Les relations tuniso-algériennes sont aussi anciennes que l'histoire. L'histoire de la Tunisie, depuis l'aube des temps, s'est confondue avec celle du Maghreb, de ses peuples, de ses brillantes civilisations. Elles sont profondes, viscérales, aussi fortes et spontanées qu'un amour filial. En déclarant hier, lors de sa visite au passage frontalier de Melloula, que les Tunisiens et les Algériens sont un seul peuple dans deux Etats, Youssef Chahed, chef du gouvernement, a exprimé un credo partagé par tous les Tunisiens. Comme le disait si bien Stendhal, «la vraie patrie est celle où l'on rencontre le plus de gens qui vous ressemblent». Justement, que l'on soit à Tunis, Alger ou Rabat, il y a toujours cet air familier, une odeur du vieux pays profond, une flaveur du bled. Sans parler de la nature, qui a planté le décor depuis des millions d'années. Mais il y a surtout les hommes, ce peuple si valeureux au fil des âges, aux dires d'Ibn Khaldoun. Tunisiens et Algériens voyagent dans les deux pays à la rencontre d'eux-mêmes au bout du compte. Et rien que jusqu'au 15 août 2018, plus de deux millions quatre-cent mille Algériens ont déjà visité la Tunisie depuis le début de l'année. Une nette augmentation par rapport à l'année dernière pour la même période. Et ce n'est pas encore fini. Il y a eu, certes, quelques déceptions et déconvenues du côté des touristes algériens, sitôt signalés, sitôt traités avec la diligence requise. Mais ce n'est somme toute qu'une infime goutte d'amertume dans un océan de fraternité. La Tunisie et l'Algérie partagent dix passages frontaliers terrestres. Un autre, sur les abords de l'autoroute transmaghrébine, est escompté dans les années à venir. L'autoroute A3 reliant Tunis à Boussalem serait ainsi rallongée de dizaines de km via les montagnes pour joindre l'autoroute algérienne à travers les monts de Hammam Bourguiba. Les routes sont en quelque sorte les vaisseaux sanguins des pays, les artères de la complémentarité et des échanges. Ce sont les voies royales de la convivialité et de l'interdépendance. Et la fraternité millénaire des Tunisiens et des Algériens commande d'intensifier les flux de la fluidité des personnes et des marchandises. En attendant que le Grand Maghreb se reconstruise sur la base des quatre libertés qui ont fondé l'Europe unie : la libre circulation des biens, la libre circulation des capitaux, la libre circulation des services et la libre circulation des personnes. Le coût du non-Maghreb s'élève à un manque à gagner annuel de 2% aux dires des analystes. Les générations futures ne pardonneront guère aux générations actuelles ce triste gâchis du non-Maghreb, maillé tantôt de coupable nonchalance, tantôt de dissensions futiles et de navrantes discordes.