Il est l'un des rares footballeurs tunisiens qui avaient, en même temps de formidables qualités techniques et un égal souci de la récupération et de la relance. Lotfi Chihi est le footballeur de charme qui a symbolisé à lui seul le Club Olympique des Transports et l'équipe de Tunisie juniors entraînée par Mrad Mahjoub. Il a été un des esthètes de l'équipe et disposait d'une polyvalence qui offrait à ses entraîneurs un éventail de solutions très précieux. C'est également un des joueurs cotistes les plus titrés avec le COT et l'EST. «J'ai fait la découverte du football que je considère comme le plus grand événement de ma vie. J'habitais à la cité Ibn Khaldoun et je faisais le va-et-vient au terrain de Mellassine. Je dépensais l'essentiel de mon temps sur les terrains de quartier. J'ai signé ma licence avec le COT à l'âge de 12 ans et ce après le consentement de mon père qui a discuté avec les dirigeants du COT. Sous la conduite de mon entraîneur Ali Jlili, j'ai retrouvé la joie de jouer lors de la saison 77-78. Une année après, l'équipe cadette du COT s'est déplacée en France pour prendre part à un tournoi avec la Juventus, Monaco et Liverpool. Au cours de ce tournoi, j'ai été l'un des meilleurs joueurs. Depuis, j'ai réintégré les cadets avec Mohsen Ayari et Abdelkarim Yahyaoui». Lotfi Chihi se plaisait à s'adonner à des courses solitaires, histoire de développer ses capacités physiques, surtout qu'il était un peu chétif, sa première récompense fut sa convocation en équipe de Tunisie juniors pour prendre part à la coupe du monde qui a eu lieu en 1985 en Russie. «Ce fut un moment inoubliable lorsque j'ai pris part à la coupe du monde juniors de Russie. Nous avons formé un groupe soudé et compétitif avec Sami Touati, Mourad Gharbi, Haïthem Abid et Chokri El Ouaer. J'étais polyvalent. Je jouais arrière gauche à l'axe, pivot, mon poste préféré. En effet, c'est grâce au regretté Hmid Dhib qui a eu le flair pour que je joue comme demi défensif. C'est un grand entraîneur et un grand psychologue. Mon premier match avec les seniors fut contre l'équipe de Ben Arous en 1983. Il a fallu une rencontre entre Baba Hmid et Mrad Mahjoub pour que je joue définitivement comme pivot. L'arrivée de Blaut à la tête de l'équipe cotiste m'a rendu plus vigilant et plus clairvoyant dans mes manœuvres. Je profite pour remercier beaucoup du dirigeants dévoués tels que Bouzayane Yahyaoui, Férid M'hahrezi, etc. Ces derniers ne me donnent de primes qu'en présence de ma mère. Lors d'un match face au CA, Hmid Dhib m'a convoqué dans son bureau et m'a fait voir la photo de Lassaâd Abdelli et il m'a dit si je le connaissais. Je lui ai répondu par l'affirmatif, Baba Hmid m'a dit que lors du match face au CA, Abdelli doit être surveillé. Ce jour-là, certes, nous avons perdu, mais Abdelli n'a rien vu parce que je l'ai surveillé tout au long du match». Blaut, le sorcier Le mérite de Hmid Dhib est grand dans la carrière de Lotfi Chihi. Le glorieux coach du COT a suivi de près la progression du joker cotiste, le jugeant comme un titulaire indiscutable dans l'équipe seniors. Mais l'arrivée du Polonais Blaut a consolidé les assises de l'équipe techniquement et tactiquement. «En effet, avec Blaut, nous avons eu plusieurs années de réussite et de satisfactions. Nous avons réussi à remporter la coupe de Tunisie face au CA et nous avons aussi menacé sérieusement les «Sang et Or» pour le titre national en terminant à la seconde place. Je vous souligne que je suis le seul joueur à avoir marqué deux buts en aller et retour à Chokri El Ouaer en 1988. Ce fut pour moi un exploit et une confirmation. Avec notre président Belhassen Fekih, nous avons réussi à représenter dignement le région de Mellassine. Après ces années de rêve, beaucoup de joueurs ont quitté le club pour diverses raisons. Pendant cette période, j'ai été contacté par le CA. C'était le glorieux Tahar Chaïbi qui m'a encouragé à venir renforcer l'effectif clubiste avec l'aide de Hmid Dhib. Mais, Belhassen Fekih a refusé l'offre clubiste et m'a conseillé de signer avec l'Espérance Sportive de Tunis en 1992. Franchement j'ai souhaité aller au club de Bab Jedid. J'ai retrouvé mes coéquipiers cotistes Faouzi Henchiri, Yahmadi et Slim Chiboub. Ce dernier a été l'un des atouts de l'équipe «sang et or» par son professionnalisme, son autorité, son dévouement au club et son savoir-faire dans le domaine footballistique. La première année fut catastrophique puisque j'ai été touché aux ligaments croisés. Il a fallu que je sois opéré. Après quelques mois, j'ai retrouvé le terrain et les entraînements. Ce fut pour moi une période noire avec l'équipe espérantiste et ce à cause de l'entraîneur Faouzi Benzarti qui m'a ignoré et ne m'a jamais donné ma chance en dépit de l'absence de Khaled Ben Yahia lors d'un match de championnat. Il a fallu l'intervention de Slim Chiboub pour me calmer. Il faut dire que Faouzi Benzarti n'aime pas les joueurs cotistes. Et tout le monde le sait. Je vais vous raconter une histoire qui va vous surprendre. Lors de la finale de la Ligue des champions face à Ezzamalek, Faouzi Benzarti n'a pas titularisé l'attaquant Abdelkader Ben Hassen et il a fallu encore une fois l'intervention de Slim Chiboub pour rectifier le tir. Ce jour-là, Ben Hassen a été le meilleur joueur avec le regretté Hédi Berrekhissa. J'ai quitté l'EST en 1995». Après sa retraite footballistique, Lotfi Chihi s'est orienté vers le métier d'entraîneur. Après avoir eu son 2e degré, il a réussi son baptême du feu avec l'équipe de Ibn Khaldoun, avant de faire son retour avec les jeunes du COT. En 2006, il a repris les rênes de l'équipe seniors de football. «Avec un effectif assez jeune et ce après le départ de 80% de joueurs chevronnés, j'ai réussi à imposer ma vision de jeu avec des jeunes doués. Ce fut une saison exceptionnelle, surtout que nous avons réussi à éliminer l'US Monastir à Mellassine. Je n'oublierai jamais les paroles de Khaled Hosni lorsqu'il a dit à mes joueurs: amusez-vous. Vous n'avez rien à perdre. Ce fut une génération dorée du COT. Je n'oublierai pas un forfait pour blessure après notre qualification aux Jeux olympiques de Séoul. J'ai voulu y participer. Mais les dieux du stade n'ont pas voulu. La vie continue». Aujourd'hui, Lotfi Chihi travaille dans une banque et se contente de suivre le football à distance avec un intérêt particulier pour le COT, son club de toujours.