Le Prince héritier saoudien est arrivé hier en fin de journée à Tunis pour une visite éclair de quelques heures. Le Président Béji Caïd Essebsi était à son accueil à l'aéroport militaire d'El Aouina. Le Prince héritier (MBS) visite Tunis dans le cadre d'une tournée régionale dans six pays arabes (Emirats arabes unis, Bahreïn, Egypte, Tunisie, Algérie et Jordanie) précédant son déplacement en Argentine pour assister au sommet du G20. La visite de MBS a soulevé une vague de contestations parmi les partis politiques et les organisations de la société civile qui dénoncent les affres de la guerre au Yémen, pays où la population est menacée de famine outre les centaines et milliers de victimes des bombardements de l'Alliance arabe, dont des femmes et des enfants, et les affaires de violation des droits de l'Homme signalées dans les rapports des organisations internationales telles que Human Rights Watch. Mais la récente affaire de l'assassinat odieux du journaliste saoudien Jamel Khashoggi en Turquie, qui a ébranlé le monde politique et médiatique, marque encore les esprits et demeure une épine dans le pied du Prince et un fardeau sur les épaules du royaume qu'il devra supporter encore quelque temps. Du côté officiel, malgré les appels de la société civile pour annuler cette visite, le Prince héritier a été accueilli hier par le président de la République à l'aéroport. En tant que représentant légal du royaume saoudien, la présidence de la République tunisienne se doit d'accueillir son hôte avec les honneurs qui s'imposent, même s'il ne vient pas à l'invitation du président Caïd Essebsi. Les raisons de la visite de MBS à Tunis, maintenant, n'ont pas été invoquées. Le plus évident est qu'elles sont suffisamment importantes pour justifier le déplacement du Prince, actuellement le plus controversé de la planète. On peut les deviner, voire extrapoler, il reste que la diplomatie a ses règles et ses exigences que les officiels sont tenus de respecter. Parmi ses règles : être visionnaire, ne pas insulter le futur et composer avec la realpolitik. Les différends se règlent autour d'une table de négociations ou dans le cadre de discussions bilatérales, en aparté, mais jamais en fermant la porte à la figure d'un ennemi ou même d'un allié qui a dévié. La politique change et le monde aussi. La Tunisie ne peut pas vivre enfermée dans un cocon même si elle y respire l'air revigorant de la révolution. Le pays a des intérêts à défendre au nom de sa survie et une place à préserver dans le concert des nations aujourd'hui confrontées à un chamboulement total de l'ordre mondial. Quant à la société civile, elle joue admirablement son rôle de contrepoids aux abus des gouvernants et des lobbyistes.