Dans un coin pratiquement toujours vierge à Djerba, le galeriste tunisien Hamadi Chérif a concrétisé ce qu'il appelle «l'aboutissement de 45 ans de métier dans l'art», en créant Dar Chérif, le Centre international d'art et de culture Sidi Jmour. Un endroit agréable, à proximité de l'aéroport et de la plage. Inauguré en avril dernier, le centre a jusque-là accueilli les expositions «Ecole de Paris/Ecole de Tunis», «La femme dans la peinture» et «Hymne à la Tunisie». Des expositions qui ont proposé le regard de peintres comme Ammar Farhat, Jellal Ben Abdallah, Edgar Naccache, Mifsud ou encore le très convoité Roubtzoff. En octobre, le centre a abrité le spectacle de la compagnie de cirque contemporain «Equivoque» et au mois d'août, la troupe de Sidi Boulbaba et Nafass de Alia Sellami et son ensemble «Aloès». Nafass, que l'on ne présente plus, vient d'être, à la demande du public, reprogrammé samedi dernier à Dar Chérif. Les solistes d'Aloès, désormais inamovibles (Olfa Soussi, Salwa Ben Salah, Atef Ayari, Achref Chargui et Walid Hkiri, en plus de Alia Sellami), puisent dans les spécificités de l'espace où ils se produisent pour rendre leur spectacle unique à chaque fois. Une mise en scène sobre et des voix aux différents timbres se rencontrent pour remplir la salle d'ondes sonores élévatrices. Les chants liturgiques ont cette capacité d'être perçus par l'oreille et le cœur tel un langage universel. Ainsi, on se retrouve autant touché par un Gospel que par une Aissaouia. On découvre comment on s'adresse à Dieu en Inde, au Japon, au Sénégal et dans 22 autres endroits dans le monde. On nous rappelle surtout, au bout d'une heure et demie de démonstration, qu'il n'y a point une seule manière de chanter le divin, et que chaque manière peut tout à fait cohabiter avec l'autre, voire s'y mélanger pour donner un éclectisme recherché. Alia Sellami et ses ex-étudiants suivent des chemins séparés et se rencontrent, le temps de souffler ensemble vers les portes du ciel. Au début du spectacle, ils sont chacun dans un coin de la salle et interprètent des solos. Au fur et à mesure, leurs chants se font comme un dialogue et ils se rapprochent tels des continents pour former un seul globe, un seul bloc vocal qui s'exprime en chœur. Le spectacle, longuement applaudi par les spectateurs, a été couronné par la présentation du CD du groupe, un enregistrement live d'un précédent concert à l'Acropolium de Carthage. Les choristes de Nafass ne se sont jusque-là produits qu'en Tunisie et en France. Espérons les voir dans le futur s'exporter dans des festivals de chant religieux et de musique spirituelle dans le monde et y véhiculer leur message d'ouverture et de tolérance. Nafass a eu lieu dans la salle polyvalente de 200 places de Dar Chérif, qui compte également un espace extérieur, des chambres d'hôtes et une salle commune. De quoi répondre à sa vocation première d'être une résidence d'artistes et un espace d'art et de création, qui répond aux goûts du public pluricommunautaire de l'île tout en lui offrant la découverte. Le programme de 2011 s'inscrit dans cette direction. Il se base sur une activité régulière qui a lieu pendant les week-ends, avec un spectacle, un cycle de cinéma et une conférence par mois. Les thèmes à venir sont entre autres «Marco Polo» et «Les mosquées en Méditerranée». En 2011 également, le centre commencera à accueillir des artistes étrangers pour des résidences au bout desquelles ils offriront, selon leur discipline, un spectacle ou une exposition. Cerise sur le gâteau pour Dar Chérif : elle a été officiellement chargée par le ministère du Tourisme d'organiser du 6 au 11 septembre prochain, un festival de jazz qui, apparemment, se retire de Tabarka pour se diriger vers Djerba.