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«Une recherche orientée s'impose»
Entretien avec M. Khalil Amiri, Secrétaire d'état à la Recherche Scientifique
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 03 - 2018

La Tunisie est bien positionnée en matière de production scientifique, mais l'impact est insuffisant sur le développement économique. Les politiques de science et de technologie de l'innovation ne sont pas suffisamment alignées sur la stratégie de croissance. Il faut travailler davantage sur la valorisation, la gestion de la propriété intellectuelle, la recherche collaborative, la qualité de la formation doctorale, l'infrastructure immatérielle, la recherche en politiques de l'innovation, ainsi que la création de consortiums de recherche dans les domaines prioritaires et de centres d'excellence. M. Khalil Amiri, secrétaire d'Etat à la Recherche scientifique, a bien voulu nous éclairer sur ces différents points.
Le chemin de la réforme de l'enseignement supérieur a longtemps été ponctué par des ruptures en raison de certaines divergences et tarde à se concrétiser malgré l'impératif d'un grand changement à ce niveau à même de redorer le blason de ce secteur. Où en sommes-nous aujourd'hui de cette réforme et quelles sont ses grandes lignes ?
La réforme implique la participation des différents acteurs principaux, professeurs, étudiants, directeurs, représentants du ministère mais aussi du milieu socioéconomique, les futurs employeurs, la partie syndicale. L'approche de la réforme a commencé dès 2012. Plusieurs travaux de commissions et plusieurs concertations ont eu lieu; toutefois, le rythme de ces travaux a été en quelque sorte impacté par le contexte général du pays. Mais on peut dire qu'aujourd'hui on a pu passer ce cap avec l'identification des éléments de sortie lors du dernier colloque organisé à Hammamet autour des assises nationales de mise en œuvre de la réforme de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique.
Lors des assises de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, les participants ont approuvé 40 actes répartis sur quatre axes : pédagogie et formation, recherche scientifique et innovation, gouvernance, et vie estudiantine.
Pour enrichir la concertation et promouvoir une plus grande appropriation des réformes, nous sommes convenus lors du conseil des universités de février dernier d'élargir la concertation à tous les établissements de l'enseignement supérieur, et ce, concernant la concrétisation des actes des assises, en commençant par la réforme LMD et les statuts du corps enseignant (axe pédagogie et formation).
On est appelé aujourd'hui à persévérer dans cette approche participative et continuer les concertations en vue de concrétiser les réformes nécessaires. On s'est déjà mis d'accord sur les grands axes pour mieux avancer. Cela nécessite toutefois plus d'efforts de la part de toutes les parties prenantes pour éliminer les divergences. Ce qui est important, c'est la reprise des concertations autour de cette réforme avec la communauté et les syndicats.
Et pour le système LMD et la réforme des statuts des enseignants-chercheurs ?
La réforme LMD sera bientôt soumise à la communauté pour une concertation plus élargie sur les spécificités de la mise en œuvre des recommandations des assises, visant principalement à ouvrir la possibilité d'une formation de quatre ans pour les spécialités qui exigent un contenu trop riche, de créer des passerelles entre le master professionnel et le master de recherche, de promouvoir la démarche qualité à travers l'approche accréditation notamment par la rédaction formelle des «objectifs d'apprentissage» pour chaque module et pour l'intégralité du cursus, l'unification de la licence appliquée et la licence fondamentale, et de favoriser à la fin les filières élaborées selon l'approche de co-construction avec le milieu socioéconomique.
Il faut reconnaître qu'on a eu une transition vers ce système avec un coût énorme sur le plan organisationnel. L'idée ne consiste pas à rejeter en bloc le système LMD qui présente des côtés positifs. Il s'agit plutôt de le corriger. Pour certaines disciplines, trois années d'études supérieures après le bac ne sont plus suffisantes pour assurer la formation qu'il faut pour l'étudiant, d'où l'idée de rajouter une année d'étude, selon les disciplines.
La réforme des statuts des enseignants-chercheurs sera aussi soumise bientôt à une large concertation auprès des établissements et des syndicats. Les principales recommandations sont d'unifier et de simplifier les statuts, d'éliminer la distinction entre corps A et corps B, de s'aligner sur les meilleures pratiques internationales, et d'inciter le corps enseignant à la production scientifique et à l'excellence tout au long de leurs carrières.
Les cours doivent être rattachés à des objectifs d'apprentissage et de compétences qui sont devenus incontournables dans l'enseignement supérieur dans les pays développés. On parle ici du système des «learning outcomes», exigé par les normes internationales d'accréditation. Cela est de nature à rehausser le niveau de l'étudiant qui pourra ainsi atteindre les compétences requises.
La première note de cadrage dans le cadre de la réforme sera bientôt envoyée à tous les acteurs et concernera le système LMD ainsi que le statut de base des professeurs universitaires qui constitue un point très important. Le nouveau statut comportera certaines incitations et encouragements à aller de l'avant dans le domaine de la recherche scientifique. Il est à signaler qu'on va élargir encore plus les concertations dans le cadre général de la réforme afin de mieux concrétiser cette approche participative.
Comment se présente aujourd'hui le secteur de la recherche scientifique ?
En termes de recherche scientifique, la Tunisie est bien positionnée. Elle se classe au 60e rang mondial en termes de publications scientifiques et se retrouve en première position en Afrique en termes de publications scientifiques rapportées au PIB ou à la population. La Tunisie se classe 43e dans l'indice Bloomberg Innovation devant la Serbie, l'Ukraine, l'Afrique du Sud, l'Iran et le Maroc, 40e en capital humain (nombre de chercheurs par habitants – 5,5 chercheurs par 1.000 actifs occupés contre 8 pour l'UE et les pays de l'Ocde).
Notre pays dispose aussi d'une assise industrielle importante et est capable de monter en valeur ajoutée. Selon l'indice Bloomberg Innovation, la Tunisie se classe au 41e rang en termes de valeur ajoutée manufacturière en meilleure position que l'Australie (46e) ou Hong Kong (50e).
Pour résumer, notre pays est bien positionné en matière de production scientifique et en compétences hautement qualifiées. Par contre, l'impact de la recherche sur le développement du pays reste jusqu'à ce jour en deçà des attentes et du possible.
Ces excellentes performances ont valu à notre pays le privilège, unique en Afrique et dans le monde arabe, de devenir pays associé au programme européen de recherche et innovation, Horizon 2020. Le système national de recherche scientifique et d'innovation (Snri) compte actuellement plus de 20.000 chercheurs exerçant en Tunisie en plus de milliers de compétences qui résident à l'étranger. Les programmes de recherche, caractérisés par une grande diversité et richesse thématique, sont conduits dans un grand nombre de laboratoires, unités et centres de recherche ayant pour la plupart une envergure régionale et pour certains une réputation internationale.
Quelles sont les priorités pour la recherche scientifique en Tunisie ?
La qualité de la recherche dépend surtout de la qualité de la formation de base. Il faut penser aujourd'hui tout d'abord à la formation et à enregistrer une grande avancée sur le plan de la qualité de l'enseignement, avec l'appui de l'Instance nationale de l'évaluation, de l'assurance qualité et de l'accréditation (Ieaqa), créée dans la loi de 2008 et qui est chargée de l'évaluation et de l'accréditation des établissements de l'enseignement supérieur et de la recherche et des programmes et des parcours de formation. Il faut tirer tout le système vers le haut en se mesurant aux meilleures pratiques à l'échelle internationale en termes d'accréditations.
Ce ne sont pas les compétences qui manquent en Tunisie. L'idée est d'accréditer l‘Ieaqa pour assurer un accompagnement adéquat pour les universités tunisiennes et amortir les coûts très élevés de l'accréditation internationale. Il faut donc renforcer les capacités de cette instance, la doter de l'autonomie qui est une condition sine qua non pour obtenir le label international.
Malgré la fuite des cerveaux, on a 22 mille enseignants pour 242 mille étudiants. Le nombre de ceux qui optent pour le travail à l'extérieur de la Tunisie dans le cadre de la coopération technique est en net recul durant les trois dernières années. Selon les statistiques de l'Atct d'octobre 2017, le nombre des universitaires à l'étranger est de 1.464 (Professeurs : 136, Maîtres de conférence : 165, Autres : 1.163). Le nombre d'universitaires qui sont partis lors de l'année universitaire 2014/2015 est estimé à 393. Ce nombre a baissé à 162 pour l'année universitaire 2017/2018.
Comment faire justement pour retenir nos chercheurs ?
La solution réside dans l'amélioration de l'écosystème de l'enseignement supérieur pour freiner cette vague de migration à l'extérieur. Notre pays est appelé à mettre en œuvre un nouveau modèle de développement pour bénéficier de ses compétences et de cette jeunesse hautement qualifiée. Elle doit intégrer davantage d'innovation et tirer profit de sa population à prédominance jeune et de ses ressources humaines hautement qualifiées pour permettre à l'économie tunisienne de se positionner dans des activités à forte valeur ajoutée à même de garantir un niveau de vie comparable aux pays développés.
Cela implique une participation du système national de recherche scientifique et d'innovation (Snri) qui constitue la pierre angulaire de l'économie du savoir et une plateforme pour la génération de produits et de services innovants.
La réussite du pays dans sa transition vers une économie du savoir dépend de sa capacité de retenir ses ressources humaines hautement qualifiées. La solution est d'améliorer les conditions de travail et d'élargir les champs d'opportunités. Nous y travaillons, mais il faut rappeler, en outre, que la mobilité à l'international rapporte des avantages également (expériences, transfert technologique, et réseaux) et notre diaspora participe à plusieurs initiatives de réforme et projets de recherche, quand ils sont à l'étranger et après leur retour. Pour nous, la mobilité rapporte des avantages mais les taux de départ doivent rester dans les normes acceptables pour ne pas vider le pays de son principal atout pour l'essor économique.
Pour retenir les chercheurs tunisiens et promouvoir leurs taux d'intégration dans l'économie nationale, nous sommes appelés à réduire l'écart entre le monde de la recherche et celui de l'industrie, à dynamiser le transfert technologique et à renforcer la recherche collaborative université-entreprise, et d'une manière générale nous sommes appelés à aligner les politiques et les capacités en STI (science, technologie, et innovation) à la stratégie de croissance du pays soit aux meilleures opportunités de création de valeur. Ces impératifs sont également au cœur de la nouvelle stratégie de la recherche scientifique
Le système national de la recherche et de l'innovation contribue-t-il aujourd'hui au développement économique du pays ?
Malgré l'importance des activités de la recherche, la qualité des publications et l'importance des ressources humaines impliquées, le Snri ne contribue pas suffisamment au développement économique du pays en raison de plusieurs facteurs. Le système a été toujours axé sur la formation des professeurs pour l'université. On forme des doctorants pour rester dans la sphère de l'université sans s'ouvrir sur l'industrie et le milieu socioéconomique. Il nous faut aujourd'hui une recherche orientée vers le développement et non la formation. Il y a un gap énorme entre le Snri et le monde socioéconomique.
Au niveau du ministère, on a travaillé sur une nouvelle mission du Snri qui consiste à focaliser ses capacités sur le développement du pays dans toutes ses dimensions sans négliger le rôle important de la recherche scientifique dans la promotion de la qualité des programmes d'enseignement supérieur et dans la stimulation de l'excellence scientifique valorisée par le classement international de nos universités.
Une nouvelle vision et des projets porteurs d'espoir pour le secteur ?
Le plan stratégique 2017-2022, porte une nouvelle vision. Celle de faire de la Tunisie un centre régional d'excellence en recherche et innovation, pour promouvoir le développement et surtout améliorer la qualité de vie des citoyens, en contribuant à la mise en œuvre de cinq objectifs principaux, à savoir d'excellentes universités, des entreprises innovantes et pionnières, des services publics modernes, des régions innovantes et prospères, et enfin une société libre, démocratique et sécurisée.
Parmi les initiatives de ce plan, figure l'identification des priorités nationales pour le Snri. Et c'est justement dans ce cadre qu'on a migré pour l'année en cours vers un système de financement de projets et de programmes et non pas de structures ainsi qu'un système de financement compétitif sur appel à projets lié aux priorités (eau-énergie-alimentation, TIC, santé et biopharmaceutique, environnement, gouvernance et décentralisation, projet sociétal). On a ainsi abouti à un système de financement de projet lié aux priorités nationales. Notre but étant de consolider les capacités vers les opportunités de création de valeur.
On va lancer un appel pour la création d'un consortium de recherche qui regroupe les unités et les laboratoires de recherche ainsi que les acteurs socioéconomiques en vue de consolider les capacités autour des priorités.
Dans la même visée, on va dynamiser le Snri et mobiliser les ressources humaines qui sont éparpillées. Un programme pour les jeunes maîtres assistants, qui sont au début de leurs carrières, a été mis en place pour travailler sur les priorités nationales. Une prime à la recherche scientifique a été décidée pour inciter à la recherche. On a aussi pensé à intégrer la diaspora. Les compétences tunisiennes basées à l'étranger comptent beaucoup pour le pays et vont être invitées à prendre part aux prochaines activités qui seront organisées sous la tutelle du ministère, dont une conférence sur l'espace et une task force sur l'intelligence artificielle.
Quelles sont les nouvelles structures appelées à appuyer cette démarche innovatrice pour booster la recherche scientifique ?
Au niveau de la stratégie nationale et compte tenu de l'absence de coordination et de cohérence entre les différentes structures travaillant sur la recherche scientifique et qui relèvent de certains ministères, nous œuvrons à mettre sur pied une haute instance pour la recherche et l'innovation qui englobe un conseil stratégique comme c'est le cas pour la Corée du Sud et le Japon. Cette instance fixera les grandes orientations, les priorités et les opportunités de croissance économique et constituera un facteur qui jouera un rôle prépondérant sur le plan de la science, la technologie et l'innovation. Nous allons doter cette instance de mécanismes d'appui pour mieux avancer et concrétiser les buts tracés.
Nous allons aussi, en plus de la migration vers le financement des projets et des programmes, renforcer les capacités de management de la qualité, appuyer les systèmes de recherche et des instituions sur le plan de la gestion humaine et la gestion de la propriété intellectuelle, la sécurité du transfert technologique de manière que ces centres soient gérés selon les normes internationales. Et là je rappelle qu'on est en train de travailler sur le cadre éthique en raison des problèmes signalés concernant le plagiat des recherches. Aussi, les journées de dynamisation de la recherche, qu'organisera cette année l'Agence nationale de la promotion de la recherche scientifique relevant du ministère de l'Enseignement supérieur, seront consacrées au thème de l'éthique.
On a une déficience au niveau du transfert de la technologie qui interpelle des compétences dans la gestion de la propriété intellectuelle. On a déjà organisé un atelier avec l'Ompi sur la rédaction de brevets mais nous travaillons pour mettre en œuvre, avec le concours de partenaires étrangers, un projet ambitieux visant la création d'une académie des métiers des sciences et technologies de l'innovation (STI) non seulement pour la Tunisie mais aussi pour toute l'Afrique.
Quelle stratégie pour rapprocher encore plus la recherche du monde socioéconomique ?
On a, en Tunisie, investi dans les capacités de la recherche thématique fondamentale technologique mais pas dans l'infrastructure immatérielle en matière de politique.
Pour établir des ponts entre le Snri et le monde socioéconomique, des programmes stratégiques sont prévus afin de soutenir financièrement le doctorant dans sa recherche au sein des entreprises. Cette mobilité va créer un lien entre les deux parties et va créer une hausse de la valeur ajoutée pour l'entreprise en question. Un autre projet collaboratif a aussi été mis en place visant à améliorer la mobilité des jeunes doctorants vers les entreprises et valoriser leurs résultats de recherche développés au sein et autour des technopôles.
Il faut créer cette dynamique du passage de la recherche à la recherche appliquée à l'innovation technologique, cela contribuera indubitablement à garder nos compétences en Tunisie. Il faut orienter la recherche vers les opportunités de croissance dont, à titre d'exemple, l'intelligence artificielle qui touche à la santé, la finance, l'industrie, l'analyse des données et bien d'autres secteurs.
Pendant des décennies, l'accent a été surtout mis sur la formation des enseignants pour répondre aux besoins croissants en formateurs qualifiés dans les établissements d'enseignement supérieur. Toutefois, nous constatons aujourd'hui que le nombre d'étudiants ne cesse de baisser pour d'évidentes raisons démographiques et sociétales et que nous sommes dans le besoin et la possibilité d'orienter le Snri vers davantage d'impact dans le développement du pays, le transfert de technologie et l'impact sociétal.
On parle de plus en plus du secteur de l'intelligence artificielle dans le domaine de la recherche scientifique dans les pays développés, qu'en est-il pour notre pays ?
Sur le plan de la gouvernance publique, on a pensé à une stratégie cohérente en termes d'intelligence artificielle (IA) pour bien exploiter le potentiel important dont jouit la Tunisie sur le plan de la recherche scientifique en relation avec les mathématiques appliquées et on a travaillé pour la première fois sur un projet de recherche fédéré (PRF) avec la mise en place d'une task force nationale regroupant les responsables de la formation, le système recherche et innovation, des ministères de la Technologie et de l'Industrie, ainsi que les startappeurs et les investisseurs, en vue d'élaborer une stratégie visant à développer ce secteur important et faire de notre pays un acteur majeur de l'intelligence artificielle.
On considère que le système actuel de la recherche scientifique n'appuie pas suffisamment l'Etat dans l'élaboration des politiques. Ainsi les chercheurs tunisiens se mettront, de par les nouvelles mesures et actions entreprises, à la disposition d'une meilleure qualité de politiques publiques.
En outre, plusieurs avancées ont été accomplies au niveau des recherches scientifiques liées au secteur de la santé et les médicaments biologiques grâce aux compétences tunisiennes dans ces domaines comme en témoigne le technopôle de Sidi Thabet. Il nous manque toutefois des plates-formes technologiques pour permettre aux startappeurs aux centres de recherches de monter en échelle en termes de production.
Actuellement, nous œuvrons pour la création d'une plateforme technologique à Sidi Thabet avec un coût de 30 MDT pour la fabrication des vaccins et des médicaments biopharmaceutiques.
Le développement du secteur biopharmaceutique est très important pour notre pays qui espère consolider son statut de pôle de tourisme médical, ce qui est de nature à favoriser la croissance économique et l'employabilité.
Le message-clé à transmettre est que la Tunisie est bien positionnée en matière de production scientifique mais l'impact est insuffisant sur le développement. Les politiques de science et de technologie de l'innovation ne sont pas suffisamment alignées sur la stratégie de croissance. Il faut travailler davantage sur les gaps en termes de valorisation, de gestion de la propriété intellectuelle, de recherche collaborative, d'infrastructure matérielle, de recherche de politiques de l'innovation, de création de consortiums de recherche dans des domaines prioritaires et de centres d'excellence.
La recherche scientifique à la conquête de l'espace ?
On vit aujourd'hui dans l'ère de la démocratisation de l'espace. Le coût des satellites à basse altitude a nettement diminué. On parle de plus en plus de nano-satellites. Notre pays est appelé à profiter de cette occasion d'autant plus qu'on est bien positionné en termes de compétences électroniques, informatiques. L'observation de la Terre est très importante pour le secteur de l'agriculture, le développement durable, les changements climatiques, la gestion des niveaux d'eau des barrages, le suivi des régions à risques d'inondation, la surveillance des cultures, le contrôle des surfaces et de l'occupation des sols, la désertification, la planification urbaine et environnementale, la navigation, le transport, sans oublier le volet sécuritaire ayant trait au contrôle des frontières par exemple.
On a dans ce contexte programmé l'organisation d'une conférence qui sera tenue les 22 et 23 mars 2018 à Tunis et à laquelle sont invitées toutes les parties prenantes pour créer plus d'opportunités pour notre pays en vue de développer toute une chaîne de valeur dans ce domaine. L'Académie chinoise de technologie spatiale sera représentée par une importante délégation dans cette conférence, en plus de représentants de l'European space Agency, l'Italian Space Agency, et le Cnes France. C'est une occasion importante pour parler des opportunités émergeantes de coopération avec la Tunisie. On projette le lancement d'un nano-satellite conçu pour la recherche dans les prochaines années à venir. Un nouveau centre de formation sur le système chinois de géolocalisation par satellite «Beidou» sera inauguré à El Ghazala à la fin de ce mois.
Le défi à relever pour la recherche scientifique en Tunisie ?
Tout d'abord, et pour récapituler un peu, on travaille sur le bio-pharma, l'intelligence artificielle et l'espace, sur la qualité de formation pendant le doctorat, la création d'espaces d'innovation dans les universités et d'opportunités de financement. Le budget pour les projets de recherche a connu une augmentation de 33% pour cette année. On est passé de 49MD à 65MD. Toutefois ce financement demeure toujours en deçà des attentes.
On peut à la fin parler aussi de success stories. On a trois journaux scientifiques internationaux lancés par des équipes et des sociétés tunisiennes au cours de la période 2016-2018, à savoir Euro-Mediterranean Journal for Environmental Integration, édité par Springer (Equipe à l'université de Sfax), Chemistry Africa, édité par Springer, Journal international de la Tunisian Chemical Society, et Tunisian Journal of Mathematics.
La Tunisie a énormément investi dans le secteur de l'éducation, et dans les capacités en termes de recherche et d'innovation. Il existe aujourd'hui une opportunité pour notre pays de capitaliser ces investissements et ces capacités pour promouvoir la croissance économique. Le défi c'est d'accélérer le rythme des réformes et d'élaborer les politiques et les moyens pour concrétiser ces stratégies et mieux avancer afin de créer cette synergie entre les capacités et les opportunités.


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