La suppression du Cnas comme dernier recours de juridiction sportive au profit du TAS est la modification majeure qui cache un enjeu personnel. Comme on l'a annoncé hier, les amendements proposés à l'assemblée extraordinaire font déjà polémique dans le paysage tennistique tunisien. Entre choc, indignation et enthousiasme, ces amendements cachent un conflit intense entre Salma Mouelhi, présidente de la FTT, et Mehrez Boussayene, président du Cnot. Les «ex-alliés» ne le sont plus depuis quelques mois. Et cela se voit facilement dans ce projet d'amendements proposé aux clubs affiliés avec la suppression du Cnas et la confirmation du TAS. Par la même occasion, la FTT va «créer» une commission nationale d'appel qui dépend d'elle, et c'est aussi quelque chose d'étrange pour une instance juridique sportive qui doit être indépendante. On va essayer de lire soigneusement les modifications proposées. Plus de recours 3e degré ! Le fait majeur dans ces amendements proposés au vote est sûrement la suppression du recours au Cnas comme 3e degré «théorique» (qui n'existait pas en tennis !) et le passage obligé par le TAS de Lausanne. C'est un changement colossal très dur à gérer à notre avis pour la simple raison que cela prive les clubs de leur droit de recourir à une «cassation sportive» accessible. Désormais, et à l'instar du football (on peut comprendre l'alignement de la présidente de la FTT dans son conflit avec le président du Cnot), un club doit payer pas moins de 70.000 dinars pour obtenir le dernier appel. C'est quelque chose d'invraisemblable, voire d'indigne pour un pays censé être de droit. De plus, la commission d'appel, qui va traiter les appels sur les décisions de la Commission fédérale de première instance, va dépendre du bureau fédéral qui propose (qui désigne en fait!) les noms des candidats pour validation de l'assemblée élective. Pourquoi cette mainmise pas du tout innocente? Cela doit être une commission indépendante de la FTT et élue directement par les clubs au même titre que les membres du bureau fédéral. Mais quand on veut fermer les yeux... Eligibilité restreinte... Il y a aussi deux amendements qui portent sur la composition du bureau fédéral et sur les conditions d'éligibilité qui, elles aussi, méritent d'être longuement ficelées. D'abord, un bon texte proposé où l'on exige de la liste candidate qu'elle comprend autant d'hommes que de femmes (au lieu du quota de 2 femmes). C'est un coup de pouce énorme pour la femme dirigeante au tennis dans un monde réservé aux hommes. Mais en réalité, ce sera dur pour une liste de rassembler 6 femmes qui ont une expérience comme dirigeante, tellement on a fait le vide pour des années. Dans ce projet, il faudra signaler une clause «discriminatoire» et «dangereuse» qui empêche un membre qui a démissionné (et c'est un droit constitutionnel) d'un club ou d'un bureau fédéral, de se présenter aux élections ! Pire, cette clause des statuts est rétroactive (un non-sens juridique), c'est-à-dire qu'on va remonter des années pour éliminer des candidats. En même temps, on ferme les yeux sur quelqu'un qui a écopé d'une sanction pour comportement anti-sportif ou anti-valeurs olympiques (article sur mesure !) et on se contente du terme «sanction civile». Cela va dans l'intérêt de la présidente de la FTT qui entamera son 3e mandat consécutif et comme d'habitude sans rival ! Air de conflits… Cette assemblée extraordinaire est un tournant dans l'histoire du tennis. Malheureusement, ce ne sont pas des amendements qui servent l'intérêt du tennis tunisien. Ils n'évoquent pas l'autorité technique fédérale, la relation clubs-bureau fédéral ou les plans de développement de ce sport au potentiel énorme. Au lieu de «démocratiser» les élections et d'ouvrir les portes devant diverses compétences, on met la barre de plus en plus haut. Tout le monde, et surtout ceux qui vivent de près les événements du tennis, savent que ce sont des amendements qui portent un parfum de conflits. C'est même une manière de répondre à un rival au détriment d'un sport. Le conflit personnel entre la présidente de la FTT et le président du Cnot est au cœur de ces amendements. C'est même et indirectement le bras de fer Boussayène-El Jary qui alimente cette polémique assemblée. La FTT sortirait du Cnas comme la FTF l'a fait, et c'est maintenant aux très riches de faire un dernier appel au TAS, sinon d'accepter bon gré mal gré les décisions d'une commission d'appel contrôlée par la FTT. Que vont décider les clubs? On sait tous comment ça se passe et comment les clubs de tennis et les autres clubs vivent les tentations et les menaces du bureau fédéral. C'est eux qui décident mais les enjeux financiers (octroi des tournois, formation assurée…) l'emportent largement. Et le tennis dans tout cela? Et les valeurs du sport et du droit à une juridiction pas chère malgré tous ses défauts? Tout cela ne vaut pratiquement rien devant les conflits de personnes et les jeux macabres du pouvoir et de l'ego! Le Cnas : organe dépassé ! La proposition de quitter le Cnas, aussi mauvaise et lourde soit-elle, ne peut pas occulter la fragilité et les nombreuses limites du Cnas. Ce n'est pas la structure juridique sportive la plus appropriée pour départager les clubs et les fédérations. A part le coût qui reste fort abordable, la qualité et la crédibilité de cette instance et de plusieurs de ses membres sont fort discutables. L'emprise du Cnot et de son président, reste dominante sur cette instance et sur ses jugements. Ce n'est pas équitable dans plusieurs affaires où les sentences sont plus ou moins «arrangées» selon la loyauté et le jeu des intérêts. Aujourd'hui, les clubs de tennis vont devoir choisir entre deux maux, avec le Cnas, bien qu'il soit dépassé, qui peut être considéré comme un moindre mal mais doit être obligatoirement réformé à partir de sa composition (des membres élus selon, et comme tout le monde le sait, les mêmes critères que les membres élus au Cnot), son mode de fonctionnement et ses attributions. Il faudra qu'il sorte de l'ombre du Cnot et de ses dirigeants et qu'il soit la dernière instance sportive locale qui permet aux parties en litige d'assurer leurs droits et d'éviter de recourir au TAS, instance très coûteuse et inaccessible. On verra ce que les clubs de tennis vont décider, même si les indices parlent d'un imminent retrait du Cnas. Ce sera une énorme suprise si le contraire se produit.