Un grand moment de musique que nous avons partagé, le 8 octobre, avec le sitariste Ustad Shahid Parvez Khan, invité de la 5e édition de Mûsîqât. C'est sa réputation qui nous est parvenue en premier. Il est considéré par les connaisseurs comme l'un des sitaristes les plus performants de sa génération, ayant baigné dans le monde musical depuis l'enfance. Son père Ustad Aziz Khan est en effet un autre maître du sitar et sa famille a marqué l'histoire de la musique classique hindustani. Pour le profane qui a fait le déplacement au Palais Ennajma Ezzahra, la découverte de ce musicien et de son monde fut en tout cas un pur moment de délectation… En prélude, l'artiste commence par présenter son instrument, sa musique et son accompagnateur, un joueur de tabla. Le sitar (ou encore setar en raison de sa filiation avec le setar persan), nous explique l'artiste, est un instrument de musique indien à cordes pincées. C'est un luth à manche long, typique de la musique indienne, créé d'après la légende par Amir Kushro, au XIVe siècle. Cette simple version à trois cordes, dérivée du tambour perse, devait recevoir au fil des siècles des aménagements. Au XVIIIe siècle, une quatrième corde fut ajoutée puis, au XIXe siècle, les tarafs, cordes sympathiques, et la forme imposante, pour jouer dans les durbar, les cours royales. La taille et le nombre de cordes du sitar augmentent dans le courant du XIXe siècle, lui offrant de nouvelles possibilités d'expression (6 cordes). L'artiste introduit, par la suite, un autre instrument, le tabla. «C'est un instrument qui permet de dire tout ce que l'on veut, il exprime une langue», déclare le sitariste en illustrant ses propos par une démonstration du langage du tabla. En parlant, ensuite, de la musique indienne, il affirme qu'elle s'improvise (elle est jouée par cœur sans partition), essentiellement autour du rythme et de la mélodie, en s'organisant en structures issues de deux systèmes séparés mais complémentaires, nommés respectivement Raaga et Taala. Le Ragaa est généralement associé à un moment de la journée. «Celui que je vous présente aujourd'hui est celui de la nuit» ajoute Ustad Shahid Parvez Khan pour finir. Premier morceau ou plutôt premier cycle (16 rythmes), lent au début mais qui finit par un déchaînement des mains qu'on ne distingue plus vers la fin, tellement le mouvement est effréné et rapide. Sans accompagnement, le sitar communique le souffle affectif du musicien qui le manie avec une agilité déconcertante…Le tabla entre en jeu dans le deuxième cycle et donne ainsi la réplique au sitar, répondant à ses attentes et à ses exigences. Le jeu passionné du jeune musicien alimente et stimule le Ragaâ de cette chaude nuit faussement automnale. Le troisième et dernier cycle, le dessert de la soirée comme le fait remarquer l'artiste, est un morceau basé sur une chanson folklorique persane. Un succulent «dessert» que le sitariste nous dresse sur un plateau de sensations et d'émotions, servi par un toucher frétillant et émouvant de doigté et de délicatesse.