A l'ouverture de sa 24e saison culturelle, El Teatro organise, depuis le 27 septembre et jusqu'au 12 octobre 2010, la rencontre des libres penseuses laïques en arts et lettres dans le monde arabe et en Méditerranée, sous le titre «Les F…respectueuses», inspiré de la fameuse pièce de Jean-Paul Sartre. Au programme, des ateliers de gestion de projets culturels, de techniques d'écriture de Nouvelles et d'information comparative des législations en cours dans la région, ainsi qu'une résidence de photographes, une rencontre d'écrivaines et de chercheuses, des spectacles de théâtre et de danse et une exposition de photos. Nous nous sommes intéressés à l'atelier de Nouvelles qui a été clôturé, mercredi dernier, par une lecture mise en scène par l'artiste de théâtre et auteure turque : Cedef Ecer, devant un public d'éditeurs et de représentants de la presse nationale et arabe. Onze femmes et leurs valises attendent quelque chose ou quelqu'un. Elles sont aux frontières d'un pays, de la mort, ou de la vraie vie… Mais comment est-ce que ces femmes en sont arrivées là ? Surtout que la plupart d'entre elles n'ont jamais prétendu écrire… Elles ont cette angoisse de la feuille blanche… Et quand la première phrase est pondue, elles ont du mal à noircir la page… Et qui sont réellement les autres, ces professionnelles qui ont déjà écrit des pièces de théâtre, publié des romans ou des nouvelles ? Que cherchaient-elles en participant à un atelier d'écriture ? La perfection ? Est-ce que cette dernière existe ? Cherchaient-elles tout simplement un feed back pour un nouveau projet, ou avaient-elles besoin de partager et d'appartenir à un clan ? Quel peut être ce clan et que peuvent-elles partager ? Le groupe était vraiment hétérogène. Ces femmes dites respectueuses étaient différentes par l'âge, les horizons, les origines et, bien entendu, par les visions du monde. Qu'est-ce qui pouvait les réunir autour d'une table ? Et comment sont-elles arrivées à créer cette synergie sur scène ? Nous croyons savoir que c'était «le doute» : peut-être pas d'elles-mêmes, mais de ce qu'elles font, de ce qu'elles ont fait, ou de ce qu'elles ont envie de faire. Il a suffi du cœur et du regard de Hoda Baraket, l'écrivaine libanaise qui a dirigé cet atelier, pour que l'empire caché des émotions se dévoile. La technique de l'écriture, la forme, nouvelle ou autre, importaient peu. Il fallait que ces femmes accouchent de ce que Hoda Baraket appelait «créatures». Elle qui a, à son actif, 4 nouvelles (Les illuminés, La pierre du rire, L'incident des eaux, Mon maître et mon amour), des chroniques (Lettres bizarres) et une pièce de théâtre à succès, actuellement en représentations au Liban (Via la diva), connaît l'angoisse de la première phrase. Elle connaît la puissance de l'autocensure qui fait obstacle à l'écriture. Elle sait ce que c'est que de rire aux éclats, quand la passion l'emporte et quand la peur la fait trembler, et elle invite les participantes à libérer leurs plumes pour donner des mots à leurs émotions. Libérer. Liberté. Ces mots revenaient souvent dans la bouche de Hoda. Mais oui, la liberté n'est-elle pas le partenaire fondamental de la créativité ? Le doute aussi.