C'est une cérémonie digne d'un grand homme que celle organisée hier après-midi pour célébrer le quarantième jour du décès de Tahar Chériaa. Ils étaient nombreux, très nombreux à venir lui rendre cet hommage posthume, rehaussé par la présence de M. Abderraouf El Basti, ministre de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine. Ses amis, ses protégés des ciné-clubs dont plusieurs sont devenus des cinéastes professionnels, ses fans et ses amis de Sayada, sa ville natale, sans oublier bien sûr les membres de sa famille. D'aucuns parmi tous ceux qui l'ont connu, côtoyé et fréquenté telle Attiet Al Abnoudi, se refusent encore à parler de lui à l'imparfait...C'est que, comme l'a si bien relevé M.El Basti, le défunt compte parmi les bâtisseurs de la culture nationale. «Il concevait la responsabilité au sein de l'administration culturelle comme une sorte de combat exigeant abnégation et générosité , d'autant qu'il s'agissait d'une phase de gestation de la chose culturelle...» Le don de soi Le ministre de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine a mis en exergue les différentes étapes de ce combat, notamment concernant l'action caractéristique de l'itinéraire de Tahar Chériaâ au sein de la fédération des ciné-clubs, le défunt ayant su animer les potentialités des membres de la fédération au profit de l'expression cinématographique nationale.Sa passion pour le 7e art l'avait mené à rêver d'un échange et d'une interactivité entre le cinéma tunisien et les cinémas africains et arabes.Soutenu par un autre grand homme, un acteur de la culture moderne en Tunisie, M. Chedly Klibi, il parvient à fonder les Journées cinématographiques de Carthage en 1966 et ensuite à co-fonder le festival de Ouagadougou. Auteur de plusieurs publications dont «Ecrans d'abondance» ou «Cinéma de libération en Afrique», poète, cofondateur de la revue «Théâtre et cinéma»,traducteur aussi, Tahar Chériaâ, a également élaboré deux études qui ont été citées par M.Mansour Mhenni, P.D.G. de la snipe-La presse-Essahafa : «Sélection et formulation des thèmes de tradition orale en Egypte, en Libye, Tunisie, Algérie et au Maroc» et «Projets de jeux radio-télévisuels basés sur la tradition des joutes oratoires dans les pays d'Afrique méditérranéennes». Ami de longue date du défunt, M.Mhenni a évoqué la gratitude de T. Chériaâ envers sa ville natale Sayada aux enfants de laquelle il a gracieusement dédié sa bibliothèque personnelle qu'il considérait comme le bien le plus précieux qu'il ait pu acquérir. «Nous ne soupçonnions pas qu'un homme puisse partir loin de ses enfants et des siens pour une passion, une idée auxquelles il s'investit avec autant d'abnégation qu'il l'a fait. C'est avec le temps que nous avons pu comprendre..», éloquents propos de sa famille qui montrent à quel point cet homme a puisé dans son confort moral et familial pour soutenir au moins deux générations de cinéastes tunisiens et autant de créateurs arabes et africains. Les témoignages sur son itinéraire révèlent d'autres aspects de son œuvre. Si Tahar Chériaâ n'a jamais pratiqué le cinéma, comme le relève Attiet Al Abnoudi, un facteur qui renforce son mérite de «parrain» (pour reprendre l'expression de Néjib Ayed) désintéressé, donnant sans calcul et prodiguant conseils, soutien et encadrement sans limites. Tahar Chériaâ, l'écrivain raconté et analysé par M. Abderrahman Kablouti; Chériaâ, le marin enfant d'un village où les voiles sont toujours prêtes à s'emparer du vent (Adem Fethi); Tahar Chériaâ le défenseur du cinéma égyptien (Kamel Ramzi); Tahar Chériaâ, le promoteur des cinémas maghrébins et d'Afrique noire (Samir Férid); Tahar Chériaâ, le donneur universel (Mohamed Bakrim) et enfin Tahar Chériaâ, grand esprit et grand cœur ( Ferid Boughédir)...Ils sont venus, ils étaient tous là, Tahar Chériaâ était aussi là, a dit son autre ami et compagnon, M.Mustapha Nagbou.