La conjugaison de plusieurs facteurs, dont la corruption et la contrebande, a aggravé le problème de la pénurie de médicaments. Les solutions urgent aujourd'hui pour améliorer la traçabilité au niveau de tous les maillons du secteur. Si nous sommes devant le risque d'une crise sans précédent dans la totalité du circuit des médicaments et des outils de médecine, ce n'est pas uniquement à cause de la situation financière de la Pharmacie centrale mais pour des raisons qui touchent les caisses sociales et une foule d'autres facteurs. La situation est dramatique de l'aveu même du ministre des Finances qui s'exprimait il y a quelques jours devant les députés de l'ARP : «Nous sommes devant le risque réel que la Pharmacie centrale manque de médicaments parce que sa situation financière ne cesse d'empirer devant l'incapacité des caisses sociales d'honorer leurs dettes». Nos concitoyens, sous le choc, ont largement fait circuler l'information qui a immédiatement pris des proportions énormes et qui a soulevé d'innombrables questions embarrassantes. Spirale infernale Le président du Conseil de l'ordre des pharmaciens, Chedly Fendri, atteste que ces dettes impayées, aussi bien de la part de la Cnam que des hôpitaux tunisiens, dépasse les 770 millions de dinars. Et c'est de là qu'apparaît la spirale infernale des dettes en cascade car si la Cnam se trouve dans l'incapacité d'honorer ses dettes vis-à-vis de la Pharmacie centrale, c'est qu'elle-même attend que les deux grandes caisses sociales (Cnss et Cnrps) lui payent ce qu'elles lui doivent. Quant au Dr Emna Zribi, chef de service pharmacie de l'hôpital Habib-Bourguiba à Sfax, elle abonde dans le même sens en assurant, lors d'un débat sur une chaîne privée locale, qu'il existe des défaillances et des risques à chaque étape. «On est arrivé à un point où on vole des médicaments même sur la table de chevet des patients et on ne peut plus se taire. Il faut informatiser la totalité du circuit emprunté par les médicaments pour s'assurer de la traçabilité (on peut faire une économie de 30 à 40% là-dessus) et le sécuriser, il faut responsabiliser chaque partie, renforcer le rôle du pharmacien dans l'hôpital pour contrôler le processus et développer la fonction de pharmacie clinique, imposer une règle de conduite pour les médicaments hors liste...», souligne-t-elle. L'origine du mal Pour Dr Abdelmajid Mselmi, professeur-enseignant universitaire, il existe un manque total de transparence et une quasi-généralisation de la corruption dans ce domaine. «Nous devons mettre au point un plan national de suivi pour prétendre à une cohérence du système de disponibilité des médicaments et des dispositifs médicaux (bistouris, gants, compresses...). Il faut surtout oser une réforme des caisses sociales, c'est là l'origine du mal», atteste-t-il. C'est dans le même sens que Dr Jad Henchiri, membre de l'Association des jeunes médecins, appelle le gouvernement à tenir ses promesses et lancer certaines solutions dans l'urgence en attendant qu'à moyen terme on s'investit enfin dans l'harmonisation des normes et la rationalisation des circuits des médicaments et des dispositifs médicaux. «Pourquoi ne pas créer une centrale d'achat pour ces outils, dont ne peuvent se passer les médecins, au même titre que les médicaments et surtout trouver des solutions aux problèmes financiers des hôpitaux», propose-t-il. Quant à Moez Lidinallah Mokaddem, P.-d.g. de la Pharmacie centrale, il insiste sur le fait que cette institution nationale qui fait notre fierté à tous est en plein effort de bonne gouvernance et qu'elle pourrait se charger d'assumer la fonction de centrale d'achat pour les dispositifs médicaux comme elle le fait pour les médicaments. Il estime également que le ministère est capable de juguler la contrebande de médicaments par l'adoption de la facturation électronique qui mène automatiquement à la traçabilité. Côté médicaments, il affirme que la Pharmacie centrale étudie actuellement la création d'un fonds pour le soutien des préparateurs nationaux qui sont un maillon principal dans le système de disponibilité des médicaments, y compris pour les questions techniques. Selon les dernières nouvelles, un conseil ministériel se tiendra bientôt pour «sauver» la Pharmacie centrale et peut-être pour décider enfin de la nomination d'un ministre à la tête du ministère de la Santé, car si tous ces interlocuteurs s'accordent totalement sur un point, c'est certainement celui de l'urgence d'un premier responsable.