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Choix ou obligation ?
Enquête : L'école privée en Tunisie
Publié dans La Presse de Tunisie le 06 - 01 - 2018


Réalisée par Kamel FERCHICHI
L'école publique n'est plus ce qu'elle était, du temps de Bourguiba, bâtisseur du grand temple du savoir et des compétences. A une certaine époque, l'éducation était l'une des priorités nationales, sa généralisation et sa gratuité étaient, alors, une valeur sûre. Voire un choix sociétal misant sur une « matière grise » intelligente, prête à tout mode de formation.
Que reste-t-il de l'école bourguibienne ? Un semblant de vestiges du bon vieux temps. Qu'en est-il de l'élève ? Parent pauvre de l'opération éducative, il demeure, hélas, victime de l'échec d'une politique sectorielle quasiment sclérosée. S'ensuivent, fâcheusement, déclassement du niveau, abandon scolaire phénoménal et dégradation du capital-confiance. Bref, l'école d'aujourd'hui semble courir à sa perte. Bonjour l'école buissonnière !
Un tel secteur public en mal de stratégie n'a pu rattraper le temps perdu. Les scandales du milieu scolaire (violence, drogue, indiscipline..), phénomène d'absentéisme justifié par des faux certificats médicaux, soupçons de corruption, fuites aux examens, cours particuliers hors normes, conflits d'intérêts corporatistes, ne laissent personne indifférent. Soit, tous les foyers tunisiens, du fait que l'école a toujours été perçue comme un véritable ascenseur social. Ce privilège d'antan se voit, ces dernières années, concédé au secteur privé. Poussent comme des champignons ses investisseurs qui prennent les devants. Ils profitent de l'aubaine. Leur pari est l'élève, à bien des égards. Mais, à quel prix ? Pour certains, investir dans l'éducation, c'est une passion. Voire un rêve d'enfance. Mme Afef Mansri, coordinatrice d'un groupe de cinq établissements éducatifs privés dans le Grand-Tunis, nous a parlé d'une expérience inédite. L'initiative n'a pas, a priori, été une sinécure. Point de garanties à l'époque de Ben Ali. Pour son mari, fondateur du groupe, Dr Mourad Ben Turkia, il n'était pas facile d'aller plus loin dans ses ambitions.
Voie alternative ?
La facture en fut trop lourde : l'homme étant « un proscrit dans la République de Ben Ali », ainsi s'intitule le livre de « Edmond Jouve », professeur émérite de l'université Paris Descartes. Et Ben Turkia fut interdit même de soins à l'étranger. Peu à peu, tout se dénoue, signalant un retour à la normale. « En 2000, l'idée de s'investir dans l'enseignement primaire privé était, au départ, une sorte d'aventure », se rappelle Mme Afef. Un défi à plus d'un titre. Au fil des mois et des ans, cette tendance s'érige en bonne affaire économique, un commerce juteux. Cela va de soi, à l'aune des inscrits potentiels en attente. Le groupe Ben Turkia avoisine presque 2 mille élèves. A l'échelle nationale, l'effectif global ne dépasse pas les 80 mille, répartis sur quelque 400 écoles privées, particulièrement concentrées dans le Grand-Tunis, Sousse et à Sfax. D'après Sigma Conseil, le nombre a plus que doublé en 5 ans, soit une progression notable de plus de 90%. Un constat qui remet en cause l'école publique, où 100 mille élèves l'abandonnent chaque année. Et un nombre parmi eux ont beau rejoindre les classes privées, les autres se sont, hélas, retrouvés au bord de la délinquance. A la croisée des chemins, se perd une génération tout entière. A moins que la formation professionnelle ne prenne la relève. Et encore ! Elle aussi semble être près de rendre son tablier. Certaines de ses filières, qui se comptent par dizaines, ont malheureusement raté leur coup.
Pour qui sonne le glas ? Que faire pour sauver la mise ? L'école privée répond, alors, présent. Elle ne remplace, peut-être, pas celle de l'Etat, mais elle constitue tout de même une voie alternative. « Un mal nécessaire, vu le fardeau de ses frais faramineux », jugent certains parents, se trouvant, toujours, dans l'embarras du choix. Tout comme un produit à prendre ou à laisser. Cela dit, jouer à quitte ou double. Quid de la qualité? L'enseignement privé coûte assez cher, le juge-t-on ainsi. « La qualité, ça se paie..», rétorque Mme Mansri. Et d'expliquer que les bonnes prestations qu'elle fournit font, certes, la différence : «Un corps enseignant assidu et compétent, un système pédagogique exemplaire, un bon taux d'encadrement, étude de langues à l'âge précoce, classes moins encombrées, milieu scolaire plus sécurisé, garderie, cantine, des clubs et bien d'autres services à titre onéreux.. ». Soit, un budget à part pouvant alourdir l'ardoise du tunisien. Mais, l'école privée n'est pas donnée à tous. La classe moyenne y a, de moins en moins, accès. Un tel choix s'explique par l'obligation des résultats. Et là, la coordinatrice du groupe ne mâche pas ses mots : «Nous avons un centre de formation pédagogique, un choix sélectif d'instituteurs, un cursus aussi passionnant et un taux de réussite à presque 100% ». S'y ajoute le côté récréatif et d'assistance, sous forme de clubs d'animation divers. Cela étant, tous les atouts d'une meilleure promotion sont là, a-t-elle résumé. Voilà, en quelque sorte, les raisons d'une telle motivation à se tourner vers le secteur privé.
De nos jours, cette tendance va crescendo. Plus qu'un choix, c'est une obligation, si l'on voulait dûment façonner de bons profils brillamment scolarisés. Pour les parents, c'est aussi une sorte d'investissement dans l'avenir. Ce qui fait de ce secteur un créneau porteur. Tel le cas de M. Tahar Khémira, économiste de formation, nouvellement investi dans le domaine. Autorisation à peine obtenue en août dernier, l'homme se voit pleinement engagé dans le projet de sa vie : une école privée à El Mourouj 6, cité émergente, à faible densité démographique. Tout compte fait, cela lui a coûté pas moins d'un milliard. Pour lui, c'est un pari sur un secteur largement prisé. « Je suis habité par cette idée obsessionnelle depuis que mes enfants étaient à l'école privée à Tunis. J'étais convaincu que pareil projet serait bien en vogue », souligne-t-il. Pour ce faire, il a décidé de le monter sur son propre lot de terrain dont le plan d'aménagement répond aux conditions du cahier des charges exigé par le ministère de l'Education. « Je m'y suis beaucoup investi, sans trop chercher de l'argent», a-t-il encore ajouté. Question de passion, dit-il au passage. Mais, promouvoir un projet n'est pas fortuit, c'est un investissement à but lucratif. Ainsi va le commerce.
A la rentrée, son établissement compte, tout juste, 15 instituteurs diplômés pour une soixantaine d'élèves, de la préparatoire à la 5ème année primaire. C'est un premier jet avant de penser à une éventuelle extension. « L'essentiel est d'avoir, au bout de l'année, un résultat probant », déclare-t-il. La grille salariale s'étend entre 600 et 800 dinars, chacun selon ses compétences. Et le contrat « Dignité » aide beaucoup. De même pour les repas, il y a du menu servi au quotidien. « Le diététicien que j'ai à la cantine opte pour des plats nutritifs et variés », rassure-t-il. Volet cours, le programme arabe est celui du ministère. Côté langues, elles tiennent, en partie, au contenu dit de « mission », avec des livres scolaires importés. Le plus consiste, selon lui, dans l'éventail des clubs du mercredi après-midi : « Il y en a de la musique, du théâtre, de la peinture, du sport, du bricolage et autres..». Et le suivi ne manque pas. L'appui de son épouse, elle aussi enseignante, est de nature à lui alléger le fardeau de la responsabilité. « Les parents sont contents», se félicite-t-il, satisfait. Autre service, le ramassage scolaire. Dès le petit matin, l'autobus de l'école sillonne les quartiers limitrophes, faisant épargner aux parents une pénible circulation.
Une école, deux réformes
Et de poursuivre que l'école privée demeure, alors, un complément, et non pas une alternative, comme le pensent certains. A chacun son propre point de vue, de toute façon. Jadis, inscrire son enfant dans une école privée était un luxe. De nos jours, un passage obligé. Pour les moins fortunés, l'avenir studieux des enfants leur a forcé le choix. Même les plus incrédules, ils ont fini par avaler la pilule. La décadence du système éducatif n'est qu'une réalité têtue. Pourtant, la loi d'orientation de l'éducation et de l'enseignement scolaire, promulguée en juillet 2002, en a fait une priorité nationale absolue. Dans son article 9 : «L'école veille, dans le cadre de sa fonction d'instruction, à garantir à tous les élèves un enseignement de qualité qui leur permette d'acquérir une culture générale et des savoirs théoriques et pratiques... et de s'insérer ainsi dans la société du savoir ». L'objectif étant, alors, loin du compte. Quinze ans plus tard, on ne voit rien venir. Et ladite loi n'était, hélas, que de la poudre aux yeux. Soit une politique éducative de façade. Peu à peu, l'école publique se voit perdre des points.
L'Etat est-il, aujourd'hui, en mesure de remettre la pendule à l'heure ? Une deuxième réforme est encore en plein chantier. Elle se fait, presque, dans le même esprit. Les travaux des commissions auxquelles est confiée l'élaboration des recommandations finales semblent aller bon train. Selon M. Kamel Hajjem, directeur général du cycle primaire au ministère de l'Education, l'école privée fait, elle aussi, l'objet d'une commission technique à part. Il la considère comme un soutien au secteur public. Faisant partie de l'enseignement de base en Tunisie, elle est, pour autant, soumise au contrôle administratif et pédagogique du ministère. Tout s'inscrit dans le cadre de la loi-juillet 2002, répète-t-il. Et comme cette loi n'arrive pas à ses fins, l'école privée se fraye un si bon chemin. Elle gagne du terrain, prenant ainsi son élan. « Sans pour autant manquer de failles..», révèle M. Hajjem, assurant que le ministère œuvre à parer aux dépassements enregistrés dans l'enseignement primaire privé. Qu'en est-il au juste ? Et le responsable d'énumérer: «Inscription en âge illégal, instituteurs parfois non diplômés, matières hors programme du ministère, évaluation anti-système, présence d'enseignants du public dans certaines écoles privées...». Légion sont les défaillances auxquelles il faut faire face. Un état des choses que l'Union tunisienne des instituts privés pour l'enseignement et la formation (Utipef) n'a pas nié, sans broncher. Elle demande la révision du cadre législatif le régissant. Initiative hautement saluée par le nouveau ministre Hatem Ben Salem.
Une fausse vérité !
Dès la rentrée 2017-2018, une note a été adressée dans ce sens. Reste, somme toute, que les commissariats régionaux à l'éducation devraient prendre les choses en main. Avec un contrôle régulier des établissements privés fautifs. Alors que ces derniers sont, en principe, régis par un cahier des charges, conformément au « décret n° 486-2008 relatif aux conditions d'obtention d'une autorisation pour la création d'établissements éducatifs privés, leur organisation et leur fonctionnement ». Mais, si de telle aberration persiste encore, c'est que le ministère de tutelle avait, tout de même, failli à ses responsabilités. Il a été fustigé de ne même pas avoir le courage d'intervenir au bon moment. Comme si l'école privée ne relevait plus de ses compétences. En l'espèce, la réforme éducative déjà en cours devrait être globale et exhaustive. Comment, alors, juger cette poussée d'écoles privées ? Bien que le nombre ne dépasse pas les 400, avec 80 mille élèves tout au plus, ces établissements font de l'ombre à l'école publique. Leur gradation manifeste n'est, de l'avis de M. Hajjem, qu'une fausse vérité. «L'on dispose de pas moins de 4600 écoles, avec plus d'un million d'élèves dans le secteur public.. », ainsi argue-t-il, à titre comparatif. Cela va de soi, de facto. Incomparable, en tout cas. Le problème se pose autrement ! Pourquoi cette tendance vers le privé ? Toujours selon Sigma Conseil, les arguments avancés à ce sujet expliquent bien une rupture de confiance tant dans l'école publique, son corps enseignant et l'encadrement pédagogique que dans la formation académique qu'elle dispense. Un faux-semblant pour M. Hajjem : « Force est de constater, cette année, un retour massif à l'école publique. Soit un grand nombre d'élèves a quitté l'enseignement privé». Sauf que, avoue-t-il, l'école privée s'est distinguée par ce qu'on appelle la « garde scolaire», une valeur ajoutée qui cadre bien avec l'horaire du travail des parents. En revanche, elle fait, plus souvent, appel au corps enseignant dans le public, indique-t-il. Cette demande accrue, a-t-il, encore vanté, ne peut que témoigner de la compétence académique dont font preuve les instituteurs du public. Ils sont, d'ailleurs, soumis à un contrôle pédagogique régulier. Cela dit, à l'en croire, la situation du secteur demeure plus ou moins bonne. «On n'est pas dans une logique de concurrence, mais plutôt de complémentarité», juge-t-il, ainsi. Et pour cause. La réforme éducative vise à faire évoluer cette école, de fond en comble. La création, l'année dernière, de l'Office des œuvres scolaires s'inscrit dans l'objectif de doter l'école publique des moyens de sa promotion (clubs d'animation, temps réaménagé, ramassage scolaire, services supplémentaires de qualité...). Afin qu'elle puisse reprendre des forces. Le plan d'action 2016-2020 arrivera-t-il à réconcilier le citoyen tunisien avec son école publique ? L'école de demain, dirait-on. Wait and see.
Qu'en pense la sociologie ?
L'école publique d'antan, ce n'est que de beaux souvenirs ! Milieu sacré, simplicité des cours, cantines, emploi du temps pas trop chargé, pédagogie assez réfléchie, cartable léger et rentrée scolaire presque sans frais. Etait si belle la vie scolaire. Ainsi en a parlé le sociologue Abessattar Sahbani, brossant, dans son explication, un tableau comparatif. En somme, l'école s'est sacrifiée sur l'autel de la modernité. Dans le cours du temps qui passe, il y a des choses qui fâchent. « D'un cadre éducationnel à celui uniquement d'apprentissage, l'école a viré de bord ». La famille tunisienne avait, elle aussi, changé, tant au niveau de sa composition que celui de son mode de vie. « A son retour de l'école, l'élève trouvait quelqu'un à son côté, voire sa famille élargie. Il n'avait guère besoin d'aucun autre soutien, en l'occurrence « garderie scolaire ». Et encore moins recours à des cours particuliers, compare-t-il. Bref, l'école était, à ses yeux, tout un monde, où chacun pouvait trouver son compte.
De nos jours, il n'est plus possible de réussir facilement sa scolarité, d'y penser comme avant. «Les parents n'avancent plus au même rythme que celui de l'école», juge-t-il. De son avis, cette profonde mutation sociologique a pesé lourd sur l'ordre éducatif. Soit un système marchant à reculons, dirait-on. A la longue, il devient, à juste titre, un passage obligé, dicté par une politique sectorielle complètement sclérosée. S'ensuivent, alors, restriction des espaces d'animation, détérioration des infrastructures scolaires, régression des prestations et déclassement du niveau de l'enseignement. L'on finit, hélas, par rompre avec un système qu'on a beaucoup aimé.
A qui profite cette crise de confiance ?, s'interroge le sociologue. Et d'enchaîner que le recul de l'enseignement national a fait naître d'autres alternatives de formation dont l'école privée qui se voit, au fur et à mesure, prendre les devants. Tendance ou obligation ? Du moins, relativise-t-il, une tentation à de nouvelles prestations que fournit l'école privée: garderie scolaire toute la journée, cantine, espace sécurisé, contrôle sanitaire, salles de révision.. Pas tout à fait un phénomène, de par sa répartition géographique assez réduite et sa faible accessibilité pour tous les Tunisiens. L'on remarque, évidemment, sa forte concentration dans des quartiers huppés notamment du Grand-Tunis. La catégorie défavorisée en est encore loin. Donc, un fait de société, particulièrement lié aux mieux nantis. « Car, l'école privée, c'est de l'argent. Elle n'est pas aussi faite pour les beaux yeux de l'élève», souligne-t-il. A défaut d'une large couverture territoriale, nuance-t-il, elle ne pourrait jamais remplacer l'école publique. D'autant plus, à l'en croire, que l'accès à l'enseignement privé est de nature à accroître les inégalités sociales. « Celui qui ne mène pas une vie plus ou moins favorable n'aura même pas la chance d'avoir un enseignement de qualité. L'élève qui rentre chez lui épuisé, sous l'effet de la fatigue, n'ayant aucun moyen du confort à domicile ni soutien scolaire non plus, ne pourra, tout bonnement, aboutir à de bons résultats», conclut-il, plaidant pour la révision globale du système de l'enseignement, de la classe préparatoire à l'université. K.F.
Quand l'école privée reconnaît ses torts
Sans doute, l'école privée commence à s'imposer comme une voie alternative, en lieu et place de l'école publique qui semble toucher le fond, dans un monde du savoir en perpétuelle mutation. Toutefois, elle évolue en désordre, sa vocation essentiellement éducative se voit, parfois, réduite à des buts économiques. Au point que l'Utipef, nouvelle structure syndicale créée en mai dernier, suite au retrait de la Chambre nationale de l'enseignement privé de l'Utica, n'a pas hésité à lui reconnaître ses failles. C'est que, d'après elle, l'organisation patronale n'a pas voulu trouver des solutions aux problèmes auxquels fait face l'école privée.
Son président, M. Abdellatif Khammassi, s'est dit, lors d'une rencontre de concertations, tenue en octobre dernier, disposé à coopérer avec le ministère de l'Education pour passer le cap et améliorer le rendement du secteur privé. Pour lui, hommes d'affaires et professionnels de l'enseignement privé n'ont pas les mêmes intérêts. Leur présence sous l'égide de l'Utica a longtemps été une erreur, a-t-il encore jugé. La dégradation de la qualité du secteur était une des raisons incitatives à la naissance de l'Utipef. D'où l'urgence d'accorder plus d'importance à l'éducation. Et d'ajouter : «L'avenir de l'enseignement en Tunisie ne peut se faire sans le privé...». Les parents ont droit d'aspirer à une meilleure formation pour leurs enfants.
L'Utipef aura, comme objectif, de participer à alléger le coût de l'enseignement privé, à parer à ses difficultés, à former les instituteurs et créer un véritable partenariat public-privé. Afin d'en faire un vecteur de réussite. K.F.


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