Bagdad (AP) — Bravant les attentats, les Irakiens ont voté hier pour des élections législatives considérées comme un test crucial pour la toute fragile démocratie irakienne, six mois avant le départ annoncé des troupes de combat américaines. Malgré un dispositif de sécurité renforcé, les violences ont fait 36 morts, selon un bilan officiel provisoire. Quelque 20 millions d'électeurs étaient appelés à choisir parmi 6.200 candidats en lice pour 325 sièges au Parlement, à l'occasion de ce deuxième scrutin national depuis l'invasion américaine de 2003 et le renversement du régime de Saddam Hussein. Ces élections témoigneront de la capacité de l'Irak à dépasser les luttes entre clans et à mettre réellement en œuvre la réconciliation nationale, notamment entre chiites, sunnites et kurdes. Les bureaux de vote ont fermé à 17h (14h GMT). Les premiers résultats ne sont pas attendus avant plusieurs jours, mais le nouveau gouvernement pourrait n'entrer en fonction que dans plusieurs mois, de longues négociations entre des partis aux forts antagonismes n'étant pas exclues. L'avenir politique du Premier ministre Nouri al-Maliki est dans la balance. Sa Coalition pour un Etat de droit est confrontée à l'Alliance nationale irakienne (ANI), qui rassemble le mouvement dirigé par le jeune imam extrémiste Moqtada al-Sadr, et le Conseil suprême islamique irakien (CSII), proche de l'Iran. Le Bloc irakien, favorable à un Irak laïque, réunit chiites et sunnites sous la houlette de l'ancien Premier ministre Iyad Allawi. Les électeurs sont allés voter, malgré les tirs d'obus et les grenades qui se sont abattus sur Bagdad dès le lever du jour. Selon un responsable du ministère de l'Intérieur, 35 personnes ont trouvé la mort dans la seule capitale irakienne du fait des violences perpétrées par l'insurrection sunnite, déterminée à perturber le scrutin. Un policier a par ailleurs été tué dans l'explosion d'une bombe dans un bureau de vote de Mahmoudiya, à une trentaine de kilomètres au sud de Bagdad, selon le colonel d'armée Abdul Hussein. «Ces actes ne réussiront pas à saper la volonté du peuple irakien», a assuré M. Maliki à la presse après avoir déposé son bulletin dans l'urne. A Bagdad, au moins 19 personnes ont été tuées après l'explosion de deux bâtiments situés à environ 1,5km de distance dans le nord-est de la ville. Des tirs de mortier ont fait par ailleurs sept morts dans deux quartiers de l'ouest de Bagdad, selon la police et les hôpitaux. Dans le quartier d'Hourriyah, dans le nord-est de la ville, un inconnu a jeté une grenade dans la foule qui se rendait au bureau de vote, faisant trois morts. Dès l'aube, des obus de mortier se sont également abattus sur le quartier à majorité sunnite d'Azamiyah, sans que cela semble dissuader les électeurs. «Je n'ai pas peur, je ne vais pas rester planqué chez moi. Jusqu'à quand? Nous devons faire changer les choses. Si je reste chez moi et ne viens pas voter, Azamiyah deviendra pire», expliquait ainsi Walid Abid, 40 ans, venu voter alors que des explosions d'obus résonnaient à quelques centaines de mètres. Un important dispositif de sécurité avait été mis en place pour éviter les violences. Les frontières et l'aéroport ont été fermés, plusieurs centaines de milliers de soldats et policiers déployés, et des barrages de police supplémentaires installés. A Bagdad, la circulation des véhicules était presque totalement interdite, les électeurs se rendant aux urnes à pied. En revanche, la présence américaine était extrêmement discrète: le seul signe visible de l'occupation était la présence de quatre hélicoptères survolant le centre de Bagdad. Barack Obama a, lui, salué le courage des électeurs irakiens. «Nous pleurons les morts tragiques d'aujourd'hui et saluons le courage et la résistance du peuple irakien, qui a une fois de plus défié les menaces pour faire avancer sa démocratie», a-t-il déclaré dans un communiqué. A Nasiriyah, dans le sud chiite, la foule était dans la rue comme pour un jour de fête: les hommes portaient leurs plus beaux costumes, accompagnés de femmes en abaya noire et souvent d'enfants. «J'ai voté en 2005. Il y avait beaucoup moins de monde à l'époque. Aujourd'hui, la participation est plus importante», affirmait Ahmed Saad Chadian. Même mobilisation à Najaf, la ville sainte chiite au sud de Bagdad, prise pour cible la veille d'un attentat ayant fait plusieurs morts. «Nous sommes venus participer à cette journée nationale, et n'avons rien à faire des attentats», confiait Sahib Jabr, un chauffeur de taxi de 34 ans.