Récemment, à la Cité de la culture, on rendait hommage à Hédi Selmi, le premier sculpteur tunisien. Un hommage qui n'eut peut-être pas l'impact qu'il méritait, ni l'audience qu'il requérait. Hédi Selmi fut un géant dans son art. Les absents à cette manifestation qui, on le sait, ont toujours tort, l'ont probablement oublié. A nous revient la tâche de le leur rappeler. S'il avait fallu, avant qu'il le fasse lui-même, choisir pour Hédi Selmi une forme de discipline artistique, on aurait choisi sans hésiter une seconde la sculpture. Il avait, pour cela, l'approche sereine et mesurée, la façon massive de se colleter avec la vie, le regard qui soupèse, la main qui équilibre. Autrement dit, Hédi Selmi était né pour être sculpteur. A qui l'a connu dans son atelier de Sidi Mahrez, dans ce minuscule patio à ciel ouvert encombré de structures de métal, où se pressaient ses amis, dans une joviale et chaleureuse proximité, le doute n'avait jamais été permis. Sculpteur, Hédi Selmi l'a été totalement et sans partage. Sous son air faussement naïf, le sourire en coin et la fossette candide ne trompait pas son monde. L'œil frisait, pétillant d'humour et d'ironie, mais aussi de la tranquille assurance de celui qui a fait son choix. Car sa rencontre avec la matière a été totale et définitive, sans jamais aucune remise en question. Quarante années durant, son nom se confond avec l'histoire de la sculpture en Tunisie. Il a présidé a sa naissance, a développé sa pratique, a fait école, et en a porté les couleurs aux confins du monde Hédi Selmi est né en 1934. En 1954 il obtient le diplôme de l'école des beaux-arts avec un prix de dessin et de sculpture qui lui offre une bourse de voyage En 1964, il part à Paris pour un séjour de quatre années à la cité internationale des arts; en 1974 il en est à sa quatrième exposition personnelle, et cumule prix, hommages, commandes de prestige et participation à différentes manifestations internationales. Ses œuvres sont à Séoul, à Paris, à Alexandrie. En 1994, le ministère de la culture lui offre une superbe rétrospective. De lui, Ali Louati, un de ceux qui ont le mieux analysé son œuvre, écrit : «La carrière de Selmi reflète son souci d'expérimenter diverses techniques : modelage, taille directe, soudure du métal, et différents matériaux : pierre, marbre, bois, bronze, acier. Sur le plan des styles, il embrassait un éventail assez large de choix esthétiques : manière figurative pour la statuaire des monuments officiels, et formes stylisées, d'une expression plus elliptique, voire abstraite qu'il empruntait aux moments successifs de l'évolution de la sculpture au 20ème siècle. L'œuvre de Selmi couvre également une gamme étendue d'inspirations et de thèmes : dramatisation romantique, ascèse et dépouillement contemplatif, fascination pour la modernité ou au contraire dénonciation des menaces que fait peser l'ère technologique sur l'humanité». Difficile de dire plus sinon que Hédi Selmi a été un baliseur de routes, une défricheur de voies artistiques. Accompagnant le pays jeune dans sa création, il participa à la tâche exaltante à l'époque, de lui donner une identité visuelle, et une image concrète à ses symboles. Tailleur de pierre, couleur de bronze, marteleur de métal, ce personnage monolithique, à la force tranquille, a marqué de sa trace l'histoire et l'esthétique de son pays