Karim Gharbi, un artiste tuniso-belge qui porte à merveille la chanson française. D'ailleurs, et à ce titre, il a reçu en 2009 Le Mans Cité Chanson. Il a été également sacré en 2010, 1er lauréat de la Biennale de la Chanson française de Bruxelles. Il était parmi nous jeudi dernier, dans le cadre des premières Journées musicales de Carthage. Diplômé des Conservatoires de musique de Bruxelles, Liège, Roubaix, et aussi de l'Académie des beaux-arts de Bruxelles en section danse, Gharbi s'est formé à plusieurs écoles (classique, jazz, musiques populaires, improvisation, composition), notamment dans les classes de Abdelmalek Kadi. Il s'est également produit dans des spectacles de danse et de music-hall, ainsi qu'au théâtre, en tant que comédien, dans notamment Le pont de pierres et la peau d'images de D. Danis . Un public nombreux l'attendait à la maison de la culture Ibn-Rachiq. Le concert a été ouvert par une ballade musicale intitulée Ce fut un rêve (Wa kéna holman) signé Wannes Khlijen. Elle nous a été interprétée par les brillants musiciens tunisiens Samih Mahjoub et Béchir Bhouri, tous deux au luth, Lotfi Rayes à la contrebasse et Nassreddine Chalbi aux percussions. La scène fut ensuite cédée à l'enfant prodige et son groupe, le "Karim Gharbi quartet", formé de musiciens belges : Eric Bribosia (clavier), Clément Nourry (guitare) et Fred Becker (saxophone et flûte). Première chanson Il pleut doucement sur la ville et premier contact avec L'homme en noir et sa musique. La chanson est une composition originale sur un poème de Paul Verlaine. "Il pleure dans mon cœur, comme il pleut sur la ville; quelle est cette langueur, qui pénètre mon cœur", nous chante, ou plutôt, nous murmure-t-il d'une voix douce et pénétrante. Et d'emblée, on tombe sous le charme de cette présence, de ce timbre de voix qui nous offre, admirablement, Verlaine. Un pur moment de bonheur et de délectation que nous avons partagé avec cet artiste, le temps d'un concert. Le chanteur nous a parlé de sa Tunisie racontée par son père quand il était petit. Identifiée sur un globe terrestre, ce pays, qui lui paraissait si grand, finit par disparaître quand le père fit tournoyer le globe. Demandant, à nouveau, à son père de lui indiquer l'emplacement de la Tunisie, ce dernier mit le doigt sur son petit cœur... Emouvant. Dans des sonorités mêlant jazz et chansons intimistes ou populaires, il nous a livré ses propres textes (majoritairement) à travers la chanson Les secrets de famille ou encore Blues de l'œuf dur, une chanson écrite au début des tourments de la crise financière, explique le chanteur. "Les gens misent mal, mais moi je m'en fous! De toutes les façons, je continue à manger mes œufs durs", nous dit-il. Une chanson à la joie désordonnée, qu'il nous a livrée avec une théâtralité de l'interprétation : mimiques, rire nerveux et strident, hystérie de la gestuelle. Les talents de comédien venaient, des fois, arracher le micro au chanteur pour nous entraîner dans une folie mélancolique, le tout soutenu par le son saccadé du saxophone. C'est ainsi que Karim Gharbi nous a conté la rhapsodie fiscale et "je m'en fous, de toutes les façons, moi, je continue de bouffer mes œufs d'or", a-t-il conclu. On ne peut parler de textes français en Belgique sans évoquer le grand Jacques Brel. Et Karim Gharbi n'a pas manqué pas de le faire, nous interprétant "Je ne sais rien". Avec une exécution tout en douceur ,au début, pour devenir, petit à petit, plus intense et plus passionnée, elle était appuyée par le son de la flûte jouée par Fred Becker. Le dernier morceau intitulé Céline, une reprise d'Hugues Aufray, était intimiste et flottante. Une belle manière de quitter un public séduit par cette présence, celle de «Gharbi quartet». Bravo!