Le Rwandais Joël Karekezi, réalisateur du film «La miséricorde de la jungle» (The mercy of the jungle), et son producteur français Oualid Baha évoquent les coulisses du tournage de cette fiction au cœur de la jungle. Le film, en course pour les Tanits de la compétition officielle des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), est l'aboutissement de plusieurs années de travail sur le scénario et les financements nécessaires. Le jeune réalisateur rwandais, également scénariste et producteur, est un témoin des douloureux événements du génocide de 1994 dans son pays. Un drame durant lequel il avait perdu son père et qu'il surmonte en usant de son art à travers une approche cinématographique singulière. Ses débuts dans le cinéma étaient avec des études en ligne pour ensuite suivre des ateliers en écriture cinématographique. Lors de la réalisation de son premier court-métrage, il dit avoir eu des contacts avec des professionnels de Bollywood. Les souvenirs de la guerre demeurent un fait douloureux sur lequel il préfère ne pas revenir. Cependant, il revient dans son premier long-métrage sur ce drame humain du génocide pour qu'il puisse «explorer et voir si le pardon est possible et nécessaire». Pour son premier long métrage, il avait choisi comme titre «Le Pardon» qui n'est qu'une version améliorée d'un court-métrage du même titre, primée au niveau africain. La nouvelle copie du «Pardon» réalisée en 2011 avait sillonné les festivals de films dans et en dehors du Continent. Pour ce nouveau film, Karekezi parle d'une fiction autour de la guerre au Congo voisin du Rwanda et des conflits entre les deux pays en 1998. A travers le chemin de deux soldats, il cherchait «à explorer tout ce qui se passait au Congo et la guerre qui se passe ailleurs dans le monde», avec un récit qui l'aide évidemment puisqu'il «s'infiltre dans la psychologie des gens sur le chemin de la vie». Karekezi avait commencé à écrire son scénario en 2011 avec la collaboration des scénaristes américains, Casey Syrien et Aurélien Bodinaux. Il s'est basé sur une vraie histoire de son cousin soldat qui s'est perdu dans la jungle en 1998 durant la guerre du Congo. Après plusieurs drafts, finalement en 2016, la copie finale était prête pour le tournage dans la jungle de l'Ouganda. Le réalisateur et son producteur gardent le souvenir d'une expérience unique pour un film qui avait été tourné en cinq semaines en mai 2017 dans la jungle habitée par des gorilles en Ouganda qui sépare différents pays d'Afrique centrale. Les scènes spectaculaires dont ils parlent offrent à voir dans le film une vue sur les montagnes des Virunga qui longent les frontières du Rwanda et de l'Ouganda. La chaîne est connue pour ses aspects volcaniques d'où vient la séquence dans le film sur «la montagne qui crache du feu pour dialoguer avec». Pour le producteur, le tournage s'est fait dans des décors naturels de la jungle autour d'un parc préservé qui n'est pas destiné à la circulation des véhicules, ce qui a été «un exercice très enrichissant au quotidien durant les 5 semaines». Les conditions de tournage étaient difficiles, a-t-il témoigné dès lors que les techniciens aidés par des habitants locaux devaient porter les équipements en marchant pendant des heures entières. Ils avaient logé dans des hôtels près de la jungle qui est un parc naturel protégé dont le réalisateur voulait «montrer la beauté». Des équipes spécialement rwandaises et ougandaises ont travaillé sur ce film interprété par un duo du CongoKinshasa et du CongoBrazzaville en plus d'une jeune actrice swisso-rwandaise qui a fait une courte apparition dans le film. Après avoir travaillé depuis 2013 sur des films à petit budget, le jeune producteur d'origine algérienne est très porté à travailler avec des réalisateurs du sud de la Méditerranée. Son approche s'oriente plutôt vers «la puissance d'histoires vraies». Ce film est pour le producteur qui a déjà eu des projets en Afrique (Gabon, Congo, Maroc) sa «plus importante production sur le continent traitant d'une thématique universelle». L'année dernière, il a été en postproduction et a bénéficié du grand prix de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) au programme «Takmil» de la plateforme «Carthage Pro aux JCC 2017. Le prix de l'OIF Takmil lui avait permis la finition de l'étape du montage réalisé en Belgique par des techniciens belges. Le film sera prochainement en course dans des festivals comme Afrikamera à Berlin et Joburg film festival à Johannesburg.