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Rousseau et l'origine de l'inégalité
La Presse Lettres, Arts et Pensée : Connaissance des grands classiques
Publié dans La Presse de Tunisie le 05 - 11 - 2010

Une nouvelle traduction en langue arabe du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes vient d'être publiée par l'Organisation arabe de la traduction, en collaboration avec la Commission nationale libanaise pour l'Unesco. La traduction était confiée par l'organisation au traducteur libanais Paul Ghanem, avec une préface du professeur tunisien Abdelaziz Labib.
Il s'agit d'un essai philosophique appartenant au célèbre philosophe et penseur genevois de langue française Jean-Jacques Rousseau en réponse au sujet de l'Académie de Dijon. La question posée aux candidats était : " Quelle est l'origine de l'inégalité parmi les hommes et si elle est autorisée par la loi naturelle ? ".
Au début de son essai, Rousseau exprime son refus catégorique de cette inégalité dans la société moderne soutenant que la loi civile est censée être respectée par tous les individus et " que personne dans l'Etat [ne peut] se dire au-dessus de la loi […] Car quelle que puisse être la constitution d'un gouvernement, s'il s'y trouve un seul homme qui ne soit pas soumis à la loi, tous les autres sont nécessairement à la discrétion de celui-là " (p.3). Une fois habitué à des maîtres qui sont au-dessus de la loi, le peuple ne pourra plus s'en passer. Il entre dans un cycle perpétuel où même les révolutionnaires d'hier seront naturellement les tyrans de demain. Pour Rousseau, tout dépend de la mentalité du peuple qui, une fois abruti par un esprit inculte et opportuniste à la fois, ne fait qu'aggraver ses chaînes. Il donne l'exemple du peuple romain qui " ne fut point en état de se gouverner en sortant de l'oppression des Tarquins ". Les Tarquins n'avaient laissé après eux qu'une " populace " infirme qu'il fallut " ménager et gouverner avec la plus grande sagesse " afin de l'accoutumer " à respirer l'air salutaire de la liberté " (p. 3).
Rousseau décrit également le rôle indispensable des femmes dans la prospérité de l'Etat, " cette précieuse moitié de la république qui fait le bonheur de l'autre, et dont la douceur et la sagesse y maintiennent la paix et les bonnes mœurs " (p.7). Les femmes représentent pour lui la voix de la sagesse, de la paix, et de l'amour qui ne sont que des qualités inhérentes à la nature humaine. Le rôle de la femme est de dompter l'esprit " barbare " de l'homme qui tend souvent vers la violence et les conflits. Et c'est à travers l'union conjugale que les femmes pourront exercer une influence bénigne sur les affaires de l'Etat tout en garantissant " le bonheur du public ".
" C'est ainsi que les femmes commandaient à Sparte ", ajoute Rousseau, " et c'est ainsi que vous [femmes de Genève] méritez de commander à Genève " (p.7).
L'inégalité pour Rousseau se partage en deux catégories : une inégalité naturelle ou physique et une inégalité morale ou politique. La première est établie par la nature et se manifeste dans les disproportions d'âge, de santé et de force physique. La deuxième n'a pas de rapport avec la nature des individus. Elle dépend plutôt des conventions sociales telles que les statuts, les richesses matérielles et les privilèges accordés à certains sans être accordés aux autres. Rousseau considère que c'est plutôt l'inégalité morale/politique qui est insoutenable.
Généralement, Rousseau s'oppose à certains philosophes — à l'instar du britannique Thomas Hobbes — qui croient que l'homme est naturellement belliqueux et ne cherche qu'à attaquer et combattre les autres. Le philosophe genevois partage plutôt l'avis de Cumberland et de Pufendorf. Il voit que l'homme primaire est beaucoup moins nocif que l'homme moderne: " […] il est toujours tremblant, et prêt à fuir au moindre bruit qui le frappe, au moindre mouvement qu'il aperçoit " (p.15). La justice et l'égalité entre les humains sont plus présentes dans l'état naturel vu le partage plus ou moins équitable des biens dans la nature où il n'est pas question de richards qui accumulent les fortunes et manipulent les pauvres. De plus, en se transformant en un être sociable, l'homme perd sa force et son courage et devient plus vulnérable à la manipulation et à l'esclavage.
Rousseau ne conteste pas le fait que l'inégalité existe également dans la nature, mais il pense que cette inégalité naturelle reste toujours limitée et ne pourra jamais mener aux formes modernes de l'exploitation et de l'esclavage. En effet, l'avidité des forts dans la nature ne dépasse presque jamais le désir de garantir leur subsistance journalière. Comparant les hommes primaires aux hommes modernes, Rousseau trouve que les vices des derniers dépassent de loin ceux des premiers. Le progrès et l'avancement scientifique n'ont fait que multiplier les malheurs des guerres et de la lutte pour le pouvoir et pour l'argent. " Car qu'un géant et un nain marchent sur la même route, chaque pas qu'ils feront l'un et l'autre donnera un nouvel avantage au géant " (pp. 27-28). Il s'avère que l'ultime objectif de cette analyse, lequel Rousseau révèle vers la fin de son Discours, est de disculper la nature de la charge de l'origine de l'inégalité.
Dans son essai, Rousseau essaye de comprendre et de démontrer d'une manière analytique comment le passage de l'état naturel à la société moderne a amplifié la différence entre les hommes. Il explique que : " Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire: Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile " (p. 29). C'est ainsi que naquit la propriété privée et que commença l'éternelle lutte pour la possession des biens communs. Selon Rousseau, toutes les guerres et toutes les misères pourraient être épargnées si seulement un seul homme s'opposait à cette entreprise et criait aux autres : " Gardez-vous d'écouter cet imposteur; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne " (p.29).
L'inégalité naturelle augmente par l'inégalité institutionnelle inventée par l'homme lui-même. Le passage de la propriété commune qui existe au sein de la nature à la propriété privée qui n'est, en fait, qu'éphémère nourrit un esprit de compétition entre les humains et les pousse à se voir comme des concurrents. L'homme qui avait autrefois le seul souci de subsister, se trouve tout d'un coup face à un besoin possessif qui n'est jamais satisfait et qui ne cesse de le pousser à convoiter le bien d'autrui.
Rousseau évoque ici l'axiome du sage John Locke qui dit qu'il " ne saurait y avoir d'injure, où il n'y a point de propriété " (p.33).
Le désir de prendre possession des terres et des biens qui dépassent les besoins individuels mène à l'inégalité des fortunes et au grand écart entre les riches et les pauvres. L'esprit compétitif sème dans les âmes un sentiment d'indifférence envers les souffrances des autres humains. Dans ce sens, Rousseau affirme que l'homme primaire est doué de certaines vertus innées, des vertus que la vie sociale détruit systématiquement. L'une de ces vertus léguées par la nature est le sentiment de pitié, cette " disposition convenable à des êtres aussi faibles, et sujets à autant de maux que nous le sommes ; vertu d'autant plus universelle et d'autant plus utile à l'homme qu'elle précède en lui l'usage de toute réflexion, et si naturelle que les bêtes mêmes en donnent quelquefois des signes sensibles " (p.24).
Ce sentiment naturel et humain à la fois est l'une des preuves de la noblesse intrinsèque de l'essence humaine et de l'universalité de cette même essence. Si seulement il était épargné de la dénaturation que causent les fausses valeurs de la société, ce sentiment de pitié chez les hommes envers la souffrance d'autrui ne prendrait jamais en considération les différences culturelles, raciales ou religieuses.
Ce qui est plus important pour Rousseau est l'évidence empirique qui confirme que cette vertu existe dans la nature brute puisqu'un " animal ne passe point sans inquiétude auprès d'un animal mort de son espèce; il y en a même qui leur donnent une sorte de sépulture; et les tristes mugissements du bétail entrant dans une boucherie annoncent l'impression qu'il reçoit de l'horrible spectacle qui le frappe " (p.24). Le message de la nature étant inhérent et indélébile, nulle société n'a pu anéantir ou distordre le reflet de cette noblesse sur l'âme humaine. Mais les dangers de la société troublent encore " le sommeil tranquille du philosophe " qui doit faire face à ces atrocités qui l'entourent. " On peut impunément égorger son semblable sous sa fenêtre; il n'a qu'à mettre ses mains sur ses oreilles et s'argumenter un peu pour empêcher la nature qui se révolte en lui de l'identifier avec celui qu'on assassine " (p.25). Tandis que l'homme sauvage se livre spontanément aux sentiments de l'humanité, l'homme moderne a appris à philosopher afin de justifier ses crimes.


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