Le réalisateur palestinien du film «Ghost Huntinga», Raed Andouni, a exorcisé ses vieux démons le 7 novembre au Mondial. Financé par Arte, ce documentaire, en lice dans la compétition officielle aux Journées cinématographiques de Carthage, est un projet à la fois ardent et glaçant, mettant en scène un passé fantomatique, celui d'un groupe d'hommes ayant séjourné à Jérusalem au centre d'interrogatoire Al-Moskobiya. Le réalisateur, lui aussi ancien détenu dans le même centre, implique tous les personnages, y compris le spectateur, dans cette mission horriblement ardue, dans cette chasse aux fantômes qui n'a pas cessé de hanter les âmes de ces anciens prisonniers palestiniens et leur imaginaire. Le film commence par un casting très pro en matière d'expérience carcérale : comédiens, architectes et maçons volontaires sont au rendez-vous pour une construction imaginaire mais aussi palpable et réelle de l'univers glacial des prisons. Travailler sur le point de vue, le regard de chaque prisonnier, sa psychologie, l'inversement des rôles, où on joue tour à tour les rôles du bourreau et de la victime, et où on rejoue les interrogatoires et l'incarcération, est une façon de mettre en chantier un dispositif qui fait preuve d'un courage hallucinant de la part de toute l'équipe. Des bribes de souvenirs surgissent sur des corps tremblants de fragilité ; le réalisateur et l'équipe reconstruisent ce lieu et tentent de guetter ensemble, les yeux bandés, cette blessure collective marquante. Ces fantômes du passé percent leurs entrailles mutilées, greffant sur leurs corps et cœurs des murailles intérieures ténébreuses et frustrantes. Cette performance troublante où les témoignages sont solennels et puissants, et où le fantôme essaie de décamper avec beaucoup de douleur, tente d'épouser une approche cathartique où la parole doit se libérer de ses traumatismes. La mémoire n'est pas courte pour ces damnés de la terre palestinienne encellulés dans leur obscure cage. Le décor est construit. Le corps est déconstruit. C'est à ce moment-là que les fantômes pénètrent à travers les pores de ces murs qui s'élèvent, et qui deviennent cruels jour après jour. La venue des familles de ces anciens détenus dans ce tournage émouvant et cette installation insolite rend le faux décor une vraie prison, un cachot vivant... Mais, à la fin du film, ce fantôme apparaît comme un apprenti soumis, suivant les pas de son «autre». Ce film bouleversant puissamment généreux, généreusement puissant, a montré justement que le revenant traqué, ce fantôme ressuscité, ne se chasse pas. Prétentieux, vain, il est toujours là, jamais las, il colle éternellement à la peau de ces écorchés vifs.