Appartenance, excellence, innovation et redevabilité sont les fondamentaux sur lesquels repose la nouvelle vision de la formation professionnelle Pour tout chantier de maçonnerie, plomberie, électricité ou autres travaux d'entretien ou de réparation à domicile ou ailleurs, dénicher un ouvrier qualifié dans le domaine relève d'un véritable calvaire. Bien que le marché local en ait largement besoin, cette main-d'œuvre soi-disant diplômée de la formation professionnelle, coûtant cher à la communauté nationale, n'a pas le vent en poupe. Artisanat, menuiserie, soudure, techniques hôtelières et autres filières classées, par l'Atfp comme «prioritaires» subissent également le même sort. Accomplir son cursus d'apprentissage et même initier, en alternance, à certains métiers censés trop sollicités ne garantit forcément pas la chance d'intégration. Dire que la formation est un tremplin pour l'emploi n'est qu'un bluff politique. Sans pour autant omettre de dire qu'elle a tout pour être réellement une voie de succès, de par ses techniques pédagogiques et ses acquis du savoir et des logistiques capitalisés au fil du temps. A son actif une expérience presque séculaire qui lui aurait valu d'être un vivier de compétences, mais aussi un filon d'emplois. La formation professionnelle était, pour longtemps, la destination des déscolarisés et ceux toujours pressés de travailler. Donc, son effet de polarisation des postulants d'au moins 16 ans pour s'y inscrire aurait dû être persuasif et ravageur, vu que la loi tunisienne interdit tout abandon scolaire prématuré. Mais cela ne fut pas le cas. A preuve, plus de la moitié des sans-emploi, soit 600 mille au total, ne sont pas des diplômés du supérieur. Et encore moins de la formation professionnelle. Ironie du sort ! Où sont passés ces chômeurs non identifiés ? Que deviennent-ils ? Ministres fantoches ! A cela s'ajoute une sérieuse crise de communication et d'information. Fait aussi défaut la politique générale de réforme et de promotion de la formation. A quelques initiatives près qui tendent à recoller les morceaux, ou tout juste pour marquer le coup. L'on verse, visiblement, dans le replâtrage. De Said El Aidi à Zied Laâdhari, en passant par Abdelwahab Maâtar, Nawfel Jammali, Hafedh Laâmouri et Imed Hammami, alors ministres se succédant à la tête de la Formation professionnelle et de l'Emploi, en temps post-révolution, le bilan semble peu reluisant. A vrai dire, le secteur, s'il n'est jamais resté statique, n'a pas trop évolué. Au concret, il lui manque l'homme de la situation. Bien que ce ballet ministériel se soit, médiatiquement, montré visionnaire et faiseur de stratégies réformatrices et structurantes, aucun parmi eux n'a eu gain de cause. Il n'y avait que des vieux projets ressuscités, remontant à l'époque de Ben Ali : politique active d'emploi, «chèque de formation», passerelle entre formation et université, programme d'apprentissage répondant aux spécificités des régions, et bien d'autres qui n'ont rien ajouté ni au secteur ni à ses demandeurs. Le ver est dans le fruit ! Au cours de leurs mandats, ces ministres n'avaient pas manqué d'apparitions médiatiques prétentieuses et de promesses qui n'étaient qu'un feu de paille. Leurs engagements quant aux plans d'action décidés ont été si pompeux qu'ils n'aboutissaient à rien. Plus souvent, ils répétaient les mêmes mots et les mêmes déclarations. Ils disaient que la formation était un tremplin pour l'emploi, voire l'avenir des générations. Et que le secteur allait redorer son blason et réanimer le partenariat public-privé. Autant de mesures furent, alors, annoncées, mais qui n'ont jamais été suivies d'effet. Non dans la continuité, toutes les stratégies mises en place à cet effet n'ont pas porté leurs fruits. Autant dire, chaque nouveau ministre tire un trait sur le passé des autres. Sans aucune obligation de résultat. Bref, leur mission est jugée non concluante. Qu'en est-il de l'argent investi ? La responsabilité est grande Leur passage à vide n'a fait que perpétuer la crise de gouvernance d'un ministre à l'autre. Le septième arrivé à la tête de ce département, l'actuel ministre Faouzi Abderrahmane, devrait-il assumer le fiasco de ses prédécesseurs ? Absolument pas. Du moins, sa responsabilité consiste à sauver la mise et apporter une pierre à l'édifice. Savoir regarder en arrière pour pouvoir aller de l'avant. Car, l'intelligent est celui qui apprend des erreurs d'autrui. Et M. Abderrahmane, faut-il le dire, semble avoir commencé par le commencement. L'homme a montré une volonté de rectifier le tir et penser le secteur autrement. Il s'applique, d'ailleurs, à une démarche réformatrice placée sous le signe de l'innovation et de la revalorisation. D'ailleurs, l'année 2018-2019 s'annonce bien chargée de nouveautés : ouverture du secteur à l'international (échange de stagiaires), accompagnement des diplômés, optimisation de la formation par alternance (avec l'entreprise), mise en avant de l'initiative privée, Office des œuvres de formation en vue (hébergement, restauration et autres prestations), système informatique de gestion intégrée, révision de la politique de communication sont autant de promesses censées donner au secteur un nouvel élan. Doter l'Atfp, l'agence mère de la formation et son acteur principal, d'une vision nouvelle s'inscrit dans le même esprit. Elle repose sur quatre fondamentaux : appartenance, excellence, innovation et redevabilité. Son directeur général, M. Khaled Ben Yahia, l'a bien expliqué, avec pour objectifs 14 projets fédérateurs d'aménagement, d'équipement et de restructuration d'ici 2020. Ce nouveau plan d'action tel que pensé et proposé ne doit pas, lui aussi, être relégué en arrière-plan. Le ministre de tutelle devrait prendre son courage à deux mains. Face à lui un défi : sortir des sentiers battus. A cela s'ajoute un engagement moral et professionnel à honorer. Car faire de la formation un tremplin pour l'emploi n'est pas un simple slogan. Tout comme le diagnostic est préalable à toute œuvre de réforme. Sinon, on refait les mêmes erreurs du passé. Du reste, l'on s'attend à ce que la formation professionnelle puisse faire sa propre révolution et que l'actuel ministre soit à la hauteur de ses responsabilités.