Malgré un potentiel considérable, le secteur de l'agriculture rencontre beaucoup de problèmes qui le mettent à l'épreuve. En dépit des difficultés structurelles dans lesquelles elle se débat depuis des années, l'agriculture tunisienne a réussi à jouer encore un rôle très important dans l'économie nationale par son rôle dans l'emploi sous forme de salariés permanents, de main-d'œuvre familiale ou d'emploi saisonnier. C'est un secteur socialement et économiquement très hétérogène. Depuis des décennies, l'agriculture occupe une place importante dans l'économie nationale, dans la mesure où elle garantit la sécurité alimentaire du pays, basée essentiellement sur la production nationale, et constitue la principale activité dans plusieurs régions. Malgré ce potentiel énorme, le secteur souffre, aujourd'hui, de plusieurs maux qui freinent son développement. Il est marqué par une certaine sensibilité aux aléas climatiques, par un problème de manque de ressources essentiellement en eau et en sol ainsi qu'un potentiel de production limitée. L'endettement pose problème Selon les chiffres annoncés par l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche (Utap), environ 54% des dettes bancaires des agriculteurs, qui ont atteint 1,188 milliard de dinars à la fin 2017, concernent les grandes cultures, les arbres fruitiers et l'élevage de bétail dans les gouvernorats de Kasserine, Béja, Sfax, Le Kef et Kairouan. Près de 84% des agriculteurs endettés ont obtenu des crédits d'une valeur inférieure à 10 mille dinars, soit près de 428 MDT. Seuls 7% des agriculteurs ont accès aux crédits bancaires fournis à hauteur de 90% par la Banque nationale agricole (BNA), soit 14% des crédits accordés par ladite banque. Les crédits bancaires saisonniers ne représentent que 2,35% de la valeur des équipements et des intrants du secteur agricole et 10% des besoins en financements de la saison de culture des céréales. Selon les experts, les banques refusent de financer des activités agricoles pour trois raisons majeures : l'instabilité des revenus des agriculteurs à cause des aléas climatiques, l'absence d'un système d'assurance efficace pour la couverture des risques liés aux calamités naturelles, notamment la sécheresse, et l'inefficacité du Fonds national de garantie, gageure de taille pour les banquiers dispensateurs de crédit. Pour sortir de cette impasse, l'Utap propose le rééchelonnement, sans taux d'intérêt, des dettes des agriculteurs et de déduire 20% de la valeur des infractions de retard pour les agriculteurs qui utilisent les chèques de garantie afin de leur permettre d'obtenir de nouveaux crédits pour la saison agricole. Elle propose également un contrôle strict des importations des intrants, la réduction du coût de crédit… En ce qui concerne le financement, il est recommandé d'inciter les autres banques à s'intéresser au secteur agricole à travers la dynamisation du recours aux Sociétés d'investissement à capital risque (Sicar), aux fonds communs de placement… Un secteur semencier dans l'impasse Les semences sont la pierre angulaire de la production agricole. Evidemment, le choix simultané de la plus haute qualité de semences et de la variété la plus performante entraîne un bon départ de la culture et assure des niveaux élevés de rendements. D'après Ahmed Marouani, enseignant chercheur à l'Ecole supérieure d'agriculture du Kef (Esak), la modernisation et la mise à niveau de la filière semencière des grandes cultures (céréales, légumineuses alimentaires, fourrages et cultures industrielles) sont restées un simple souhait difficile à atteindre à cause de l'instabilité des productions pluviales, des taux de couverture en semences certifiées très faibles, un réseau de distribution de semences peu cohérent, l'impact de l'introduction des variétés européennes, le retard d'approvisionnement en semences… Pour la mise à niveau de cette filière, Marouani recommande la création et la sélection de nouvelles variétés adaptées aux régions de production, l'évaluation et l'inspection de ces nouvelles variétés, la multiplication des semences dans des fermes spécialisées, l'installation de stations de nettoyage et de triage équipées de machines performantes, la mise en place de laboratoires étatiques et privés accrédités pour les analyses de la qualité et pour la certification de semences selon les normes internationales, la mise en place d'un réseau de commercialisation et de distribution des semences et la promulgation d'une législation sur les semences détaillée pour répondre aux attentes des professionnels. Un secteur qui se transforme Malgré tous les défis qui s'imposent, l'agriculture tunisienne reste au cœur de la transformation mondiale, à l'instar de tous les pays du monde. L'enjeu d'avenir est la capacité nationale à commercialiser des produits agricoles de qualité, gage de compétitivité et de mise à niveau du secteur. Le pari est, donc, énorme face à un secteur économique frappé de morosité. Ajoutons à cela que depuis des années, l'agriculture a progressé au même rythme que la croissance économique de la Tunisie dans son ensemble. Donc, la croissance de ce secteur a montré des fluctuations importantes en raison des variations de pluviométrie. L'enjeu de mettre en place une véritable stratégie basée sur la mise à niveau du secteur est de taille car ce secteur est en perte de vitesse depuis 2011. D'où la nécessité de mettre l'accent sur des réformes structurelles dont les buts étant la production durable, l'accès aux marchés étrangers, l'amélioration des conditions de vie des petits exploitants, la mobilisation des ressources en eau par extension des superficies irriguées, la recherche d'une autosuffisance accrue dans des productions, telles que l'huile d'olive, les céréales, les pommes de terre, les tomates, le lait, les viandes rouges…