La question de la sécurité revient à l'ordre du jour dans le discours européen. Ruben Zaiotti l'explique par ‘‘la culture Schengen'' qui adopte ‘‘un positionnement central de la sécurité dans les priorités politiques''. Dans cette approche, la volonté de protéger en commun l'Europe des menaces intérieures et extérieures qu'elle implique supposerait une suspicion et une méfiance dans les relations avec les pays tiers (La propagation de la sécurité : l'Europe et la schengenisation de la politique de voisinage in http://www.conflits.org/index2471.html). Dans cette vision, la priorité est bien souvent accordée à la lutte contre l'émigration, instrumentalisée par certains à des fins électoraux. Un tel discours sécuritaire est cependant remis en cause par des observateurs avertis, du Sud et du Nord, qui rappellent les dangers que le terreau de la disparité sociale, de l'échange inégal, de la frustration peut contribuer à faire naître. Ils font valoir l'interaction des différentes dimensions militaires, politiques et sociales du concept sécuritaire global: le développement différentiel, le défi de la mondialisation, la dégradation de l'écosystème, etc. D'autres analystes ont évoqué récemment ‘‘la sécurité du quotidien'' des peuples de l'aire euroméditerranéenne, qui partagent un sentiment commun d'insécurité qui mine le développement de leurs relations. Cette approche opte ainsi pour un rééquilibrage de la hard security, par l'introduction de la soft security. D'autre part, la perception sécuritaire de l'émigration est souvent redimensionnée par les analystes. Citons, dans cet ordre d'idée, le diagnostic d'Alvaro Vasconcellos qui affirmait récemment : «On a fait de l'émigration un problème dans la relation, pas un facteur de cette relation. Cela a entraîné dans l'Union européenne un courant xénophobe, contraire à la perspective d'intégration euroméditerranéenne. Regardons les émigrants comme des acteurs de la relation, pas comme un problème» (Alvaro Vasconcellos, Cerem, Cahier n°6, 2008). D'autre part, la lutte contre le terrorisme met à l'ordre du jour des amalgames non fondés, exploités volontiers pour stigmatiser la culture de l'autre. De part et d'autre de la Méditerranée, les perceptions plurielles et différentielles — qui dépendent des ‘‘assomptions de fond'', c'est-à-dire des références objectives et subjectives de chaque communauté et des pratiques qu'elles génèrent et érigent en modèles — identifient, bel et bien, une ligne de démarcation que l'on doit transgresser. ‘‘L'Union pour la Méditerranée : processus de Barcelone'', qui a pour objet de redynamiser les relations euroméditerranéennes, est appelée à reconstruire un compromis, en relation avec les attentes et les vues des différents partenaires. L'UPM devrait avoir pour ambition de ‘‘créer ensemble un nouveau langage de la sécurité et une vision commune de l'avenir'' (Jean Dufourcq, Cerem, Cahier n°6, 2008). L'approche de la sécurité régionale, définie lors du sommet fondateur (Paris, 13 juillet 2008), esquisse un compromis évident puisqu'il affirme que «les parties s'emploient à établir, au Proche-Orient, une zone exempte d'armes de destruction massive, nucléaires, chimiques et biologiques et de leurs vecteurs, qui soit dotée d'un système de vérification mutuelle efficace» (Déclaration du sommet). Il faut prendre la mesure de ce rapprochement des points de vue avec les acteurs arabes qui estiment que la dénucléarisation du Moyen-Orient doit concerner tous les pays et ne pas exclure Israël. D'autre part, la condamnation du terrorisme se réfère à une vision globale de la sécurité, mettant en valeur les facteurs qui favorisent la propagation du terrorisme sous toutes ses formes et condamnent les tentatives d'associer une religion ou une culture, quelle qu'elle soit. L'appel du sommet fondateur pour le traitement des causes du développement du terrorisme et la résolution des conflits dans ce contexte font valoir un paradigme consensuel, plus indiqué pour servir la culture de la paix et de la sécurité. Mais les opinions publiques — fussent-elles séduites par un discours si prometteur! — attendent le passage à l'acte. L'UPM est ainsi hypothéquée par le blocage du processus de paix et la compréhension sélective des acteurs. Autre fait d'évidence, les projets pertinents de l'UPM devraient s'inscrire dans une approche solidaire globale, qui redimensionnerait l'obsession sécuritaire européenne, par l'ouverture des perspectives de prospérité partagée. Or, la mise en œuvre d'une politique de codéveloppement qui mettrait fin à l'asymétrie dominante, ou du moins l'atténuerait, pourrait constituer le meilleur facteur de sécurité et de stabilité.