Une meilleure gouvernance est synonyme de complémentarité des rôles entre l'Etat et les collectivités locales L'étude sur la déconcentration en Tunisie, pilotée et finalisée par la GIZ, a donné matière à réflexion sur les nouveaux « rapports entre l'Etat et les collectivités locales dans un système décentralisé ». Cette thématique a suscité, hier à Gammarth, un débat interactif sur les assises institutionnelles et juridiques d'un tel choix démocratique qui a pour socle le 7e chapitre de la Constitution relatif au pouvoir local. En conclave jusqu'à aujourd'hui, un parterre de ministres, d'éminents experts et d'acteurs de la société civile, venus de tous bords, a remis la question sur le tapis, où les divergences d'idées et les discours croisés ont pu aider à présenter une certaine note conceptuelle sur le mode d'autogestion de la cité, dans un nouvel Etat, plutôt, unitaire. Cette conférence internationale de deux jours, organisée par la présidence du gouvernement, le ministère de l'Intérieur, avec l'appui de la GIZ, intervient à quelques semaines des municipales du 6 mai 2018, pour faire le point sur les principales articulations entre décentralisation et déconcentration : deux préalables au pouvoir local et à la planification des futures régions. Toutefois, cette dualité dans la prise de décision ne semble pas aller de soi. Car, toute transition de l'Etat-providence, voire autoritaire, à l'autonomie de la région n'est guère une sinécure. Chassez le naturel, il revient au galop, pour ainsi dire. A moins que tout se passe dans une démarche réformiste progressive, prenant en considération les défis et les enjeux de l'étape, en l'occurrence la gouvernance administrative locale, le transfert des compétences et l'amélioration des services rendus aux citoyens. « En ce sens, on ne doit pas craindre les réformes qu'il faudrait engager », livre, au terme de son allocution d'ouverture, le ministre des Affaires locales et de l'Environnement, M. Riadh Mouakher. Et d'ajouter, « je voudrais, dire, au moment où le débat parlementaire sur le Code des collectivités locales (CCL) bat son plein — devant être examiné aujourd'hui article par article, en plénière à l'ARP — que le processus de décentralisation est une stratégie globale qui permet aux communes et conseils municipaux d'assumer leurs tâches, l'Etat mettra tout à leur disposition». Ces considérations à tenir en compte Pour lui, la décentralisation n'est pas une finalité en soi. Mais une manière de gérer autrement la cité, le capital humain est la clé de voûte de tout développement. « Malheureusement, le taux d'encadrement dans les municipalités demeure encore faible, ne dépassant pas 10%. Ce chiffre sera porté, dans trois ans, à 15%, puis à 21% d'ici six ans », annonce-t-il. Sans pour autant négliger l'apport des moyens financiers à fournir aux collectivités locales, actuellement à hauteur de 4% au titre du budget annuel de l'Etat. En perspective, ce pourcentage va doubler pour atteindre 10%. Ce transfert sera effectué sur la base de plusieurs facteurs dont la discrimination positive. De son côté, l'ambassadeur d'Allemagne en Tunisie a tenu à mettre à contribution l'expérience de son pays. Il n'est nullement question, précise-t-il, de la copier, car à chacun ses spécificités, mais d'en tirer profit. Et l'ambassadeur d'insister sur quelques réflexions : le rôle des municipalités tout en préservant l'unité de l'Etat, la déconcentration et la décentralisation comme préalable à l'autorité communale, contrôle de l'Etat a posteriori par des instances publiques (Cour des comptes, les tribunaux déjà en cours d'être établis), l'approche participative dans la prise de décision, la transparence et la lutte anti-corruption. En fin d'intervention, il a promis que l'appui du gouvernement allemand à l'expérience tunisienne se poursuit, en guise d'accompagnement, d'assistance technique, d'appui financier et de création des petits projets au profit des localités. Place aux questionnements Dans son sillage, le directeur de la GIZ en Tunisie n'a pas manqué de faire part de sa volonté d'être aux côtés de la Tunisie dans sa transition vers la décentralisation. Cela incarne le sens de la démocratie participative, l'équité et la justice sociale. Autant de valeurs vers lesquelles convergent tous les efforts, la GIZ y mettra du sien. Une meilleure gouvernance, juge-t-il, est synonyme de complémentarité des rôles entre l'Etat et les collectivités locales. Comment faire de la décentralisation à la tunisienne un vrai succès ? Voilà, en fait, en quoi consiste l'ultime objectif de tout ce changement à la fois administratif et territorial. Paroles données, ensuite, aux participants. Le premier panel a été dédié aux regards croisés sur les articulations entre l'Etat et les collectivités locales, à la lumière du pouvoir décentralisé, évoquant le cadre juridique et réglementaire y afférent. L'ancien ministre des Finances, M. Hassine Dimassi, s'est dit inquiet sur l'aspect économique de la décentralisation. Il s'est ainsi exprimé en 10 questionnements portant notamment sur l'instauration des conseils régionaux dans un nouveau contexte à grandes sensibilités tribales. Mme Lamia Zribi, également ex-ministre des Finances, a fait valoir le côté visibilité, chose jusque-là confuse dans l'action communale. Elle s'est s'interrogée sur les rôles des différents acteurs intervenants. Quel devrait être le rôle du gouverneur, de l'acteur régional ? Qu'en est-il de la planification? Surtout, juge-t-elle, que les 13 plans de développement passés ont été défaillants au niveau de leur exécution. Comment percevoir la décentralisation ? D'après elle, elle est superficielle, il n'y a, d'ailleurs, aucune visibilité sur la planification, de même pour l'intégration des régions. Les travaux de la conférence se poursuivront, aujourd'hui, avec pour objet les orientations et les choix opérationnels afin que la déconcentration soit au service de la décentralisation.