La Mission d'observation électorale relevant de l'Union européenne (MOE-UE), déployée en Tunisie il y a cinq mois, vient de rendre public son rapport final sur les municipales du 6 mai dernier. Elle y a signalé des défaillances et émis des recommandations qu'elle estime nécessaires à toute opération électorale libre, transparente et démocratique. Elle a mis tout ce qu'il faut à la disposition des autorités tunisiennes, de l'Isie, des partis politiques et de la société civile, afin d'en tirer profit lors des prochaines échéances, notamment celles attendues d'ici fin 2019 Dans une conférence de presse, tenue hier à Tunis, M. Massimo Castaldo, chef observateur et vice-président du Parlement européen, a commencé par reconnaître le caractère exceptionnel des élections locales tunisiennes, les qualifiant d'historiques et de fondamentales dans la consolidation des acquis démocratiques en Tunisie. En dépit des difficultés internes qui la divisent, l'Isie semble, quand même, avoir su accomplir sa mission. Sur ce point, il a fait valoir ses efforts considérables tant à l'échelle centrale qu'au niveau de ses instances régionales : «Le processus démocratique tunisien ne peut pas se passer d'une Isie forte, capable de gérer et de superviser l'opération électorale de façon efficace et crédible. Il est essentiel qu'elle puisse fonctionner en toute indépendance du jeu politicien», a-t- il souligné. Ce qu'il faut rectifier Le jour du scrutin, la mission MOE, composée de 124 observateurs de 27 Etats membres de l'Union européenne, a visité plus de 537 bureaux de vote dans 221 circonscriptions. Présente sous nos cieux, du 6 avril au 18 juin 2018, elle n'a pas laissé échapper à son contrôle le moindre détail électoral. Des listes candidates au vote et dépouillement, en passant par la campagne électorale, la couverture médiatique et les contentieux relatifs aux résultats, la responsabilité était telle que rien n'a été laissé au hasard. Selon M. Castaldo, l'Isie avait somme toute relevé le défi d'organiser des municipales crédibles. Néanmoins, s'est-il rétracté, certaines faiblesses ont été révélées et auxquelles il est important de remédier à l'approche des échéances électorales de 2019. Une nette sous-inscription des jeunes a été également enregistrée. Soit sur un corps de 5 millions d'électeurs au total, moins d'un quart des jeunes en âge de voter y sont inscrits. Faute de transparence, la difficulté d'accès aux données relatives à l'inscription constitue pour lui une préoccupation importante. Etant techniquement réussi, l'enregistrement des listes candidates fait relativement défaut, notamment en ce qui concerne le droit de rectification des dossiers de candidature. Certes, la campagne électorale a été pluraliste, mais peu visible dans l'espace public. C'est que, relève le rapport, le plafond relativement bas des dépenses servies aux partis a empêché l'organisation d'événements nombreux ou d'ampleur. Dans leur déroulement, il y a eu pas mal d'infractions : affichage de déclarations électorales non visées, utilisation des symboles nationaux tunisiens, conduite d'activités non déclarées, exploitation de biens et moyens de l'administration publique, ainsi que des violations du silence électoral. Toutefois, «l'Isie a choisi de ne pas faire usage de son pouvoir d'annulation de résultats et de déférer les infractions les plus graves au procureur de la république», dénonce-t-il. D'autant que, lit-on encore dans ledit rapport, le contentieux des résultats fut trop limité. Cette campagne, réduite dans sa taille, a été doublée d'une couverture médiatique jugée en dessous de la moyenne, cela est dû à la règle complexe de répartition du temps d'antenne et à la discrétion de la campagne objet de couverture. De même, le principe de parité hommes-femmes et la présence des handicapés sur les listes électorales n'ont pas été respectés. Vingt et une recommandations Mais, la Mission européenne n'a pas manqué de formuler quelque 21 recommandations touchant au processus électoral dans toutes ses étapes. Il s'agit, entre autres, de reconstituer rapidement les capacités techniques de l'Isie et de renforcer la transparence de sa gestion de l'opération électorale, de faciliter l'accès aux données détaillées de l'enregistrement des électeurs et la traçabilité des résultats, de clarifier les responsabilités respectives de son président, de son conseil et de son organe exécutif, de mettre des contre-pouvoirs constitutionnels (la cour constitutionnelle…) et de combler les postes vacants au sein de l'Isie. A l'ARP, dont la dernière législature s'ouvrira aujourd'hui, de veiller à régler la situation et accélérer l'élection des membres de la Cour constitutionnelle. En réaction à la Mission d'observation électorale, le président démissionnaire de l'Isie, mais encore en exercice, M. Mohamed Tlili Mansri, a jugé objectif et professionnel le rapport de la MOE. «C'est un témoignage fort positif et apprécié aussi bien pour l'Isie que pour la Tunisie de voir réussir les municipales 2018», se félicite-t-il. Les recommandations telles qu'elles ont été avancées par ladite Mission semblent aussi très utiles, à savoir l'amendement de la loi organisant l'Isie, l'élaboration d'un organigramme clair et précis et le recours à de nouveaux recrutements au sein de l'Isie.