Au centre El Walid de l'Ariana, handicapés mentaux et autistes légers grandissent ensemble. 11h00, centre El Walid à Ariana, les enfants ont déjà commencé leur journée, depuis deux heures. Ateliers de poteries, peinture ou encore cours d'éveil, meublent leur quotidien. 175 élèves âgés de 3 à 30 ans se retrouvent tous les jours dans cette ancienne école, réaménagée en centre pour handicapés mentaux. Mahida Ben Debba, vice-présidente de l'Aphat, l'association des parents et amis des handicapés de Tunisie a pris l'initiative de créer ce centre en 2003, pour son fils Walid, handicapé mental : «On avait commencé à créer des classes spécialisées dans les écoles mais l'Etat ne nous a pas financés. Je me suis dit qu'il fallait que je fasse quelque chose pour mon fils». Parmi, une cinquantaine d'intervenants, douze éducateurs spécialisés veillent au bon fonctionnement des ateliers d'apprentissage. Aujourd'hui, en cours d'histoire, on regarde des photos de la médina de Tunis. Si les enfants ne peuvent comprendre réellement les leçons, l'objectif est avant tout de les sensibiliser et de stimuler leur créativité. « On sait bien qu'ils ne seront pas professeurs ou avocat, mais on essaye de les intégrer au mieux, et surtout de les rendre heureux » assure Mahida Ben Debba. Au deuxième étage de l'établissement, Mohamed, le professeur de musique attend que les élèves s'installent tranquillement. L'excitation est à son comble, et les enfants ont des difficultés à se concentrer, jusqu'au moment où retentissent les premières notes de musique. Chaque année, les élèves du centre El Walid se produisent en concert. Un grand événement pour Mahida Ben Debba: «C'est avant tout donner confiance à nos enfants, mais c'est aussi dire aux parents qu'ils peuvent être fiers d'eux et cela, malgré leur handicap». En effet, la musique provoque des effets presque miraculeux sur les personnes souffrant de handicap mental : « Il y a quelque chose de magique, certains enfants ne savent ni lire ni écrire, encore moins prononcer un mot. Et avec la chorale, ils arrivent non seulement à chanter mais aussi à apprendre les chansons par cœur, c'est impressionnant ! » s'émeut Imen Moussa, directrice du centre. Pour Walid, le fils de Mahiba, désormais en fauteuil roulant, c'est une révélation. Tous les deux chantent ensemble, Walid agite sa main encore valide pour battre la mesure, et sa mère l'accompagne dans cet échange musical. Un moment rare pour ces enfants qui peinent à communiquer avec le monde qui les entoure. Si certains ne peuvent sortir de leur univers, d'autres réussissent à s'intégrer doucement dans la société. Des ateliers d'insertion professionnelle permettent à quelques-uns d'obtenir un travail, notamment dans l'agriculture. D'autres réussissent chaque année à intégrer une classe dans une école dite « normale ». Et certains deviennent à leur tour éducateurs. C'est par exemple le cas de Nereida, ambassadrice des Olympiades d'Afrique du Nord et deuxième championne mondiale en Ping Pong dans sa catégorie qui donne désormais des cours de sport aux enfants du centre. Avec une capacité d'accueil de 150 personnes, le centre El Walid n'est plus assez grand. Mahiba Ben Debba espère, désormais, voir un centre pour handicapés et autistes de plus de 30 ans ouvrir, afin de solutionner une grande problématique à l'heure actuelle : « Deux de mes élèves ont perdu leurs parents, il y a quelques années, ils ont maintenant la trentaine, qui les prendra en charge ? ».