Samedi dernier a eu lieu le vernissage d'une exposition «hors du commun», celle de l'artiste Othman Khadhraoui. Pensé et organisé par le Syndicat des Métiers des Arts-Plastiques (Smap), sous le patronage de M. Abdesselem Jrad, secrétaire général de l'Ugtt (Union Générale des Travailleurs Tunisiens), l'événement s'est révélé à la hauteur de ses ambitions : curieux, réunificateur et solidaire. Sans oublier le plus important, l'extrême richesse des œuvres exposées. En effet, le grand public avait oublié la facture transcendante d'Othman Khadhraoui, aujourd'hui âgée de 72 ans. Relativement «ignoré» par la scène des arts-plastiques tunisienne depuis un moment, dans une situation précaire et physiquement amoindri, il a décidé quelques mois auparavant, de pousser la porte du Smap, en contactant son secrétaire général, Amor Ghedamsi. Othman Khadhraoui avait assisté aux assemblées du syndicat, en connaissant ses actions principales, comme celles de permettre aux artistes plasticiens de notre pays d'exercer leurs métiers dans un minimum de dignité et de jouir de leurs pleins droits. Se sentant depuis longtemps exclu, Othman demandait «juste un peu de reconnaissance». N'ayant pas les moyens de restaurer ses œuvres abandonnées, écartées et isolées dans un coin de sa maison, l'artiste a bien fait d'attirer d'abord l'attention du Smap, ensuite celle de l'Ugtt, qui n'ont pas manqué de prendre complètement en charge l'actuelle exposition de l'artiste à «Mille Feuilles», dont le commissariat de qualité revient à Mme Faouzia Sahli, l'ex-directrice de la commission d'achat du ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine. Présentée par Amor Ghedamsi comme une rencontre dans l'univers foisonnant d'Othman Khadhraoui, fils du désert qui nourrit son imaginaire d'authenticité, de pureté, de volonté (…) vraies, et nobles valeurs de l'Humain, la manifestation s'est révélée un grand moment dans l'histoire des arts-plastiques en Tunisie. Voir des causes syndicalistes rejoindre la profusion émotionnelle d'un artiste majeur du pays, en fusionnant avec la noblesse indéniable de son œuvre, était réellement un intervalle temporel où un rêve secret devient réalité. Les peintures de Khadhraoui, inconditionnellement enracinées dans une innocence originelle, se sont montrées fertiles, sensibles, originales, et infiniment créatives. L'exposition qui lui est dédiée, rend hommage non plus à un homme, mais à un patrimoine. Entier et sincère, l'artiste était d'autant plus touchant, sa modestie étant une grande leçon d'humilité et d'humanité. Devant les personnes qui découvraient son travail, littéralement en admiration face à lui, il paraissait serein, confiant, tout en candeur et en retenue. Couronnée de surcroît par un succès (plus que la moitié des œuvres vendues dès les premières heures), la réapparition tant attendue de Khadhraoui a confirmé une évidence : le public est friand de belles initiatives comme cette rétrospective mise en place par le Smap, et parrainée par l'Ugtt. Nous ne pouvons que saluer ces volontés communes de faire vivre et revivre l'Art de notre pays, quand certains malheurs de l'existence s'acharnent contre ses artistes. Il est très important de reconnaître que l'art est un pilier de la société, en étant une de ses principales sources de savoir, de culture et de partage. Un art citoyen, un art vrai et un art pur, c'est ce que nous pouvons découvrir, à travers l'exposition d'Othman Khadhraoui, à la galerie Mille Feuilles jusqu'au 10 mars.