Car le cancer, ce n'est pas seulement devoir subir la maladie avec sa cohorte de soins, de douleurs et de traitements difficilement supportables, c'est aussi l'obligation d'affronter un environnement quasiment injuste, avec le risque, si l'on est en activité, d'être mis en difficulté au travail, parfois jusqu'au licenciement, de voir son couple menacé de divorce ou, pour le moins, supporter le rejet du mari ou de la conjointe. Le nombre de personnes qui ont à vivre cette situation inconfortable augmente d'année en année, avec l'impression, désagréable et extrêmement gênante, que cela ne s'arrêtera jamais. Car, et pour notre désespoir, la sale maladie continue de nous narguer et évoluer à un rythme hallucinant ! 9.000 nouveaux cas chaque année, nous disent les statistiques, et une prise en charge publique de ces maladies de l'ordre de 27MD. Le chiffre est repris, tourné et retourné dans tous les sens par les médias et les professionnels de la santé sans qu'il n'y ait le moindre espoir que cela s'arrête un jour. Les projections confirment la tendance avec 12.000 nouveaux cas de cancer par an pour les hommes et 9.000 pour les femmes dans 12 à 15 ans. On parle même d'épidémie de cancer de poumon pour les hommes, avec une pointe de 4.000 nouveaux cas par an. Les nouvelles habitudes alimentaires, une hygiène de vie en constante transformation, le vieillissement de la population, l'obésité et le stress en seraient les principales causes. C'est-à-dire des facteurs sur lesquels on n'a quasiment aucune emprise. Alors faisons qu'au moins nos malades aient à souffrir le moins possible et que les structures dans lesquelles ils sont amenés à se faire soigner soient convenablement équipées et en nombre suffisant. Qu'en est-il dans la réalité ? Il faut d'abord savoir qu'un peu plus de la moitié des malades du cancer doivent recourir à la radiothérapie, à la chimiothérapie et à la chirurgie. Souvent, les trois méthodes sont utilisées en association. Si la chimio et la chirurgie nécessitent une immobilisation plus ou moins longue du malade, la radiothérapie, par contre, n'exige pas beaucoup de temps. Pourtant, des patients passent jusqu'à parfois quatre heures d'attente avant d'avoir leur traitement. Dans certains établissements privés où l'encombrement est à son comble, les conditions d'attente sont pénibles et insupportables, des malades devant s'asseoir, voire être contraints de s'allonger à même le sol sur des lits de fortune ou même des cartons. Devant l'insuffisance de centres de radiothérapie et de chimiothérapie (quatre publics pour tout le pays, en attendant la réalisation de trois autres à Jendouba, Gafsa et Gabès), celles d'entre les cliniques privées qui en sont équipées, tournent 24 h/24. Les malades obtiennent des rendez-vous pour des heures impossibles (2h, 3h, 4h du matin). Ce n'est pas tant ces heures qu'on conteste, que les conditions dans lesquelles sont tenus des malades, la plupart du temps habités par l'angoisse et la peine. Dans une évaluation récente relative à l'opération pilote de dépistage du cancer du sein, effectuée par l'Office de la famille et de la population dans le gouvernorat de l'Ariana, les malades ont placé le retard et l'accès — qu'elles qualifient de difficiles — aux traitements de chimiothérapie et de radiothérapie, au premier rang de leurs préoccupations. Il y a certes la souffrance d'être malade, mais doit-on subir, en plus, celle de la mauvaise organisation voire de la banalisation de la souffrance ?