Comme un refrain jamais éculé, les galas de la Rachidia bercent nos oreilles depuis un certain 3 avril 1935. De quoi être fier ! Le rendez-vous mensuel du dernier vendredi de chaque mois de la Rachidia au Théâtre municipal a été décalé pour se voir tenir mercredi dernier, 29 décembre 2010. Ce report est justifié par les événements culturels de fin d'année survenant à une date où la scène du TNT ne chôme pas. A la tête de cette vénérable institution, gardienne de la tradition musicale tunisienne, les grands maîtres pionniers de la Rachidia eurent à combattre l'insoutenable légèreté d'une certaine musique judéo-arabe, surtout au niveau du texte accompagnée d'une désaffection du public en rapport avec une lassitude ressentie face à d'éternelles recompositions de mots essoufflés. Les lendemains du Congrès du Caire de 1932 sonnèrent le glas du monopole de la médiocrité musicale et insistèrent sur une authenticité musicale arabe dans le cadre esthétique de la belle tradition du chant andalou. Le legs esthétique de cette magnifique institution, dont la Tunisie peut s'enorgueillir, est demeuré souverainement intact et cela grâce à des hommes de la trempe de Tahar Gharsa, Salah Mahdi, Abdelhamid Belalgia, Mohamed Saâda… Ce legs patrimonial n'a pas été rejeté dans les ténèbres de l'époque coloniale, il a, au contraire, accompagné l'Indépendance et l'édification d'une société moderne qui a pu offrir un habit de lumière à la musique tunisienne. Après trois quarts de siècle d'existence, la Rachida n'a pas pris une seule ride, surtout depuis que le jeune Zied Gharsa préside à ses destinées. L'afflux du public à ses concerts confirme la justesse des pronostics en répondant à l'attente de tous ceux et celles qui croient en son devenir. Les moments forts du récital A la tête d'une armada (une trentaine d'instrumentistes et de choristes), invincible quand il s'agit de partition musicale, le récital de la Rachidia, qui a attiré les grandes foules, a démarré avec une demi-heure de retard avec du âtiq, un peshrev, intitulé naouassar, suivi d'un istikhbar sur le luth dans le mode H'sin saba et une wasla (suite) de muwashahat avec une composition de Zied Gharsa dans le maqam (mode) nahawand. Il y eut par la suite un taqasim (improvisation) de Mohamed Ghnya. Zaâma isafi eddhar (Le destin nous sera-t-il favorable?), paroles de Mahmoud Bourguiba, musique de Mohamed Triki, a marqué l'entrée en scène des choristes. Après quoi, une nouvelle composition musicale de Zied, un douleb dans le mode rast a réuni tous les solistes dans un élan jubilatoire des plus entraînants. Avec Dorsaf Hamdani, le concert a pris une belle tournure promettant des moments agréables d'évasion et d'oubli. Tour à tour, elle a interprété Ya hajera de l'inoubliable Hana Rached. Suivit Om el hassen de Saliha, la voix éternelle de la Tunisie. Ali Riahi dans Ana kiettir (Comme un oiseau…) qui a terminé le tour de chant de Dorsaf qui, comme à l'accoutumée, a été très applaudie. Un baroual composé de trois morceaux tournant autour des affres de l'amour à sens unique a clôturé ce rendez-vous mensuel de la Rachidia où seule la voix du maître Zied Gharsa a brillé par son absence. Ce qui est fort regrettable pour ses fans.