture tunisien, le produit intérieur brut issu des revenus agricoles pourrait diminuer entre 5 et 10% en 2030. La production des oliveraies, qui est la principale source de revenus pour les Tunisiens, pourrait diminuer de moitié. Le secteur du tourisme ferait lui aussi les frais de ces dérèglements avec une dégradation des activités notamment sur le littoral. Dans ces deux secteurs, agricole et touristique, 36.000 emplois seraient directement menacés. Toutefois, le gouvernement tunisien a entrepris toutes les mesures nécessaires pour lutter contre ce problème lors de la COP21 (Conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques, au cours de laquelle les Etats membres ont conclu un accord qui vise à maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 2 °C). Des mesures ont été entreprises pour augmenter l'efficacité des installations énergétiques et réduire la dépendance de la Tunisie en matière d'énergie. Comment résoudre le problème de l'eau en Tunisie ? Il est crucial de repenser la façon dont les projets sont conçus et gérés. Dans le secteur de l'eau, l'étude de la gestion de la nappe phréatique de Bsissi Oued Al Akarit a montré les bénéfices de la gestion communautaire et participative des ressources hydriques pour une exploitation durable. La réussite de ces projets est tributaire de la volonté politique d'investir dans ce type de projets. Il faut, pour cela, étudier l'impact du changement climatique ainsi que la transition énergétique sur l'économie. C'est ce que propose l'AFD (Agence française de développement) à travers son modèle Gemmes qui permet d'établir les politiques monétaires, financières pour les investissements verts. Ce modèle peut être décliné par pays. Le potentiel du pays s'élève à 5 milliards m3 d'eau, dont près de 2 milliards sont consacrés à l'agriculture. Il faut, alors, pousser des recherches pour investir dans le type d'agriculture qui sera approprié à cette quantité d'eau. Avec 419 m3 par habitant/an, la Tunisie est en situation de pénurie d'eau absolue, une situation chronique qui a été accentuée ces dernières années par les effets des changements climatiques. L'augmentation des besoins mais également la dégradation et la vétusté des infrastructures de la Société nationale d'exploitation et de distribution des eaux (Sonede) ainsi que des infrastructures d'irrigation et de transfert de l'eau génèrent une perte d'eau qui s'élève à 30% de la quantité totale transférée. D'après les données fournies par la Sonede, 42% de ses conduites sont usées et doivent être remplacées. De surcroît, face à une pluviométrie défaillante au cours de ces dernières années, ainsi que des problèmes liés à la gestion et la gouvernance des ressources hydriques, des mesures efficaces n'ont pas été entreprises. Le dessalement de l'eau est-il la solution idoine pour renforcer l'offre? Le dessalement de l'eau de mer est un investissement très coûteux qui pourrait être remplacé, au cours de la prochaine décennie, par la récupération des pertes d'eau enregistrées au niveau des conduites de la Sonede. Un marché illicite de vente d'eau prend ainsi deux formes : un marché de l'eau «potable» destiné à la consommation domestique (eau de source et eau de la Sonede) et un autre marché, plus lucratif, destiné à l'irrigation et qui consiste à vendre l'eau de la Sonede aux agriculteurs. Ce dernier se caractérise par une mauvaise qualité d'eau ainsi que par un mode de stockage inapproprié, notamment lors de son transport. D'ailleurs, des médecins enregistrent des gastro-entérites aiguës chez plusieurs patients, dues à la consommation de ces eaux. Quels sont les efforts déployés pour lutter contre la dégradation de l'environnement en Tunisie ? La question de l'aménagement du territoire est centrale pour repenser le modèle des villes tunisiennes fondé aujourd'hui sur l'étalement urbain. Le gouvernement tunisien dispose de plusieurs projets programmés mais qui ne sont pas jusqu'à maintenant réalisés. Mettre en place un système de veille climatique et d'alerte précoce, lancer un mécanisme d'assurance contre les aléas climatiques, protéger les zones touristiques contre l'avancée de la mer, optimiser la gestion des ressources en eau ou encore conserver et protéger le patrimoine génétique local pour adapter les cultures aux changements climatiques, sont les principales mesures planifiées par le gouvernement tunisien. L'AFD travaille d'ores et déjà avec le gouvernement tunisien au travers d'une coopération renforcée en matière d'adaptation. Elle mettra en œuvre la Facilité Adapt'Action pour appuyer le gouvernement dans la formulation de projets structurants dans le domaine de l'environnement. Propos recueillis par