Par Walid ABROUG (enseignant en économie) La crise financière, cet ogre auquel tous les maux étaient attribués, même les plus rocambolesques, est-il passé au simple stade de mauvais souvenir, tellement les échos de ce naufrage résonnent de plus en plus faiblement dans nos tympans et que surtout, peut-être trompés par un optimisme général, les mêmes rouages sont entrain de se réinstaller dans notre chère et tendre sphère financière qui reprend ses bonnes vieilles habitudes internationalistes, ou même universalistes pour déboucher encore une fois sur une globalisation financière en bonne et due forme. La globalisation financière est un mouvement de libéralisation quasi complète des échanges de capitaux qui a commencé à prendre acte au début des années 80, débouchant sur la réalisation d'un marché mondial des capitaux très peu contrôlé et très ouvert. Ce processus n'est autre que le fruit de transformations quasi radicales du marché financier. Cette évolution s'est réalisée au travers de la déréglementation des mouvements de capitaux, afin que tous les agents puissent accéder aux différents marchés de capitaux, étant donné le décloisonnement des marchés, en effet, ces derniers ne sont plus séparés les uns des autres et tous les acteurs peuvent intervenir sur tous les marchés ; en plus ; on peut parler de la désintermédiation bancaire car aujourd'hui, on peut avoir un accès direct aux marchés des capitaux sans passer par les intermédiaires traditionnels que sont les banques. Désormais, les échanges internationaux, c'est-à-dire ceux des biens, des services et des capitaux, représentent le plus souvent des échanges de capitaux, les biens et services n'en représentent qu'une faible proportion, c'est dire à quel point les mouvements de capitaux représentent des sommes colossales. Ces mouvements au niveau mondial sont bien plus simples, faciles et rapides à réaliser que les échanges de biens et services puisque les capitaux circulent par simple jeu d'écritures informatiques, représentant du fait un avantage énorme que les financiers et les spéculateurs ne cessent d'exploiter. Et c'est justement là que le bât blesse. Cette extrême mobilité des capitaux ne fait que renforcer l'interdépendance des économies avec des risques monstrueux parce qu'une simple crise financière dans un pays peut fortement réduire le patrimoine de ses investisseurs, tels que l'Etat, les banques et toutes autres institutions financières. Cela peut se traduire par des mouvements de capitaux brusques et importants qui déstabilisent les marchés des différentes places financières qui participent pleinement au financement des investissements. Le malheur est que La globalisation financière aboutit à ce que le taux d'intérêt, le prix de l'argent, en l'occurrence, ne se fixe plus sur le marché national, suivant le jeu de l'offre et de la demande intérieures de monnaie qui détermine le montant du taux d'intérêt, mais son évolution est dictée par la situation internationale du marché des capitaux. Ce qui fait que par rapport au marché intérieur les variations du taux d'intérêt seront tout bonnement arbitraires, c'est-à-dire que toutes les fluctuations que subira le taux d'intérêt ne vont pas forcement correspondre aux exigences économiques intérieures. Si on part de la relation qui existe entre investissement et intérêt — l'investissement étant la fonction inverse de l'intérêt, on peut supposer, à raison d'ailleurs, que les conditions du financement des investissements, à l'intérieur du pays, vont dépendre de considérations internationales. C'est-à-dire que si la conjoncture économique, pour n'importe quelle raison, fait élever le taux d'intérêt à l'étranger, ce dernier va s'élever aussi pour l'économie nationale sans qu'il y ait de raisons objectives à cette élévation. Simplement parce que si ce n'était pas le cas, les capitaux disponibles iraient se placer sur le marché extérieur, ce qui fait que les entreprises autochtones vont devoir financer leurs investissements de manière coûteuse. Elles peuvent même être amenées à renoncer à l'investissement si la rentabilité devenait trop faible, compte tenu du niveau des taux d'intérêt. Sur le plan des marchés des changes, c'est-à-dire le marché sur lequel on échange des monnaies, que l'on appelle devises, entre elles, la situation n'est pas tellement différente, car depuis le début des années 70, le système suivi sur le marché de change n'est plus le même. En effet, nous sommes passées d'un système de changes fixes dans lequel l'Etat intervient directement en fixant lui-même la valeur de sa monnaie en référence à un étalon, soit l'or, soit une autre monnaie, notamment le dollar, à un système de changes flottants où le taux de change d'une monnaie, c'est-à-dire le prix auquel une monnaie s'échange contre une autre monnaie, se fixe au jour le jour sur le marché des changes en fonction de l'offre et de la demande de la monnaie. Le système que les pays choisissent pour organiser leurs échanges de monnaie a connu donc des transformations fondamentales, puisque le taux de change, c'est-à-dire le prix auquel une monnaie s'échange contre une autre monnaie, est donc devenu très fluctuant, étant donné que son évolution est fortement, ou plutôt catégoriquement influencée par les évènements, aussi bien sur le plan international que national. Or, ces variations ne sont pas sans effets sur l'économie intérieure, car dans ce cas, on peut se trouver dans une situation où nous payons plus cher certains biens sans que pour autant leurs prix aient connu un accroissement, ce qui fait que les termes des échanges de certaines économies vont se dégrader puisqu'elles achèteront, à l'étranger, la même quantité, peut-être même moins, à un prix plus cher. De même, de telles fluctuations peuvent, si le cours des autres devises est à la baisse, affecter d'une part le montant des exportations, d'autre part les recettes des entreprises nationales. Anticiper devient donc très pénible lorsque les taux sont flottants, car personne ne peut prévoir comment va évoluer le cours d'une monnaie, ce qui rend les décisions très difficiles car elles seront prises dans un climat d'incertitude.