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«Appel à vaincre l'inertie des mécanismes de prévention»
Maltraitance subie par des enfants autistes — Entretien avec M. Hatem Kotrane, membre du Comité des Nations Unies des droits de l'enfant
Publié dans La Presse de Tunisie le 03 - 03 - 2018

Des personnes viennent d'être arrêtées dans l'affaire du centre pour enfants autistes d'El Menzah 7 dans le gouvernorat de l'Ariana ; elles sont passées aux aveux, reconnaissant avoir fait subir des violences à un groupe d'élèves. Comment expliquer qu'un tel événement se produise dans un centre spécialisé pour autistes ?
Cette affaire révèle, si besoin en était, la défaillance des mécanismes de prévention et de signalement des différentes formes de violence subies par les enfants, y compris les plus vulnérables d'entre eux. Ce sont, en effet, des journalistes qui ont lancé l'alerte en publiant volontairement une vidéo filmée en caméra cachée qui montre comment des membres du personnel de ce centre spécialisé pour les enfants autistes les traitent.
Les enseignants pratiqueraient également des punitions corporelles encore plus humiliantes, comme les douches glaciales ou brûlantes. Ils agissent en toute impunité : les enfants ne peuvent pas se plaindre à leurs parents, car ils ne réalisent pas que ce qu'on leur fait est anormal. Certains ont, par ailleurs, des problèmes de langage et ne pourront pas rapporter ce qui leur arrive. Cette vidéo n'est que la partie cachée de l'iceberg.
Certes, la Tunisie entière a été émue depuis la révélation, via les réseaux sociaux et les médias, de cette affaire. L'Etat lui-même a-t-il été amené à réagir, depuis le délégué général pour la protection de l'enfance, qui a annoncé qu'une enquête judiciaire était lancée à l'issue de laquelle l'avenir du centre sera fixé, en passant par le ministère public qui a ordonné la mise en détention des employées et leur directrice, et l'ouverture d'une information judiciaire pour torture, mauvais traitements infligés aux mineurs et violence contre les enfants, jusqu'à la présidence du gouvernement qui a décidé de solliciter une ordonnance du juge de la famille, pour soumettre tous les enfants autistes du centre de l'Ariana à un contrôle médical et psychologique, etc.
Mais force est de reconnaître que la violence subie par les enfants autistes est fréquente et régulière, mais peu visible et peu prise en compte. Cette violence concerne tant le milieu médical que scolaire, professionnel ou familial, et peut être physique ou verbale, en associant le handicap à une tare. En fait, les enfants autistes sont, comme beaucoup de personnes en situation de handicap, souvent victimes de crimes haineux, et nombre d'entre eux vivent dans un sentiment de peur : de façon générale, selon les spécialistes en sciences sociales, plus une personne est considérée comme étant «en situation de faiblesse», ou comme un cas «sévère», plus elle est vulnérable aux violences et à l'exclusion. La dépendance est un facteur aggravant, notamment s'il faut un accompagnement quotidien pour les gestes courants (repas, toilette...)*. La «lourdeur» du handicap peut ainsi être invoquée pour justifier tous types de violences. Les parents d'enfants autistes sont, eux aussi, confrontés à la violence dans l'annonce du diagnostic, les soins, la nécessité d'organiser leurs journées en l'absence de soutien du système scolaire et médico-social, et le jugement d'autrui sur leurs enfants.
Mais ce sont les violences dans les institutions d'accueil des enfants qui posent le plus de défis. Car, comme l'a, a juste titre, souligné l'Association tunisienne de défense des droits de l'enfant et son président Dr Moez Cherif, «l'abandon par l'Etat du secteur de la petite enfance aux investisseurs privés et l'atermoiement de tous les intervenants que ce soit au niveau du contrôle, du suivi et de la sanction, ont conduit à tous les dépassements régulièrement enregistrés dans ce domaine... Le manque de professionnalisme du personnel éducatif est flagrant et reconnu dans plus d'une déclaration officielle des responsables des ministères de tutelle (50% des éducateurs n'ont aucune formation spécifique)».
Lorsque les enfants autistes ont accès aux établissements scolaires, ils y sont souvent victimes de harcèlement et de mise à l'écart de la société, y compris par les camarades de classe, alors que tout cela pourrait être facilement évité grâce à une sensibilisation des élèves à ce qu'est l'autisme, permettant de diminuer significativement les situations de harcèlement et d'exclusion.
Où réside la responsabilité de l'Etat et des autorités publiques en matière de violence à l'égard des enfants autistes ? Le gouvernement mettra-t-il en place davantage de centres spécialisés et contrôlés ?
Il faut d'abord noter que les difficultés encourues par les enfants autistes ne sont pas propres à notre pays, qui n'est pas le seul en cause dans ce domaine. En France, par exemple, des associations, comme Vaincre l'autisme et SOS Autisme France, se sont illustrées dans les années 2000 et 2010 par des accusations de maltraitance délibérée dans les établissements de soins français. Les raisons de ces mauvais traitements sont multiples, mais plus particulièrement dues au manque de personnel et à l'inexpérience des aide-soignantes livrées à elles-mêmes.
Mais tout cela ne limite pas pour autant la responsabilité de l'Etat en Tunisie. En témoigne l'embarras qui s'est entouré de tous les responsables politiques et des autorités publiques de la protection de l'enfance dès la diffusion par vidéo de l'affaire du Centre de l'Ariana, qui est loin d'être une affaire isolée. Dès 2011, le Comité des droits des personnes handicapées avait attiré l'attention dans ses observations finales adoptées à l'issue de l'examen, les 12 et 13 avril 2011, du rapport initial de la Tunisie sur l'application de la Convention sur la protection des personnes handicapées, en jugeant «...particulièrement préoccupant le faible taux de signalement des cas de maltraitance habituelle d'enfants, y compris d'enfants handicapés, qui peuvent être en situation de danger...».
La sécurité sociale rembourse peu les frais médicaux pour les enfants souffrant d'autisme, comment l'Etat doit-il répondre à la prise en charge de l'enfant ?
Vous abordez là un des points essentiels de la question des droits des enfants autistes, voire des droits de l'enfant en général. Il convient de rappeler que l'enfant n'est, malheureusement, pas titulaire d'un droit direct à la sécurité sociale, mais en bénéficie par le truchement de ses parents, eux-mêmes liés à une certaine conception commutative de la sécurité sociale, fondée suivant la trilogie : travail, cotisation, prestation. De plus, les prestations assurées dans le système d'assurance maladie ne couvrent pas les frais de prise en charge médicale, sociale et éducative des enfants autistes. C'est tout ce système que j'ai appelé personnellement à reconsidérer depuis bien longtemps dans un ouvrage «La Tunisie et les droits de l'enfant : analyse de la situation et recommandations», publié par l'Unicef en 1991, où j'avais déjà appelé à reconnaître l'enfant en cette seule qualité comme un titulaire direct du droit à la sécurité sociale, conformément à l'article 26 de la Convention des droits de l'enfant. Je sais que la situation financière des caisses sociales est aujourd'hui difficile, mais notre pays gagnerait à reconnaître enfin la place de choix reconnue aux enfants dans son système d'organisation politique et sociale.
Les droits des enfants sont-ils suffisamment protégés en Tunisie ?
Il y a deux niveaux de protection. Le premier est celui de la protection sociale, telle qu'elle est définie par le Code de protection de l'enfant, adopté le 9 novembre 1995, et qui constitue, encore aujourd'hui, une référence historique de ce qu'un pays peut faire de mieux en matière de protection des droits de l'enfant, et ce, en mettant en place des mécanismes, comme les délégués à la protection de l'enfance, chargés d'intercéder auprès des familles ou de toute autre personne ou institution en charge de l'enfant, en vue de prévenir toute forme d'atteinte ou d'abus menaçant la sécurité et le développement de l'enfant. Le Code de protection de l'enfant a, en même temps, institué un devoir de signalement incombant à toute personne d'informer le délégué des formes de violence et autres manquements, tout en conférant à ce dernier des prérogatives précises lui permettant de procéder aux enquêtes et évaluations nécessaires et d'arrêter les mesures adéquates sous la forme d'accords concertés avec les parents et l'enfant concerné et, le cas échéant, sous forme de mesures d'urgence provisoires et appropriées, sous l'autorité et le contrôle du juge de la famille.
Le second niveau de protection, auquel votre question fait implicitement référence, est celui de la protection pénale de l'enfant, définie dans le Code pénal qui prévoit des peines aggravées chaque fois que la victime des différentes formes de violence est un enfant ou que les auteurs des infractions sont des ascendants de la victime, s'ils ont de quelque manière que ce soit autorité sur elle, ou si l'acte est commis par plusieurs personnes. Nombre de ces peines viennent d'être, à cet égard, réaménagées par la loi organique n°58-2017 du 11 août 2017 relative aux violences faites aux femmes.
Mais quel que soit le niveau de la protection, sociale ou pénale, le rôle de la loi reste tributaire des programmes de sensibilisation et de diffusion de la culture des droits de l'enfant. La Convention internationale des droits de l'enfant est elle-même, tout à la fois, un texte juridique contraignant pour les Etats et un outil pédagogique, engageant les Etats signataires «...à faire largement connaître les principes et les dispositions de la présente convention, par des moyens actifs et appropriés, aux adultes comme aux enfants».
Alors puisse cette malheureuse affaire qui a révélé la maltraitance subie par les enfants autistes susciter une prise de conscience générale, au niveau de l'Etat, des organisations de la société civile, des familles et des parents, et lancer un appel en vue de vaincre l'inertie des mécanismes de prévention de la violence à l'égard des enfants, pour que les droits de l'enfant retrouvent la priorité absolue dans nos programmes et nos comportements, et que les enfants, tous les enfants, notamment les plus vulnérables d'entre eux, puissent continuer à inscrire éternellement la Tunisie dans leur confiance !


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