Un acte de suicide est forcément dû à la perte du sens de la vie, à la perte du sens du relationnel. Il est étroitement lié au sentiment de solitude…. Il y a quelques semaines, on a appris via les médias, la mort d'un jeune photographe à Kesserine par immolation ! Cet énième acte est venu rallonger la liste noire des suicides dans notre pays ! On a enregistré, en effet, pas moins de 23 actes de suicide chez la gent masculine le mois d'octobre dernier, selon le rapport de la Ftdes. Si ce phénomène n'a cessé de s'amplifier depuis la révolution de 2011 c'est parce qu'il y a des causes qui l'expliquent. S'immoler par le feu en réaction aux conditions misérables et à l'injustice ressentie par de nombreux jeunes… est devenu un modèle de protestation typiquement tunisien ! Mais les raisons qui poussent à cet acte de désespoir sont plus profondes ! Le sociologue et ex-enseignant à l'université de la Sorbonne en France, Khalil Zemmiti a bien voulu nous éclairer sur ce phénomène qui s'est banalisé après 2011. Si le rapport mensuel de la Ftdes mentionne un taux de suicide et de tentatives de suicide élevé chez les personnes âgées entre 26 et 45 ans au cours du mois d'octobre dernier notre sociologue précise que la manière avec laquelle les victimes se suicident, en d'autres termes, l'immolation par le feu, est devenue depuis la révolution un vrai symbole de protestation contre le chômage, la pauvreté, la marginalisation… Mais en ce qui concerne l'affaire du jeune journaliste qui s'est suicidé récemment, le spécialiste en sociologie explique que l'ambiguïté autour de cette affaire devrait tout d'abord se clarifier pour pouvoir en parler. Khalil Zemmiti a ajouté que, malgré tout, cette antonymie, arrange bel et bien les autorités qui veulent mettre tout sur le dos de la pauvreté, le chômage… alors que la vérité est autre. Il s'est avéré, en effet, que le photographe ne s'est pas suicidé en fait mais que c'est une tierce personne a mis le feu à son corps. Toujours selon notre sociologue, l'idée du suicide, chez les Tunisiens, est directement liée à la pauvreté, à la marginalisation… alors que cela n'a rien à voir avec cela ! «Un acte de suicide est forcément dû à la perte du sens de la vie, à la perte du sens du relationnel. Il est étroitement lié au sentiment de solitude. Il y a forcément des gens qui vivent dans des conditions très médiocres, pauvreté, chômage… mais qui ne passent jamais à l'acte», note-t-il. «Spleen» quand tu nous tiens ! Quand une personne se sent seule et isolée, elle est prise de «spleen» si bien décrit par le poète du XIXe siècle Charles Baudelaire et le philosophe du XXe Heidegger. «Se suicider en s'immolant par le feu reste néanmoins un phénomène propre à la Tunisie. Les raisons, comme la pauvreté, le chômage… ne sont pas des motifs déclencheurs mais qui favorisent plutôt le passage à l'acte», argumente le sociologue. Et pour mieux expliquer ce phénomène qui existe depuis des siècles, Khalil Zemmit se réfère à une époque bien révolue. Celle de la Rome Antique. Il décrit la vie des généraux qui ont tout (richesse, vie aisée, luxueuse, gloire...) mais qui passent à l'acte en se coupant les veines, car ils ont perdu le sens et le goût de la vie. Le suicide, donc, est relatif au dégoût de la vie. Pour des jeunes qui se sentent marginalisés, incompris et pour qui les horizons sont bouchés, il est tout à fait normal qu'ils perdent espoir… et qu'ils soient tentés par le suicide. D'un autre côté, le sociologue explique que la «croyance», donne un sens à la vie… C'est pour cette raison que les croyants seraient moins en proie aux idées noires….