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« Profession et formation,un destin commun »
Entretien avec: Michel Leroy, journaliste français et expert international spécialiste du développement des médias
Publié dans La Presse de Tunisie le 22 - 11 - 2018

Sous nos cieux, il s'est fait remarquer par sa récente «recherche-étude sur la formation au journalisme en Tunisie», réalisée, en collaboration avec l'Ipsi, dans le cadre du «Programme d'appui aux médias tunisiens (Pamt/Medias Up)», financé par l'Union européenne et géré par le Capjc, avec le soutien d'un consortium de partenaires dont «Particip». Rencontré à l'occasion des 1ères Assises internationales du journalisme de Tunis, tenues du 15 au 17 courant, Michel Leroy nous a livré des éclairages importants. Dans cette interview, il a tenté d'aborder les nouveaux enjeux d'un secteur en panne de restructuration.
Les 1ères Assises internationales du journalisme de Tunis ont eu pour thème fédérateur «un journalisme utile aux citoyens ». Y en a-t-il un autre qui ne l'est pas ?
Il y en a beaucoup d'autres qui ne le sont pas : le journalisme dévoyé, qui pontifie et commente les faits, le journalisme «assis», qui se contente de remettre en forme des dépêches ou des informations déjà disponibles ailleurs sans jamais aller sur le terrain, le journalisme de divertissement, qui hurle avec la meute, populiste et peu soucieux de recouper les informations, le journalisme de spécialistes qui ne pense pas à son lecteur et qui est la plupart du temps incompréhensible…
C'était l'un des points forts de ces premières Assises que de mettre l'accent sur ce point : il est temps de reconnecter les médias et le pays réel. Il en va non seulement de la survie de nos journaux — parce que la presse écrite est sans doute la plus touchée par la crise — mais également de la démocratie : il n'est jamais bon que les citoyens n'aient plus confiance dans ceux qui sont censés être les pédagogues de leur quotidien. Nous avons tous, collectivement, un énorme travail de re-légitimation à faire et cela concerne tout le monde.
Que signifie pour vous qu'un événement d'une telle envergure, ayant vu la participation de 500 journalistes du monde entier, se déroule, pendant trois jours, dans un pays où le secteur de la presse est encore en crise ?
Je suis de ceux qui croient en l'avenir du journalisme plus qu'à l'avenir des journaux. Peu importe le support : ce qui compte, c'est la valeur ajoutée d'une information nouvelle, intéressant le lecteur, vérifiée, recoupée, validée. Un événement comme les Assises du journalisme permet à la fois de décentrer le regard et de fournir des occasions d'espérer. Je prends l'exemple du panel sur l'avenir de la presse écrite. Il y avait là des intervenants, représentant les principaux médias francophones du Liban, d'Algérie, du Maroc… Chacun a fait part de son expérience pour lutter contre la chute du lectorat, la baisse des revenus publicitaires et trouver sa voie pour assurer sa transition numérique. Tous ont insisté sur les réformes structurelles qui sont nécessaires pour adapter les journaux à la nouvelle donne et garder son indépendance.
C'est important de le souligner : la crise n'est pas une fatalité et pour s'en sortir, les médias doivent d'abord et avant tout compter sur eux-mêmes. On ne peut plus aujourd'hui faire les mêmes journaux que ceux que l'on faisait il y a encore vingt ans ou bien gérer les entreprises de presse en dehors de l'économie réelle.
Votre recherche-étude sur la formation au journalisme en Tunisie, réalisée dans le cadre du Pamt, a débouché sur 25 pistes de réflexion sur le devenir du secteur. Ce dernier a-t-il les moyens de sa réforme?
Je pense que les crises qu'a traversées l'Ipsi sont pour une grande part derrière lui. Sa directrice a commencé à réfléchir à des réformes importantes car tout le monde est d'accord sur le fait qu'un statu quo serait mortifère. Comme pour la presse, l'avenir des écoles de journalisme est aujourd'hui en question. Comme l'a écrit Larbi Chouikha, la transformation des médias est difficile mais elle est indispensable. C'est pareil pour l'Ipsi et plus largement pour toutes les écoles de journalisme de Tunisie : elles ont un énorme besoin de réformes institutionnelles pour être en mesure de s'adapter aux nouveaux enjeux du secteur.
Dans quelle mesure la «trajectoire de ré-enchantement», comme vous l'avez qualifié dans votre étude précitée, va permettre au métier de «se réinventer» ?
Au terme de ma recherche, je suis persuadé qu'un changement de paradigme est en effet nécessaire. Cela passe par exemple par plus d'ouverture à de nouveaux profils d'étudiants en mastère, qui n'auraient pas fait de licences en sciences de l'information, mais aussi par une sélection plus poussée pour attirer les meilleurs et sans doute par une nouvelle façon de «faire le cours».
La période impose d'être inventif pour créer de nouvelles méthodes de formations et mixer les compétences nécessaires pour affronter la révolution numérique. La difficulté principale tient au fait qu'on doit former des étudiants à des métiers qui n'existent sans doute pas encore. Il faut donc les entraîner à ce qu'on appelle «l'agilité numérique» pour qu'ils soient à l'aise dans ce milieu professionnel qui évolue si vite. Ils ne doivent pas être effrayés par les disruptions, pour reprendre un terme à la mode, mais au contraire, voir les opportunités qu'il y a à se réinventer continuellement. Cela impose la même humilité que celle du journaliste face à l'actualité.
Vous avez jugé les structures privées de formation au journalisme en Tunisie comme «vrai-faux univers de concurrence», qu'entendez-vous par là? Et que pensez-vous de l'approche d'enseignement adoptée par l'Ipsi ?
Aujourd'hui, toutes les maquettes pédagogiques en journalisme ou en sciences de l'information et de la communication sont validées par une commission nationale sectorielle qui est composée à parité de représentants de l'Ipsi et de l'Institut supérieur de documentation. C'est une situation assez singulière en Tunisie qui aboutit au fait que la quasi-totalité des formations privées ont adopté la même maquette que celle de l'Ipsi, et que les cours sont dispensés par les mêmes professeurs… La concurrence est donc pour le moins entravée et cela ne favorise pas l'émulation. Plusieurs centres qui avaient proposé des contenus innovants – pour former par exemple des journalistes reporters d'images – ont été retoqués parce que la formation était jugée trop technique.
Je ne veux surtout pas dire que la formation des futurs journalistes devrait être purement axée sur des techniques. Mais cette dimension est cependant indispensable et des modèles alternatifs sont possibles. Je ne sais pas, pour être parfaitement honnête, si l'avenir des formations au journalisme ne passe pas aujourd'hui par des écoles hybrides qui formeraient autant aux métiers de développeurs qu'à la production de contenus…
Comment faire, selon vous, pour assurer l'adéquation entre formation et profession ?
Les Assises m'ont permis de rencontrer une formatrice qui a été pendant des années une célèbre journaliste à Tunis puis a soutenu une thèse pour pouvoir enseigner. Elle me disait que le modèle s'était inversé et que le centre avait formé beaucoup de thésards qui venaient à l'enseignement après peu ou pas d'expérience professionnelle. Il est bien sûr possible de contribuer à l'adéquation entre formation et profession en accueillant plus de professionnels, même si ceux-ci n'ont pas de grade universitaire. Mais cela ne suffit plus ; ce modèle est aujourd'hui à bout de souffle.
Il est indispensable que le secteur puisse exprimer ses besoins prospectifs pour développer les compétences attendues des futurs journalistes et qu'en retour, les centres soient en mesure de savoir dans quelle mesure les étudiants qu'ils forment intègrent ou non les médias. Je pense que les médias — publics comme privés —gagneraient à participer plus directement à la vie des écoles et des centres de formation en y investissant à la fois des ressources humaines, de l'expérience mais également des capitaux — dans le respect de l'autonomie académique. Médias et centres de formation ont aujourd'hui une communauté de destins qui doit permettre de faciliter de plus grandes synergies.
Mais, votre regard critique de l'extérieur sur un contexte professionnel ne risque-t-il pas d'y greffer des solutions transposées ?
Il y a deux écueils, quand un modèle se craquelle de toutes parts : transposer en effet des solutions toutes faites et en rester à des idées reçues. Je ne vois pas de réponse unique mais plein de petits bouts de solutions déjà testées avec succès par d'autres et qui, mises bout à bout, constituent peut-être la solution. C'est pour cela que j'ai tenu à mettre en exergue du rapport une citation de feu Mohamed Ali Kembi, le directeur de l'Ipsi de l'après 14-Janvier : «Toutes les situations, qu'elles soient en Algérie, en Tunisie ou en France, véhiculent des traditions spécifiques. Pour autant, il n'y a pas de relativisme des valeurs humaines et sociales. Ce sont ces valeurs qui fondent le journalisme: la liberté individuelle, la responsabilité sociale des médias, la fonction démocratique de la recherche, de la diffusion de la vérité sont autant de valeurs qui fondent le journalisme et elles sont universelles».


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