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Pouvoir local : quelles règles d'allocations budgétaires ?
Entretien avec Moez Soussi, maître de conférences en Sciences économiques à l'Institut des Hautes études Commerciales de Carthage
Publié dans La Presse de Tunisie le 11 - 03 - 2018

Au cours de la période de transition démocratique, un large consensus s'est dégagé autour du besoin de réformes structurelles à engager afin de promouvoir une croissance inclusive qui devrait être réductrice des inégalités sociales et des disparités régionales. De son côté, la nouvelle Constitution tunisienne a accordé une importance particulière au pouvoir local afin de mettre en œuvre les réformes favorables à l'inclusion économique, financière et politique de l'ensemble des régions.
Que représente le schéma de développement en Tunisie ?
Le schéma de développement adopté en Tunisie a été basé sur une action étatique. Cette action a été relayée par des structures administratives régionales dotées, le plus souvent, de moyens matériels et humains limités. Il n'est donc pas étonnant que cette action ne soit pas efficace au niveau de l'offre de biens et services publics et au niveau de l'atténuation de l'exclusion d'importantes franges de la population. Cette exclusion s'est manifestée par des disparités régionales et une inégalité d'accès aux opportunités économiques. A titre d'exemple, selon l'Indice du développement régional (IDR), élaboré en 2015 et qui vient d'être actualisé en 2018 par l'Itceq, Sidi Bouzid, Siliana, Kairouan, Kasserine et Jendouba sont en queue de peloton. Il n'est donc pas étonnant que ces régions soient un foyer de tensions. Le classement par délégations montre l'ampleur du retard de développement.
A titre d'illustration, les gouvernorats de Jendouba (dernier au classement) et de Sidi Bouzid sont fort significatifs. Il est à remarquer que, dans l'ensemble, l'examen détaillé des différentes composantes de l'IDR montre que la dimension économique est la plus handicapante pour ces gouvernorats. Ces contraintes liées au climat des affaires se répercutent inévitablement sur la création d'emplois, la pauvreté et l'essor du secteur informel. A son tour, le problème du chômage qui s'est aggravé au cours de ces dernières années n'arrange pas les choses.
Quels sont donc les différents gouvernorats qui sont touchés par ce fléau de chômage?
De 2010 à 2017, le problème du chômage s'est ainsi aggravé. En effet, le taux du chômage global est passé respectivement de 13 à 15,3%. Les gouvernorats les plus touchés par ce problème sont Gafsa, Tataouine, Kasserine, Gabès, Jendouba et Tozeur enregistrant un taux de chômage moyen de 21% en 2010 et dépassant la moyenne nationale de 8 points de pourcentage.
En 2017, suite à l'aggravation du chômage, ces gouvernorats continuent à enregistrer les taux les plus élevés, soit en moyenne 24,6%. Notons aussi que le creusement de l'écart par rapport au taux de chômage global a atteint 9.4 points de pourcentage dans ces gouvernorats. Les gouvernorats les moins touchés sont l'Ariana, Nabeul, Sfax, Zaghouan et Monastir avec un taux de chômage moyen de 9% en 2017, soit un taux inférieur au taux global de 6,3 points de pourcentage. Il ressort que les gouvernorats les plus touchés se concentrent dans les régions du Nord-Ouest, du Centre-Ouest et du Sud. Le Grand-Tunis (à l'exception du gouvernorat de La Manouba), le Nord-Est et le Centre-Est sont, dans une moindre mesure, concernés par ce fléau.
Cette situation défavorable a-t-elle un impact sur les conditions de vie des citoyens?
Bien évidemment. Au plan global, les résultats d'une enquête réalisée révèlent que le taux de pauvreté qualifié de «sévère ou extrême» est estimé à 2,9% en 2015 contre 6% enregistrée en 2010 et 7,4% en 2005. Cependant, le taux de pauvreté varie considérablement selon les régions enregistrant des écarts qui se creusent à travers le temps, ce qui est inquiétant.
Ainsi, le taux de pauvreté a atteint 5,3% au Grand-Tunis en 2015 contre 34,9% à Kairouan, soit un écart de 30%. Le Centre-Ouest et le Nord-Ouest du pays affichent encore les taux de pauvreté les plus élevés, suivis par les régions du Sud. La région du Centre-Ouest affiche une baisse du taux de pauvreté à 30,8% en 2015 contre 42,3% en 2010, le Grand-Tunis passe à 5,3% contre 11,1% auparavant.
Quant à la pauvreté extrême, elle a baissé dans la région du Sud-Ouest de 7,7% à 2,6%. Les résultats par régions montrent que le taux de pauvreté se concentre particulièrement dans les régions de l'Ouest et certains gouvernorats du Sud, dépassant ainsi la moyenne nationale, à l'instar de ce qui se passe au Kef, Kasserine et Béja où la pauvreté atteint respectivement 34,2%, 32,8% et 32%. Les taux de pauvreté extrême varient aussi selon les gouvernorats.
Le problème est ainsi quasi-absent dans certains gouvernorats comme ceux du Grand-Tunis, Nabeul, Monastir et Sfax. Par contre, il est relativement important dans d'autres régions comme Kairouan, Siliana et Médenine où il atteint respectivement 10,3%, 8,8% et 4,7%. La précarité de l'emploi et le chômage élevé ainsi que la pauvreté font que le secteur informel occupe une place plus importante à l'intérieur du pays. Selon la Banque mondiale (2015), la moitié des emplois du secteur privé relèvent du secteur informel à l'intérieur du pays contre le tiers sur le littoral.
La décentralisation est-elle un épineux problème budgétaire ?
Point faible de la période pré-révolution, le pouvoir local a été distant des préoccupations des populations de l'intérieur du pays. Les citoyens marginalisés voyaient en les autorités locales un simple relais du pouvoir central appliquant des directives sans souci de redevabilité à l'égard des populations concernées.
La Constitution de janvier 2014 comble cette lacune et institue la décentralisation comme modalité pratique de mise en œuvre de la nouvelle politique économique. Ce changement radical du mode de gouvernance pose évidemment le problème de son implémentation. Le principe de décentralisation et la nouvelle cartographie y afférents posent effectivement l'épineux problème de l'affection des ressources budgétaires et le financement des projets de développement.
A l'heure actuelle, la répartition régionale du budget de l'Etat est déséquilibrée, alors que la région du Grand-Tunis (les quatre gouvernorats) bénéficie du tiers du budget, les gouvernorats de Tataouine, Tozeur, Kébili et Sidi Bouzid n'accaparent ensemble que 4,6%. Par ailleurs, les budgets municipaux sont modestes en Tunisie comparativement à certains pays. Cette faiblesse s'explique par le peu de tâches assignées aux collectivités locales.
Le gouvernement doit-il adopter des règles de répartition budgétaire régionale ou agir de manière discrétionnaire ?
En supposant que le gouvernement opte pour une règle de répartition, celle-ci doit être annoncée à l'avance et le gouvernement doit la respecter quel que soit le choc qui touchera l'économie nationale. L'adoption d'une règle, bien que contraignante car liant les mains du décideur politique, a le mérite de bien ancrer les anticipations et les actions des agents au niveau des régions.
Au contraire, l'allocation discrétionnaire du budget accorde la flexibilité nécessaire pour les ajustements face aux chocs de diverses natures, mais risque d'exacerber les préférences régionales. Dans tous les cas de figure (règles ou discrétion), le gouvernement ne peut pas rester passif même s'il est difficile, en pratique, d'élaborer une règle optimale compte tenu de la multiplicité des contraintes (économiques, politiques, sociales...). La définition de la règle est, cependant, soumise à des arbitrages et implique inévitablement une part de discrétion.
Malgré les difficultés, certaines options, dans une logique de développement local décentralisé, sont envisageables. Sans chercher l'exhaustivité, nous proposons une variété de règles qui répond aux objectifs de la Constitution.
La règle «démocratique» est-elle une allocation budgétaire démocratique ?
La règle «démocratique» impliquant une allocation budgétaire démocratique suppose que tous les individus sont égaux dans la mesure où ils ont droit aux mêmes opportunités de développement. Autrement dit, l'Etat devrait consacrer la même somme pour chaque citoyen quelle que soit sa région d'appartenance. Selon cette règle, chaque citoyen bénéficierait d'un budget de 2.857 DT en 2017.
Cette règle se caractérise par son équité mais pas nécessairement par son efficacité économique puisqu'elle ne prend pas en considération les inégalités régionales qu'elle est censée corriger. La règle démocratique est, cependant, utile car elle pourrait ne concerner qu'une part du budget général de l'Etat soucieux de garantir la justice sociale. De notre point de vue, la règle « démocratique », la règle du «budget discrétionnaire» et la règle de rattrapage dite de discrimination positive devraient être complémentaires.
Quelles sont les solutions proposées ?
De notre point de vue, la solution proposée respecte le nivellement par le haut dans la mesure où les gouvernorats favorisés gardent leurs positions et continueront à recevoir les mêmes allocations budgétaires locales. Les gouvernorats défavorisés auront une injection budgétaire supplémentaire leur permettant d'atteindre la moyenne de 2017.
Selon nos calculs, l'enveloppe supplémentaire à prévoir est de 277,7 millions de dinars, ce qui représente 17,4% de l'ensemble du budget local et 0,85% du budget global de l'Etat. Pour les gouvernorats concernés, le pourcentage d'augmentation du budget local à programmer tient compte de l'affectation des ressources de 2017. Les augmentations les plus faibles sont celles de Gafsa et Sfax, soit respectivement de 0,2 et de 3%, alors que pour Sidi Bouzid, Mahdia et Béja les ajustements sont très importants.
Les extensions des budgets locaux peuvent être programmées progressivement. A titre d'exemple, des extensions dans les budgets locaux de Sidi Bouzid et de Mahdia de respectivement 84,5 et 65% devraient suivre un rythme progressif qui respecte les capacités d'exécution et de réalisation. La Constitution tunisienne de 2014 aspire à un développement économique en phase avec les objectifs de la révolution. Le pouvoir local permet d'atteindre ces objectifs. Pour y parvenir, il est recommandé de disposer au niveau budgétaire d'une formule d'affectation entre les régions. A notre sens, la règle d'allocation budgétaire entre les régions devrait être une moyenne pondérée du budget démocratique, du budget discrétionnaire et du budget de rattrapage.


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