«Il n'est pas question de retirer ce texte», déclare Lotfi Brahem, même s'il se dit ouvert aux propositions d'amendement Le ministre de l'Intérieur, Lotfi Brahem, a indiqué lors de son audition à la commission de législation générale que le retrait du projet de loi n°25/2015 relatif à la répression des atteintes contre les forces armées n'était pas à l'ordre du jour. Cette déclaration intervient en réponse à la demande formulée clairement par l'opposante Samia Abbou, qui a appelé le ministre à retirer le texte. Cependant, le ministère semble cette fois prêt à faire des concessions sur certaines dispositions. S'il ne parle pas d'inconstitutionnalité, le ministre évoque «des problématiques qu'on pourra résoudre ensemble». Il a appelé à la mise en place d'une commission conjointe entre le ministère de la Défense, le ministère de l'Intérieur, le ministère de la Justice et la commission des finances, afin de prendre en considération l'ensemble des propositions d'amendement. Le ministre a également assuré que le projet de loi était soutenu par le gouvernement, qui aimerait que le projet soit examiné dans les plus brefs délais. En butte à une avalanche de critiques de l'opposition comme de la majorité, le ministre de l'Intérieur a contre-attaqué. Conscient du pouvoir des images chocs, Lotfi Brahem a montré aux députés et aux journalistes présents plusieurs photos de sécuritaires gravement blessés, de véhicules de police calcinés et de locaux de police incendiés. Selon les chiffres qu'il a présentés, depuis 2015, on a recensé 47 sécuritaires décédés et 130 blessés suite à des actes terroristes, 467 agents de police ont subi de graves blessures pendant l'exercice de leurs fonctions, 53 locaux ont été saccagés ou incendiés et 624 véhicules ont été dégradés ou brûlés. Même s'il fait état d'un nombre impressionnant de poursuites judiciaires à l'encontre des agresseurs (5.845 procès), le ministre de l'Intérieur relève que, souvent, ces procès traînent et qu'il reste très difficile d'incriminer les agresseurs. Ce que les opposants au projet de loi reprochent, en effet, au ministre, c'est de vouloir enfoncer des portes ouvertes. «Les textes qui protègent les agents de police pendant l'exercice de leurs fonctions existent bel et bien, à moins que ce texte ne soit un prélude à un coup politique en préparation, je ne vois franchement pas son utilité», lance Samia Abbou au ministre de l'Intérieur. De son côté, le président de la Commission des droits et libertés à l'Assemblée des représentants du peuple, Naoufel Jemmali, a indiqué que le renvoi du texte à la commission de législation générale au lieu de la commission des droits et libertés était une décision souveraine du bureau de l'Assemblée. Par ailleurs, le député a estimé que ce projet ne pouvait pas s'adresser aux terroristes qui ne seront pas dissuadés par ce texte, mais s'adresse finalement aux citoyens lambda. «Ce postulat, dit-il, nous renvoie à la question de la relation que nous souhaitons établir entre la police et le citoyen et nous renvoie aussi à la conception que nous avons de la notion de police républicaine». Semblant désapprouver le texte, le député d'Ennahdha insiste sur le fait que le citoyen a également besoin d'être protégé des bavures policières. Mais le ministre de l'Intérieur se défend, et selon lui, avec les nouvelles dispositions du code pénal, les agressions contre les citoyens ont quasiment disparu. «Le ministère de l'Intérieur est certainement le ministère qui sanctionne le plus ses agents, indique-t-il. Il y a aujourd'hui 560 affaires dans lesquelles des sécuritaires sont impliqués, mais dans l'ensemble de ces affaires, le parquet et les juges d'instruction ont décidé de garder les agents en liberté, faute de preuves suffisantes». Pour sa part, l'élue Ibtissem Jebabli (Nida Tounès) a déclaré soutenir le projet de loi, même si elle demande à ce que certaines craintes, relatives au non-respect des droits fondamentaux, soient dissipées. «Les dispositions de l'article 18, relatif à la non-poursuite des agents qui au cours de leurs fonctions blessent ou tuent un citoyen, pourraient être problématiques, car il est difficile de juger si le fonctionnaire de police était en situation de légitime défense ou pas», explique Ibtissem Jebabli.